Le problème à trois corpus [Interview du département des Sombres Projets]

Le Département des Sombres Projets a su, en 2011, entrer dans la cours des grands avec son premier jeu : Wasteland. Qualité éditoriale, création française, gamme riche et maitrisée. Mais ce jeu était aussi, en quelque sorte, une déclaration d’amour à Hawkmoon. Fort de ce succès, l’éditeur a pu concrétiser – officiellement – son affection pour les univers de Moorcock avec l’édition de Mournblade et, quelques années plus tard, éditer un nouveau jeu Hawkmoon. Entre temps, un autre jeu s’est immiscé à part de cet multivers moorcokien, et pas des moindre : Les Héritiers. Aujourd’hui le Département a trois gammes en cours à son catalogue. Que de la création francophone. Alors, quelle gamme prioriser ? Réponse facile : aucune. Ou plutôt : les trois en même temps. C’est pourquoi l’éditeur lance une souscription pour ces trois jeux phares. Pourquoi ? Comment ? On a voulu en savoir plus.

Le Fix : Bonjour, nous c’est le Fix. Nous aussi on est plusieurs dans notre tête à rêver qu’on est un Héritier, tout en combattant les Granbretons et traversant les terres des Jeunes Royaumes. Et vous, vous êtes qui ?

Grégory : Je suis l’un des auteurs de la gamme Les Héritiers et l’auteur principal du supplément Les Arts obscurs, même si j’ai largement remanié une version antérieure écrite par mon amie, feue Isabelle Périer, autrice initiale des Héritiers avec Éric Paris.

Olivier : Je suis l’auteur des Armes du Crépuscule, la campagne pour Hawkmoon. Hawkmoon et moi, c’est une longue histoire puisque je travaillais déjà sur la première itération du jeu, chez Oriflam. Avec Vincent Zimmermann, on est les principaux auteurs de la version Sombres Projets.

Thibaut : Je suis l’auteur du Seigneur des Ruines, la campagne pour Mournblade. Et accessoirement, le relecteur-correcteur officiel du Sombre Département depuis quelques années. En conséquence, je connais bien l’ensemble des gammes de l’éditeur. Ainsi, je n’ai pas encore trouvé de refuge précis et continue d’errer dans les multiples réalités du Multivers. Pourquoi se limiter à un seul rêve, quand on peut varier les plaisirs ?

Le Fix : Vous venez de lancer une souscription pour le suivi de trois gammes différentes. C’est une première. Vous avez le goût du risque, dites ?

Olivier : Cette campagne, c’est un peu : trois salles, trois ambiances. Il y en a pour tous les goûts et ça donne vraiment envie de partager ses sombres saveurs. Je ne suis pas certain que ce soit très risqué puisque les trois suppléments vont quoi qu’il arrive exister. La souscription permet avant tout d’exposer les gammes et de proposer un tarif avantageux pour ceux qui nous soutiennent.

Le Fix : Ce traitement simultané de plusieurs gammes pourrait donner l’impression que chacune de ces 3 identités ludiques va se voir apporter qu’un intérêt plus limité (car partagé). Faut-il s’inquiéter ? Quel avenir pour ces 3 gammes ?

Olivier : Ce ne sont pas les mêmes auteurs qui œuvrent sur chaque gamme, ce qui limite les risques de burn-out. Les trois univers ont leur identité propre et leur public. Pas d’inquiétude donc.

Grégory : L’avenir des Héritiers, c’est la campagne. À l’heure qu’il est, on en finalise la (grosse) première partie. Elle devrait arriver en pdf très bientôt.

Le Fix : À l’inverse, cette souscription peut me permettre, à moi qui joue aux Héritiers, de découvrir Mournblade par exemple, que je ne connais pas du tout. Est-ce que quelque chose sera proposé pour encourager les souscripteurs à découvrir de nouvelles gammes ?

Olivier : Oh la oui, puisque les Sombres Projets doivent faire de la place dans leurs stocks ! Les quatre gammes (en incluant Wasteland) seront proposées en marge de cette souscription, et à des prix vilainement tentateurs.

Le Fix : Est-ce que ce financement multi-gammes peut présager d’un rapprochement entre les gammes sœurs Mournblade et Hawkmoon ?

Olivier : Paf dans le mille ! Justement la campagne pour Hawkmoon ouvre la porte aux Élus des Jeunes Royaumes, pour qui elle sera extrêmement dépaysante. Un road-trip dans un plan du Multivers sous haute tension.

Thibaut : Comme le dit Olivier, la campagne Les Armes du Crépuscule est conçue de telle sorte que des PJ de Mournblade puissent la jouer intégralement dans l’univers de Hawkmoon. Lors de ma relecture, j’ai apporté d’infimes touches à la superbe création d’Olivier pour assurer une cohérence maximale des deux gammes à ce sujet. Le Seigneur des Ruines, de son côté, déborde également des Jeunes Royaumes pour s’aventurer dans le Multivers à plusieurs reprises, et offre des pistes aux MJ qui n’ont pas froid aux yeux afin de proposer à leurs joueurs de croiser certaines facettes du Champion Éternel. Plus que jamais, les deux gammes peuvent se rencontrer dans les aventures proposées, et de façon générale, c’est tout le Multivers qui s’offre désormais aux possesseurs de l’une ou l’autre des gammes. Les lecteurs vigilants auront d’ailleurs déjà pu remarquer plusieurs références aux Jeunes Royaumes dans certains des derniers suppléments de Hawkmoon.

Le Fix : La mise à jour du CYD System de Mournblade dans la version plus récente de Hawkmoon est-elle en route ?

Olivier : Elle est en gestation, il me semble ?

Thibaut : Oui, j’y travaille d’arrache-pied en ce moment ! La forme définitive que prendra cette mise à jour reste en discussion, mais en effet le travail a commencé voilà quelque temps. En particulier, le système de sorcellerie fonctionne très bien après quelques tests. Il sera plus fluide, plus élégant et sans doute plus proche de l’esprit des aventures d’Elric grâce aux innovations apportées par le CYD 2.0.

Le Fix : Est ce que les paliers de ce financement vont faire alterner les trois gammes ou bien y aura-t-il de quoi se réjouir pour tout le monde à chaque palier franchi ?

Grégory : Ah ben non… c’est une campagne sans palier ! On dit ce qu’on fait, on fait ce qu’on dit.

Le Fix : Bon, entre nous, ça va être quoi le contenu si mystérieux pour Hawkmoon ?

Olivier : Ah non, rien de mystérieux ! La surprise, s’il y en a une, c’est que cette campagne s’attache à rapprocher les univers de Mournblade et de Hawkmoon. À menace commune, cause commune !

Le Fix : Concernant les Héritiers, le supplément proposé concernera les « Arts Obscurs ». Ça résout l’énigme des peintures noires de Goya ou rien à voir ?

Grégory : Rien à voir, même si le talent de Goya est proche de la sorcellerie ! Le titre Les Arts obscurs désigne les différentes magies de l’univers des Héritiers. Outre le spiritisme, déjà détaillé dans Un Livret pour les Doctes, ce nouveau supplément expliquera le fonctionnement de six nouvelles magies :

  • le druidisme,
  • la faëomancie (préparations d’organes de fées pour en tirer des pouvoirs),
  • la nécromancie, le Souffle (la magie d’une faction secrète),
  • la théurgie (la magie sacrée des Pèlerins du mont Ébal autour de la foi chrétienne),
  • une magie secrète qu’on ne divulgâchera pas ici car elle est liée aux secrets de l’univers.

Ces « arts obscurs » donneront ainsi aux antagonistes des diverses factions de quoi surprendre les PJ. D’ailleurs, quelques PNJ et cinq petites aventures (dont une assez costaude) mettant en scène les magies viennent égayer le supplément. Enfin, les PJ eux-mêmes pourront s’initier à ces magies, même si elles ne sont pas toutes très bien vues dans la société féérique.

Le Fix : Vous savez que tout le monde s’attendait au début de la campagne pour les Héritiers. Que pouvez-vous nous dire à son sujet ?

Grégory : Disons pour commencer que Les Arts obscurs est un excellent compagnon de route pour la campagne à venir car certains secrets de l’univers y sont expliqués en détail et la magie y joue un rôle important. La campagne sera composée de deux tomes. Le premier, qui s’étend de 1903 à 1907, est déjà rédigé et en phase de relecture. Nous espérons le mettre en maquette en juin. Il est donc de l’ordre du possible que ce premier volume paraisse en format pdf d’ici la fin de l’été. Comme c’est un gros morceau, il donnera de quoi vivre de palpitantes aventures en attendant le tome deux, qui lui ira jusqu’en 1914.

Le Fix : Passons à Mournblade, le supplément proposé sera la version imprimée de la campagne Seigneur des Ruines déjà disponible en PDF sur votre site. Ce sera une impression telle-quelle ou il y aura des ajouts ?

Thibaut : On ne peut pas réellement parler d’ajouts, mais il y aura un certain nombre de changements. La version de la campagne disponible actuellement sur le site consiste en des PDF qui étaient sortis de façon indépendante, chapitre par chapitre. La version imprimée était donc l’occasion de remanier la cohérence globale, et de retoucher en particulier l’épisode initial, ainsi que le « Guide de jeu » qui forme désormais l’introduction du livre, et dont l’ordre de certaines sections a été modifié.

De façon générale, la version imprimée proposera la version définitive de la campagne, et a permis d’effectuer d’ultimes corrections et perfectionnements, parce qu’au Département, la perfection n’est pas juste un horizon que l’on ne peut atteindre, c’est un art de vivre !

Le Fix : En plus de ces trois gammes, vous avez en projet de sortir Mournblade en anglais, avec Elric : Rise of the Young Kingdoms. Où en êtes-vous sur ce jeu ?

Olivier : Elric, c’est un jeu de plateau. Ça a pris du retard, comme souvent avec ce genre de gros projet, qui plus est un nouveau défi pour le Département puisqu’il va exister simultanément à la fois en français et en anglais. Mais aux dernières nouvelles, ça avance bien, le jeu est terminé, il ne reste plus qu’à le fabriquer et à l’expédier ! Avant la fin de l’année, c’est ce qui est annoncé.

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