Là, ça devient vraiment Critical ! [chronique Critical Fondation 2]

Après un deuxième essai qui lançait une seconde série, cette fois-ci dans un contexte plus classiquement medfan, le jeu hybride (mi-JdR, mi-jeu de plateau et re-mi-JdR derrière) Critical revient à ses premières amours : l’anticipation légèrement cyberpunk avec le deuxième (et dernier) volet de la campagne Fondation.

Si vous voulez vous mettre à jour, sachez que ce jeu en boîte publié par l’éditeur de jeux de plateau Gigamic a pour ambition de rendre notre hobby plus accessible et promet pour ce faire des parties très courtes (environ 30 mn) avec quasiment aucune préparation et dont l’immersion est grandement facilitée par l’emploi de tout un petit matériel (des cartes à jouer en particulier). Vous pouvez relire notre chronique de la première boîte de Critical – Fondation ici : https://lefix.di6dent.fr/archives/18430

Critical – Fondation 2 se présente de façon quasi-similaire, c’en est même troublant. Pourtant, quand on creuse, il y a forcément quelques différences puisque Fondation 2 est une suite, inutilisable, donc, sans la précédente boîte. On ne s’étonnera pas alors de ne pas y trouver les règles du jeu ni l’écran du MJ et pas non plus les dés. Pour le reste, c’est vraiment très similaire avec un contenu essentiellement constitué de petits livrets de 4 pages (un pour chaque épisode) et de très nombreuses cartes à jouer de petit format. C’est peut-être dommage, d ce fait, d’avoir fait une boîte similaire à la 1ère car celle-ci fait un peu vide par rapport à sa grande sœur et, sans doute, cela augmente-t-il le coût de l’ensemble (de fait, la différence de prix entre les deux boîtes est minime malgré la différence de contenu).

Il ne faut donc pas s’attendre à de grandes différences dans le gameplay : Fondation 2 est purement et simplement la suite de la mini-campagne entamée dans le 1. On retrouve donc une intrigue découpée en courts épisodes introduits in media res et largement centrés sur une action trépidante (il y a toujours au moins un combat ou une course poursuite dans chaque épisode). Le livret donne tous les clefs au MJ pour savoir comment improviser autour de la trame, quoi faire selon les résultats aux dés ou les initiatives chelous des PJ.

Il y a toujours de nombreuses cartes à distribuer avec des PNJ, paysages, indices, matériel, etc. Le temps que les joueurs se fassent passer ces cartes et décident de ce qu’il faut faire, un MJ expérimenté peut parcourir le reste du livret et ainsi être prêt pour la suite de l’action. Ce sera sans doute moins le cas pour un MJ novice : on est loin, par exemple, de la prise en main de A à Z comme dans Agents de Dune, récemment chroniqué en nos pages. Là, il y a de la place à l’improvisation et… ce n’est pas plus mal, non ?

 

De fait, ce Fondation 2 semble vouloir donner un peu plus de liberté aux joueurs. Ainsi, certains épisodes peuvent être joués dans n’importe quel ordre sans que le travail du MJ ne s’en trouve trop alourdi (un peu, quand même… : il y a un ordre prévu d’avance, la preuve par la numérotation des livrets). Il est aussi possible de laisser les PJ scinder leur groupe en deux pour jouer deux épisodes en parallèle. Si on voit bien la référence au cinéma d’action, on peine toutefois à voir ce que cela peut apporter en terme de jeu de rôle ou de simple prise en main par le MJ (qui ne saura plus où donner de la tête) ou même pour les joueurs (réduits au statut de spectateurs 50 % du temps). Ces initiatives vont certes dans le sens de casser un peu le côté très mécanique de Critical mais il ne faut pas se tromper de cible : si l’objectif du jeu est d’être accessible, la campagne scriptée voire dirigiste a fait ses preuves.

L’intrigue de cette dernière n’est pas follement originale et il est bien possible que les joueurs férus de SF et d’anticipation aient rapidement compris l’ensemble des tenants et aboutissants de cette dernière. Ce n’est toutefois pas grave : l’accessibilité passe aussi par là et un thème ou une approche trop originale risquerait plutôt de désarçonner des joueurs novices qui, sans doute, seront heureux de redécouvrir des ambiances dignes de leur blockbuster d’action préférés (genre Mission : Impossible, James Bond, Jason Bourne, etc.).

Le contexte pré-cyberpunk est plus problématique (comme dans le 1.) car le foisonnement, en particulier technologique, conduit à des impasses en termes de suspension d’incrédulité : on peine parfois à croire au fait qu’il puisse vraiment se passer tout cela à l’heure des caméras de surveillance omniprésentes, au traçage des téléphones portables, des satellite espion, etc. Toujours dans le registre technologique, la prise en compte de l’IA dans le contexte de jeu est un peu caricaturale et risque de ne pas totalement convaincre les joueurs à l’heure où cela devient une réalité tangible pour nous tous. A ce titre, toutefois, le rythme trépidant et le peu de place laissée à l’initiative des PJ évitent de se retrouver devant des idées farfelues qui reposeraient sur de tels montages technologiques et susceptibles de détruire des pans entiers de l’intrigue en quelques minutes. Ouf.

En termes de règles, on reste forcément sur les mêmes principes très simples sur la base des dés spéciaux fournis dans la première boîte. Ce deuxième opus se contente d’apporter quelques options supplémentaires comme la carrière de Corporatiste (si l’équipe des joueurs est amenée à être complétée ou renforcée entre les deux épisodes) et de nouvelles options d’amélioration des personnages sous la forme de cartes de nanotechs.

N’étant pas, loin s’en faut, le cœur de cible du produit, il est un peu difficile de s’autoriser un avis très abouti sur ce produit. On apprécie grandement l’entreprise de rendre le JdR plus accessible en essayant de nouveaux formats de scénarios et de les accompagner de tout un matériel physique pour améliorer l’immersion de ceux habitués aux jeux de plateau ou à l’écran.

Pour autant, le découpage en épisodes courts d’une campagne scriptée dont on ne joue donc pas les intermèdes laisse un peu sceptique… alors que c’est le cœur du dispositif du JdR en 30 mn. Les épisodes se ressemblent vraiment beaucoup et tournent tous autour d’une scène d’action certainement très spectaculaire mais dans laquelle on accorde à chaque fois guère de plus de 5 % (au doigt mouillé…) de chances de survie aux PJ confrontés à des menaces redoutables. En gros, les PJ arrivent dans un nouveau lieu pour y recueillir des informations ou rencontrer un PNJ et leurs ennemis débarquent dans la foulée, les obligeant à s’enfuir sous les rafales de fusils d’assaut. A moins d’avoir des joueurs eux-mêmes agents spéciaux dans la vraie vie et/ou très chanceux aux dés, MJ devra souvent improviser pour leur sauver la mise. Après tout, pourquoi pas ? C’est le genre qui veut ça.

L’absence de temps faible entre les épisodes trépidants est plus problématique. Une fois que les PJ ont réussi à récupérer les infos, ils… n’ont rien à en faire puisque l’épisode suivant est plus ou moins (encore une fois, l’ordre des épisodes peut être interverti dans ce deuxième volet… sans que cela change grand chose à l’intrigue) déterminé à l’avance à la façon du livre dont vous êtes le héros… à un seul embranchement (« Rendez-vous au numéro 254 »). Un MJ moins pressé devra au moins ajouter l’illusion de l’incertitude et de la réflexion précédant la décision s’il veut que les joueurs expérimentent véritablement ce qui fait indiscutablement le sel de notre loisir : non pas lancer des dés mais avoir la liberté de choisir.

Dans ce domaine, la formule magique reste à inventer mais ce Critical – Fondation 1 et 2, au moins, apporte sa pierre à l’édifice. C’est déjà beaucoup.

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