LOGOS : Une interview faite de mots et de magies
De temps en temps, il est bon de se rappeler que les souscriptions ne sont pas qu’un moyen de faire revivre nos madeleines de Proust (Maléfices, Nephilim, Capitaine vaudou, Bitume), mais servent aussi à aider les petits éditeurs ou à lancer des nouveaux univers. Des nouvelles « IP » comme on dit dans le jargon du jeu vidéo. Et c’est justement ce dernier cas de figure qui nous intéresse ici. LOGOS (prononcez LOGOSSE) est un jeu à l’univers original servi par une mécanique qui l’est tout autant. Même si derrière ce nouveau jeu, se cache un éditeur connu et reconnu chez les rôlistes – les XII Singes – nous avons voulu en savoir plus sur le jeu et sur cette co-édition avec un éditeur spécialisé dans les jeux d’enquêtes immersifs. C’est pourquoi, nous avons été poser quelques questions à Mathias Daval, co-auteurs du jeu (avec Boris Sirbey, Cyril Blin, Manuel Rabaté) et cofondateur de Argyx Games.
Pour rappel, le jeu est actuellement en financement participatif sur GameOn Tabletop jusqu’au 14 décembre.
– LeFix : Bonjour. Pouvez-vous vous présenter (CV ludique et contribution à LOGOS) à nos lecteurs ?
Mathias Daval (MD) : Je suis l’un des auteurs et coéditeur de LOGOS, pour lequel j’ai un joué le rôle de rédacteur en chef et de maquettiste. Quant à mon parcours ludique, j’ai commencé le jeu de rôle au début des années 1990 avec les grands classiques de l’époque (Warhammer, Vampire, Cthulhu, Ambre…), et je suis amateur et de jeux de société depuis toujours. En 2018, j’ai cofondé Argyx Games, studio de développement et éditeur pour lequel j’ai créé 10 jeux d’enquête inspirés des escapes games. Je suis également l’auteur d’une demi douzaine de jeux de société, parmi lesquels A Fistful of Gold (jouable sur BoardGameArena) et deux petits jeux éducatifs (profil sur Boardgamegeek)
– LeFix : LOGOS est un jeu co-édité par les XII Singes et Argyx Games. Un partenariat surprenant quand on voit le catalogue d’Argyx Games essentiellement axé sur des jeux d’enquêtes. Pouvez-vous nous parler de l’origine et de l’apport de ce partenariat ?
MD : Lorsque j’ai commencé à travailler sur LOGOS et son projet d’édition avec les deux autres auteurs, il était convenu que ce serait Argyx qui s’en chargerait. Puis la rencontre avec les XII Singes nous a donné la formidable opportunité d’une coédition. Quant à Argyx, la structure a certes été lancée autour du concept d’« escape box », mais son ADN c’est avant tout les jeux narratifs et immersifs. Et nous avons d’ailleurs pour 2021 des projets qui mettront en œuvre ces principes en explorant d’autres directions que les jeux d’enquête.
– LeFix : En ce moment, je ne sais pas à quoi jouer. J’ai le choix entre plusieurs jeux, dont LOGOS. Pouvez vous me pitcher l’univers et le jeu en quelques phrases pour m’inciter à le choisir ?
MD : LOGOS, c’est un concept double : un système de gestion de la magie, utilisable avec n’importe quel autre jeu existant, et un jeu de rôle à part entière comportant ses propres background, univers, factions… Dans LOGOS, les joueurs incarnent des Verbemages, des magiciens exerçant leur art par la parole, composant des phrases magiques à l’aide de cartes à jouer, et évoluant dans un multivers. Très concrètement, si vous voulez effectuer une action magique, vous composez une phrase, la plus grammaticalement correcte, à l’aide des mots en votre possession. Cette Magiphrase aura une puissance plus ou moins élevée en fonction de son approximation et de la valeur des cartes qui la composent, et le MJ interprète le résultat (ou tous ensemble si vous préférez une version purement narrative). Pour résumer : LOGOS offre un mode de jeu original, ouvert et une boîte à outils pour créer des scénarios quelle que soit l’ambiance donnée (méd fan, SF, contemporain…). Et l’expérience montre que son système de jeu peut séduire aussi bien des rôlistes chevronnés que des néophytes.
– LeFix : Quelles sont vos sources d’inspirations pour LOGOS ?
MD : Elles sont nombreuses. Cela va assez classiquement du jeu de rôle (Nephilim, Mage, Ars Magica…) à la BD (Sandman, Promethea, Lucifer…) en passant par des traditions philosophiques et ésotériques multiples (de Wittgenstein à la Kabbale !). Plus précisément, la vision commune aux auteurs est de croire que la réalité qui nous entoure est la résultante d’une intention, exprimée par le langage. Le jeu de fiction interactive Slouching Towards Bedlman est peut-être celui qui traduit le mieux notre idée de départ, celle du logos en tant que code-source du monde. Le langage comme pouvoir sur le réel : LOGOS est bien évidemment un hommage aux jeux de rôle eux-mêmes.
– LeFix : Le jeu offre comme terrain ludique tous les univers et toutes les époques. Qu’est ce qui unit ce multivers ? Y’a-t-il une faction qui joue le rôle de « grand méchant » ?
MD : C’est précisément le Logos qui unit l’ensemble des mondes existants. L’enjeu principal de LOGOS est, pour les PJ, la découverte de ce principe magique : quelle en est l’origine ? Quelles sont ses limites ? Face aux Verbemages, s’oppose une principale force antagoniste surnommée « la Main ». Personne ne connaît sa véritable nature, mais on sait qu’elle lutte contre l’expansion du Logos en promouvant l’Aphasie, l’antithèse du langage. Selon certaines théories, ce serait une gigantesque organisation contrôlée par des IA… La première campagne de LOGOS, Demiurgia, permettra d’en savoir un peu plus sur cette faction.
– LeFix : Les XII Singes ont déjà un jeu occulte phare dans leur catalogue : Trinités. Pourquoi ne pas avoir utilisé cet univers pour LOGOS ?
MD : Si LOGOS est avant tout conçu comme un système de gestion de la magie, dès le départ un univers s’est imposé, structuré assez logiquement autour du langage. C’est notamment le cas des Voix, les spécialités magiques des Verbemages, qui apportent une grande variété dans la façon de lancer les sorts, mais aussi de considérer le monde. Par ailleurs, l’univers de LOGOS est basé sur une architecture assez précise autour de 13 plans de réalité, allant de la source du Logos, au plus haut du Paradigme, jusqu’aux manifestations les plus « aphasiques », tout en bas, dans ce que l’on appelle le Syntagme. Bien entendu, LOGOS partage avec Trinités des influences ésotériques communes, mais ce sont deux univers différents.
– LeFix : Si tous les personnages sont définis par des cartes. Qu’est ce qui va les différencier ?
MD : Les personnages sont bâtis sur ce que l’on s’appelle un Losange, 4 caractéristiques à la fois physiques et magiques représentées par des cartes à jouer (Pique, Coeur, Carreau, Trèfle). Mais ils sont avant tout définis par les mots qu’ils possèdent, les Magimots. Ce sont eux, qu’ils soient acquis au moment de la création du PJ ou au cours d’aventures, qui déterminent vraiment la nature d’un Verbemage. Et il y a également les Voix, mentionnées plus haut : certaines permettent de jouer sur l’altération physique des cartes, d’autres sur la permutation des lettres, d’autres encore sur les jeux de mots…
– LeFix : Justement, en parlant des cartes, mon vocabulaire est plus fourni qu’un jeu de 54 cartes. Vais-je me sentir limité par le système de jeu ?
MD : Le mécanisme de LOGOS est précisément de jouer sur la notion de contrainte : le joueur n’a pas toujours à disposition les mots exacts dont il a besoin, mais à lui de faire preuve de créativité. Et plus le personnage évolue, plus il apprend de nouveaux mots et acquiert de flexibilité pour lancer des Magiphrases. En plus, il est possible d’apprendre à combiner des sorts entre plusieurs joueurs.
– LeFix : Quel type de scénario ou d’aventures peut-on vivre en jouant à LOGOS ?
MD : Comme vous l’aurez compris d’après le système de jeu, c’est très variable ! Cela peut aller du scénario one shot qui se déroule dans un seul monde à une campagne à travers le multiverse. Le livre de base de LOGOS inclut un scénario introductif à ambiance contemporaine qui se déroule dans un centre psychiatrique, mais la campagne Demiurgia poursuit l’aventure dans un Moyen Age alternatif dans lequel Jeanne d’Arc est une héroïne du Verbe, puis dans un monde futuriste dystopique à tendance totalitaire… Il est également possible d’utiliser à LOGOS comme « jeu de société » pour créer de mini-scénarios coopératif sans MJ. Un des modes de jeu très apprécié est le « jeu cosmogonique » dans lequel chaque joueur incarne un dieu dont les Magiphrases définiront les grands principes d’un monde nouvellement créé…
– LeFix : La souscription prévoit, dans ses paliers, la mise en ligne d’un site dédié au jeu : magiverse.net. A qui sera destiné ce site ? Comment va-t-il vivre dans le temps ?
MD : Le site officiel offrira des outils utiles aux MJ et aux PJ (feuilles de perso à télécharger, tables de création aléatoire de mondes et de scénarios…) ainsi qu’un espace de modules d’adaptation de LOGOS à des JdR existants à disposition des joueurs. Mais il servira surtout de générateur de personnages et de Magimots, incluant un système pour composer ses Magiphrases directement sur son navigateur web : un outil indispensable pour ceux qui veulent jouer à LOGOS en ligne !