Würm, ses sagas, on en est gagas.

Würm, c’est l’histoire de Cendrillon. Avec une peau de bête et un gourdin, OK, mais Cendrillon quand même.

Au départ, c’était un petit jeu sympathique, joliment troussé et illustré, certes, mais dont on disait avec un peu de condescendance dans la voix : « c’est pas mal ce petit jeu amateur pour un thème de niche comme celui-ci ». Le livre de base de l’époque Icare est vite devenu introuvable, sans même parler de l’écran ou, pire, des dés spéciaux. Le suivi s’est limité à deux jolis livrets mais pas très épais et un peu cheapos avec leur couverture souple et leurs agrafes. En gros, le jeu outsider dont on envisage de faire un one shot entre deux campagnes D&D et Shadowrun mais, bon, ‘faut pas exagérer non plus. Un peu comme Cendrillon donc : elle est jolie, elle a de beaux yeux mais elle fait un peu pitié, quoi.

Et puis, un bel enchanteur tout de noir vêtu appelé Black Book Editions s’est penché sur son cas avec sa grosse baguette magique nommée foulancement et, pif pouf, on se retrouve quelques mois plus tard avec une trouzaine de livres magnifiques, tout en couleurs, couvertures rigides, illustrations pléthoriques, accessoires rigolos, etc. C’est bien simple : pile deux ans après le foulancement de cette deuxième édition du jeu sous pavillon BBE la gamme Würm 2 possède déjà 6 produits majeurs (sans compter les cartes, dés, livrets de PJ, etc.) et le tout totalise, accrochez-vous bien, pas moins de… 28 scénarios prêts-à-jouer ! Oui : 28.

De quoi envisager sérieusement de ne jouer qu’à Würm pendant des années. Adieu D&D et Shadowrun, du coup.

Il faut dire que la première vague de suivi du jeu est donc arrivée dans les boutiques il y a quelques jours et qu’elle vient assez incroyablement compléter la réédition du livre de base et des indispensables compléments qui ne faisaient déjà pas les timides (supplément de contexte, écran, livret d’icelui, deck de cartes, plans, etc.

Le format commun a ces trois nouveaux suppléments est dit « saga ». Ce vocabulaire – qui, d’emblée, évoque plus les vikings que les hommes de Néandertal mais bon… – désigne tout simplement des campagnes proposant plusieurs scénarios scriptés (parfois très scriptés) qui sont reliés par un fil rouge (parfois, très rouge). On y trouve bien quelques pages de présentation du contexte voire quelques règles additionnelles mais c’est à la marge. Du scénar’, du scénar’ et, s’il reste de la place : du scénar’.

Commençons par le volume intitulé Les enfants de la rivière. Pourquoi celle-ci ? Bah, parce que, na.

Comme les deux autres, il a une bonne tête de BD un peu épaisse. En tout cas, nombre raisonnable de pages (136, pour une sage en six scénarios quand même), grand format, qualité de la reliure rigide et du papier glacé et, bien sûr, style caractéristique de l’auteur-illustrateur : tout y contribue.

Comme souvent, les sagas introduisent un point de départ commun à tous les PJ, le plus souvent un clan d’appartenance. C’est le cas ici et celui-ci est donc d’emblée décrit par le menu afin de ne pas vous laisser dans le flou. Petite particularité de cette saga, on est là chez Néandertal, rarement le contexte favorisé par les tablées de Würm. D’autre part, il s’agit d’une saga au long cours où on suit les PJ de l’enfance à l’âge adulte. Bref, l’usage de ce clan-là et la création de PJ spécifiques qui en sont issus sont obligatoires.

Les sagas sont clairement des recueils de scénarios mais on a parfois le droit à quelques passages orientés complément de contexte voire de règles. C’est ici le cas avec la savoureuse… euh… non, avec l’épineuse question de l’anthropophagie.

La campagne se déroule donc sur 6 épisodes qui s’enchaînent naturellement dans un crescendo qui donnera tout son sens à la vie des PJ. Enfin « naturellement », cela reste à préciser car les vieux fans de Würm reconnaîtront dans cette sage quatre scénarios déjà publiés sous forme de one shot dans la première édition du jeu (notamment dans les suppléments La voix des ancêtres, difficilement trouvables). Un gros travail de réécriture a permis de les relier en une saga en y ajoutant, notamment, deux épisodes inédits.

Si six scénarios, ça fait un peu trop Mickey pour vous, vous prendrez sûrement une autre saga, pas vrai ? Alors, passons, par exemple, à celle de La Grâce du cygne.

Déjà, ce n’est pas compliqué : même nombre de pages, même format, même nombre de scénarios. Chez Manu Roudier, c’est carré-carré. On comprend mieux pourquoi l’homme préhistorique n’a pas pu inventer la roue… A noter d’ailleurs que c’est de l’un à l’autre toujours aussi superbe : mise en page sobre et classieuse, très lisible, agrémentée de très nombreuses illustrations de la main du Maître. Du texte (même si on compte de nombreux autres auteurs qu’Emmanuel Roudier dans ces trois sagas) à la plume en passant par la maquette, on peut vraiment parler de jeu d’auteur avec Würm.

Une grosse différence avec la saga précédent, toutefois. Là, il s’agit de six scénarios totalement inédits. Ils sont donc plus imprégnés de ce qui fait l’essence de cette v2 du jeu et, en particulier, ils ont été conçus dès le départ pour le contexte des Terres Ancestrales. C’est bien simple, même : la saga est conçue pour être enchaînée aux trois scénarios de la mini-campagne du supplément dédié aux Terres ancestrales. Oui, on peut le dire, cela fait potentiellement une méga-saga en 9 épisodes. Si, pour vous, le fait de pouvoir jouer en campagne est un atout, vous devriez vraiment vous pencher sur ce Würm 2.

Si vous voulez vous lancer dans une telle saga au long-cours, il serait d’ailleurs judicieux de vous procurer d’abord cet ouvrage quand bien même vous devrez d’abord faire jouer les scénarios de Terres ancestrales. En effet, c’est là où vous trouverez le guide détaillé et très bien fait de la création des PJ spécifiques à ce clan. Cela fait d’ailleurs un bon complément au livre de base où la création, plus libre et riche de nombreuses options (Néandertaliens ou non, enfants ou adultes, etc.) peut sembler plus délicate à expliquer et à mener.

Vous en voulez encore ? Il y en a un peu plus, je vous le mets ?

En effet, les gros-gros consommateurs de scénarios pourront également se dégoter la saga Cristal d’orage. Là, attention, on ne parle pas de six scénarios mais de huit ! Du coup, le livre grimpe à 168 pages.

Au départ, on se dit qu’il y a une impression de déjà vu : un clan est décrit pour servir de lien entre les PJ, les scénarios peuvent s’enchaîner, on suit alors les PJ de leur jeunesse à l’âge mûr au sein d’un même clan, etc. Fort heureusement, il y a une astuce : contrairement aux deux autres sagas, celle-ci peut être dépiautée comme un mammouth et découpée en petits morceaux plus digestes. En clair, les scénarios peuvent se jouer de façon indépendante. Si vous ne voulez jouer qu’occasionnellement à Würm ou si vous aimez tout simplement varier les ambiances, c’est une bonne option à envisager.

Deux des scénarios seulement sont des reprises, réécrites, de scénarios parus dans la v1 du jeu. Tout le reste est inédit et a donc été écrit pour s’adapter au plus juste au contexte des Terres ancestrales et aux besoins de cette saga. Difficile en l’état (sans véritable test…) de savoir s’il est vraiment possible d’en prélever des morceaux pour des one shot intéressants.

A noter, enfin, la publication en marge de cette vague de suppléments d’un pack d’aides de jeu composé de grandes cartes à hexagones (il faut aimer, hein, parce que c’est… euh… austère), des plans, des fiches de PNJ avec portraits, etc.

Tout cela fait donc un matériel très impressionnant pour un jeu que l’on imaginait pas à l’origine pouvoir un jour s’offrir un tel écrin.

Le plus dingue, c’est que tout cela ne semble pas vouloir s’arrêter puisque nous savons de source sûre (mais genre sûre, quoi) qu’un nouveau foulancement devrait avoir lieu durant l’année 2022 avec l’édition de plusieurs ouvrages au même format. On vous tient au courant.