Khelren se répand dans le Fix

 

Ouaip, on l’aime bien cette blague. Hum. Bref, vous avez dû remarquer que l’on suit de près le foulancement en cours (ehe, 150 % quand même) de la VF du jeu cyberpunk The Sprawl. Logiquement, on a donc tourné nos regards vers son édi… euh… porteur de projet : Khelren. Allez, ‘chomba, dis-nous tout.

 

1. C’est quoi The Sprawl ? ‘connais pas.

The Sprawl c’est un jeu de rôle cyberpunk, à mission, propulsé par l’Apocalypse. Le jeu tourne autour d’un groupe d’opérationnels travaillant dans l’ombre des mégacorporations mais s’intéresse aussi à une étendue urbaine – comme le nom du jeu l’indique –, à une cité tentaculaire et oppressante. Les amateurs de cyberpunk gibsonien (notamment de la trilogie Sprawl : Neuromancien, Comte Zéro, et Mona Lisa s’éclate) devraient être en terrain connu.

2. Ah ouaif. Moi, tu sais, je suis comblé par mon Cyberpunk 2020 époque Oriflam. C’est quoi l’intérêt du jeu par-rapport aux autres jeux cyberpunk ?

The Sprawl permet de jouer son solo, son fixer, son hacker, bref son opérationnel ultracompétent chargé de se salir les mains à la place des corpos, mais le système du jeu, « propulsé par l’Apocalypse », a l’avantage de gérer la structure même des missions et de savoir faire avancer l’histoire, de la rendre trépidante, tout en fournissant au MJ tout ce dont il a besoin pour improviser aisément les parties.

J’ai moi aussi pas mal de parties au compteur sur Cyberpunk 2020 ou Shadowrun, mais l’avantage ici est d’avoir un jeu qui permet de ne plus passer des heures à planifier ce qu’on va faire. Le système de jeu permet de se recentrer sur l’histoire et l’action, de jouer tout de suite. Ça demande moins de temps et d’effort pour toute la table, MJ compris.

The Sprawl permet de faire rapidement émerger le côté personnel des personnages. Tu n’es pas juste un opérationnel, il n’y a pas que les missions dans la vie ; tu fais partie d’un réseau, tu as des liens, des gens qui comptent sur toi et que tu apprécies. C’est un outil de worldbuilding génial : il permet de construire un décor, petit à petit, et de le complexifier, d’interconnecter ses éléments et d’y faire évoluer naturellement les PJ.

Du coté du MJ, tu n’as pas de scénario établi scène par scène, mais des outils qui permettent de suivre l’avancée de la mission en particulier mais aussi des différentes menaces en général (on se rapproche alors d’un « bac à sable »), notamment les machinations des mégacorpo.

3. The Sprawl, ça ne ressemble vraiment à rien comme titre. Tu ne pouvais pas trouver un nom francophone qui claque ?

Comme quoi ? La Conurbation ? L’Expansion urbaine ? Oh, et tu comptes aller voir l’éditeur de Shadowrun et lui dire qu’il faut, vraiment, mais vraiment, appeler son jeu La Course des Ombres, si je comprends bien, c’est ça ?

Plus sérieusement, il n’existait pas de terme approprié, qui ne fasse pas trop administratif, pour offrir un titre valable. De plus, en changeant le titre, il y avait le risque de perdre le lien avec la VO dont le public pouvait avoir entendu parler.

Par contre, Narbeuh, j’ai honteusement repris ton idée de titre Métapoles pour le nom du supplément qui offrira des settings, des missions et du matériel de jeu divers !

4. Tu passes donc par un foulancement. Aucun éditeur n’a voulu de ce projet, c’est ça ?

Bah si, coco : moi ! J’ai bondi sur The Sprawl et l’ai protégé comme une louve enragée d’autres éditeurs potentiellement intéressés.

Je ne voulais pas juste traduire The Sprawl, je voulais recruter les talents qui permettraient à la VF d’être supérieure à la VO, notamment graphiquement. Et je voulais avoir la direction de ce projet pour que la campagne de financement corresponde à ma philosophie de ce que devrait être un crowdfunding. C’est-à-dire une campagne transparente, avec des prix raisonnables, qui ne pousse pas les souscripteurs à la dépense, et qui ne fait pas peser le risque sur les auteurs, tout en leur offrant de base une rémunération très correcte pour notre milieu.

Bref, passer éditeur, alors que j’étais déjà auteur indépendant, était juste un pas de plus à faire et The Sprawl m’en fournit l’occasion parfaite.

5. Tu es surtout connu pour la création, notamment via ton Tipeee (https://www.tipeee.com/khelren). Il y aura aussi de la création française dans The Sprawl VF ?

Oui, les paliers permettront de proposer du contenu inédit en français, réalisé par des auteurs francophones de talent. Avec les premiers paliers aisément franchis, les participations d’Eric Nieudan (Archipels, Lanfeust, Macchiato Monsters), de Cédric Ferrand (Wastburg, Sovok) et de Thomas Munier (Inflorenza, Dragonfly Motel) viennent d’être annoncées. Benjamin ‘Macbesse’ Kouppi développera son setting Lagos ; quant à moi, je reprendrai mon setting Paris de cape et de chrome et nous les augmenterons de contenu inédit par-rapport à la VO. L’idée est de fournir une raison pour ceux qui possèdent déjà la VO de soutenir eux aussi la VF.

De plus, une contrepartie permet aux souscripteurs de demander l’ajout d’éléments supplémentaires (comme une manœuvre personnalisée ou une accroche de mission) et, en se regroupant, d’augmenter la taille de ces ajouts. Il est très probable qu’un playset complet rajoutant une part de fantasy dans The Sprawl soit ainsi développé.

6. Tu vas bosser avec, notamment, Monsieur le Chien aux illus. En fait, tu fais Magistrats & Manigances mais avec des prothèses ?

J’avais pris contact avec Monsieur le Chien pour qu’il réalise des illustrations pour un de mes scénarios à paraître dans le Recueil de scénarios des 40 ans du jdr, de la Cour d’Obéron. Je suivais son travail depuis de longues années et il était notoirement connu pour être rôliste. Pourtant, il n’avait jamais réalisé d’illustration pour un jdr. Il a accepté mon offre de participer à ce projet bénévole et ça a été un vrai plaisir de travailler avec lui. Alors je lui ai proposé de se retrouver sur mon projet suivant.

Par la suite, il est tellement gentil qu’il a réalisé des illustrations pour d’autres scénars du recueil des 40 ans, ce qui l’a mis naturellement au contact de Macbesse, grand coordinateur de cette initiative et co-auteur de M&M. Le reste se devine facilement…

Oh, et si tu veux des prothèses, Monsieur le Chien travaillera sur les portraits de souscripteurs du foulancement de The Sprawl : en prenant cette contrepartie, ceux qui enverront leur photo se verront affubler de chrome scintillant. Le résultat est bluffant, même pour moi qui avais suivi son blog et qui savais en conséquence que Monsieur le Chien est un talentueux portraitiste.

7. La Rédac6on tient ses fiches à jour. Du coup, on se souvient bien que tu écrivais doctement dans Di6dent#14 que tout le retour de la vague cyberpunk, ce n’est rien d’autre que de la nostalgie. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, c’est ça ?

Oh, c’est petit et mesquin, Narbeuh ; ça ne m’étonne pas de toi ! Mais va relire ce que je disais, car je m’y tiens. C’est page 68 du Di6dent#14, je t’attends.

J’y expliquais que The Sprawl est un très bon jeu qui émule parfaitement le cyberpunk gibsonnien, donc un cyberpunk des années 80. Certes, il remet la technologie au goût du jour (le système de jeu n’oblige pas à être « câblé », on peut tout à fait avoir une esthétique de technologie sans-fil), mais n’offre par exemple que très peu d’éléments transhumanistes (à part la classique augmentation cybernétique évidemment) ou postcyberpunk (bien que les PJ puissent tenter d’améliorer la société, un archétype de personnage est d’ailleurs entièrement tourné en ce sens).

Est-ce qu’il va au-delà de ça ? Est-ce qu’il réinvente ou révolutionne le genre du cyberpunk ? Non, mais ça n’est pas son but. Il serait de toute façon très compliqué de faire jouer un courant peu connu, d’émuler un genre dont l’imaginaire n’est pas largement répandu. Disons que c’est de la bonne nostalgie : The Sprawl permet de jouer le cyberpunk qu’on aime avec un système de jeu plus souple et plus impliquant pour les personnages. Et tout cela n’empêche pas la critique du monde actuel : certaines problématiques se sont amplifiées et sont devenues plus oppressantes encore. Jouer avec est plus que jamais nécessaire.

8. Bon, le foulancement a l’air de pas mal se passer. C’est prévu pour quand cette merveille ?

L’avantage d’être un professionnel à temps plein est que le délai devrait être court, de l’ordre de trois mois pour livrer le pdf : en effet, la traduction est déjà bien avancée, la maquette doit encore être finalisée et les illustrations réalisées, et je prévois enfin une phase de relecture pro.

Avant cela, dès la fin de la campagne de financement, les soutiens recevront les livrets de personnage et les aides de jeu qui fournissent tout ce dont on a besoin pour jouer, dès lors qu’on connaît un peu le fonctionnement des jeux propulsés par l’Apocalypse.