Midnight moins le quart [chronique L’ombre du seigneur démon]

Il est facile de présenter L’ombre du Seigneur démon. Il suffit de reprendre ce qui est dit dans l’introduction du jeu : « L’ombre du Seigneur démon est l’enfant illégitime de DnD et de Warhammer ». Ce qui est vrai. On retrouve un peu de DnD dans la mécanique et une ambiance encore plus sombre et désespérée que Warhammer. Tant que l’on en est au stade des comparaisons, je rajouterais que comparé au récent Midnight, là où le mal est déjà en place, dans L’ombre du Seigneur démon, on est juste juste avant l’avènement du mal. On va dire qu’on est à Midnight moins le quart quoi.

L’ombre du Seigneur démon est aussi un jeu où les curseurs de la violence sont poussés à fond. Est-ce que ce coté excessif et permissif est le seul intérêt du jeu, ou il y a-t-il plus de fond que cela ? On va voir tout ça ensemble.

Pourquoi suis-je né à cette époque ?!?

Les personnages commencent niveau 0 et choisissent une voie d’apprenti au niveau 1. Lorsque le personnage monte de niveau, on débloque des avantages supplémentaires dans la voie choisie, puis on débloque des voies d’expert (niveau 3) et de maître (niveau 7).

Il faut savoir que les voies n’ont aucun lien entre elle. Comprendre par là que même s’il faut garder une certaines cohérence par rapport à l’histoire vécue, il n’y a pas de pré-requis au choix de voies d’expert ou de maître. Cela offre une possibilité de combinaisons énorme (mais un tableau vous aide pour savoir quelles voies sont les mieux adaptées par rapport à votre choix de niveau 1).

De plus, ces évolutions de personnage ne sont pas que de simples améliorations de carac. Leurs choix développent la personnalité et le background du personnage.

En effet, une attention toute particulière est donnée pour définir le caractère du personnage. Que ce soit pour le roleplay ou pour nourrir le jeu. Par exemple, une fois le niveau 3 atteint, vous devez choisir une voie d’expert. Si vous choisissez, la voie de l’assassin, vous augmentez deux attributs, deux caractéristiques et obtenez de nouvelles actions spéciales. Mais vous devez, en plus, développer l’histoire de votre assassin à travers une table (aléatoire, mais pas obligatoirement) à 6 entrées.

Par exemple, choix 4 : « Vous avez rejoint la main noire, une organisation d’assassins d’Azûl, la cité de la mort. Vous y avez appris différentes techniques pour tuer discrètement et silencieusement ».

Toujours dans cette optique de créer du jeu, à partir du niveau 3, vous devrez choisir un objectif. Là encore, libre à vous de choisir l’objectif de votre choix, mais un tableau vous propose 20 objectifs.

Exemple : « Je veux traîner un criminel devant la justice ».

Au niveau 7, même mécanique, mais on ne parle plus d’objectif, mais de quête.

Exemple : « trouver ou détruire une relique ».

Ainsi, durant toutes la phase de création et d’évolution du personnage (qui va jusqu’au niveau 10), le jeu conseille et guide (à travers des exemples). Rendant le tout très didactique. Mais nous allons revenir sur ce point un peu plus loin.

Au niveau des races jouables, le livre de base vous propose de choisir parmi :

  • Les Humains : Majoritaire dans le monde, les humains sont bons dans n’importe quelle profession.
  • Les Changelins : Voleurs d’identités, les changelins ont plutôt des profils de roublard ou de magicien.
  • Les automates : êtres mécaniques, la voie choisie dépendra de leur origine.
  • Les nains : peuple maudit, les nains sont de puissants guerriers et prêtres.
  • Les gobelins : expulsés du royaume des fées, les gobelins sont des créatures crasseuses et grossières, obligées de vivre parmi les humains. Ce sont, comme les changelins, de bons roublards et de bons magiciens.
  • Les orcs : Engendrés par la magie noire pour être de parfaits soldats esclaves. Forts et violents, ils sont des guerriers puissants et des roublards mortels.

Il est à noter que Black Book Editions a édité un supplément intitulé Les victimes du seigneurs démons, qui est un recueil de suppléments VO détaillant chaque peuple. L’ouvrage vous permet à la fois d’en apprendre plus sur l’origine de chaque peuple, mais aussi d’enrichir la création et l’évolution de votre personnage, selon l’ascendance choisie.

« Du DnD ! Et ils appellent ça du DnD !?! »

Le système de jeu est très simple et se base sur un D20. Le personnage est défini par 4 attributs (Force, Agilité, Volonté, Intellect), chacun d’entre eux correspondant à un modificateur qui viendra s’appliquer au résultat du D20. La difficulté à battre étant fixée à 10 (sauf pour les combats).

Pour son action, le joueur peut cumuler plusieurs avantages (ou désavantages). Ces derniers se matérialiseront par autant de D6 à lancer en plus du D20. En cas d’avantage, on ajoute le meilleur résultat parmi tous les dés. Et cas de désavantage, on soustrait.

Des caractéristiques découlent des attributs, tels que la défense, la santé, la vitesse de guérison, la perception, le gabarit, la vitesse, la puissance, les dégâts, la folie et la corruption.

Cette simplicité rend la feuille de personnage, disons… des plus sobres.

Pour les combats, c’est tout aussi simple. Un round se compose de 3 phases :

  • La phase rapide : le personnage est concerné par cette phase si le joueur décide d’attaquer OU de se déplacer
  • La phase lente : le personnage est concerné par cette phase si le joueur décide d’attaquer ET de se déplacer
  • La fin du round : pour résoudre d’éventuels effets et marque la transition vers le round suivant.

Les phases se déroulent systématiquement dans cet ordre, et les PJ jouent tout le temps en premier pour chacune de ces phases.

Dit autrement, on obtient :

  • Phase 1 : PJ rapide
  • Phase 1 : PNJ rapide
  • Phase 2 : PJ lent
  • Phase 2 : PNJ lent
  • Fin du round : effet des PJ
  • Fin du round : effet des PNJ

Un joueur qui choisit d’agir pendant la phase lente, ne pourra pas agir pendant la phase rapide. C’est une phase par round.

Ceci étant, le jeu rappelle régulièrement que le combat n’est pas toujours la meilleure solution. Parfois, il vaut mieux fuir et il n’y a aucune lâcheté à vouloir vivre.

On se bat contre un vrai démon, ou c’est juste une ombre ?

Si je parle autant de la création de personnage et du système, c’est aussi parce qu’il prend une place importante dans le livre de base. Même si l’univers se dessine à travers la création de personnage ou du bestiaire, seulement 26 pages (sur 280) sont dédiées au monde.

Le jeu prend place sur la petite planète de Urth, et plus précisément, sur le continent baptisé les terres du Rûl. En, encore plus précisément en ce qui concerne le livre de base : la région des confins du Nord. En effet, toutes les régions de Rûl sont décrites à travers un court paragraphe. Sauf les confins du Nord qui ont droit à un chapitre entier, détaillant son histoire, sa géographie, son climat ses peuples, ses cultures, ses religions, etc. Une région largement suffisante pour débuter, mais au combien frustrante quand on découvre la qualité des descriptions du monde qui est dépeint (si on aime la dark fantasy, évidement).

Toutes les régions de la carte sont présentées succinctement. Seule la région du Nord est détaillée.

L’histoire de l’empire s’écrivit dans le sang et la magie. Son origine remonte à l’arrivé d’une armée humaine qui mit fin au règne d’un Roi-Sorcier tyrannique. Mais le nouvel empereur n’était pas un homme bon, même s’il amena la prospérité. Les frontières de l’empire s’étendaient alors et forçaient les seigneurs avoisinant à plier le genoux. Une nouvelle menace vint du Sud. Les Jotuns attaquaient et pillaient les villages du Sud. L’empereur toléra ces escarmouches jusqu’à ce qu’un héritier de l’empire succombe à une attaque Jotuns. L’empereur déchaîna alors toutes ses armées et écrasa la menace Jotuns. C’est alors que les sorciers de l’empire transformèrent ce peuple en hideux Orcs. Depuis, ces derniers combattent en tant qu’esclaves au nom de l’empereur.

Quelques années plus tard, la révolte gronda parmi les orcs. Et Corvée, le roi des Orcs, étrangla l’empereur pour s’emparer du trône. Les Orcs de l’empire, apprenant cette victoire se soulevèrent et semèrent le chaos. Les vieilles querelles se transformèrent en conflits, et les fanatiques du Seigneur démon se montrèrent plus audacieux et s’efforcèrent de hâter l’arrivée de leur indicible maître.

Car oui, malgré toutes les tensions et tous les problèmes que vous pouvez imaginer dans un monde de dark (très dark) fantasy, la véritable menace est l’arrivée potentielle du Seigneur démon, une entité cosmique aussi puissante que maléfique qui attend l’ouverture d’une faille assez grande pour qu’il puisse y passer. En attendant, les failles déjà ouvertes lui permettent de déverser sa tyrannie à travers des malédictions, des missions données à des cultistes ou autres entités démoniaques.

En termes de jeu, vous êtes libres de jouer la menace latente de l’ombre de la manière qui vous convient avec l’intensité de votre choix. Là encore, comme pour la création de personnage, le livre vous aide, à travers des exemples, et vous accompagne, en vous expliquant comment utiliser ces exemples.

Mais pour se mettre le pied à l’étrier, rien ne vaut quelques scénarios prêts à jouer. Et ça tombe bien, le livre de base en comprend un, et l’écran en propose deux. Voyons quelles horreurs, ils nous réservent.

  • Une année sans pluie (le scénario inclus dans le livre de base) est une mini enquête où les PJ devront expliquer pourquoi une personne de leur village meurt chaque nuit. L’intrigue se termine par un petit donjon morbide d’une dizaine de pièce. Disons qu’on est sur un scénario court, de type convention.
  • Un ver dans la pomme (scénario inclus avec l’écran) est un scénario de « transition ». Sur leur route, les PJ s’arrêtent au petit village d’Avelton réputé pour sa pommeraie luxuriante (de bonnes tartes aux pommes et du bon cidre sont au programme). Bien évidemment, le village cache un secret que les personnages peuvent creuser (ou pas). Un scénario surtout marqué pour son excellente ambiance et les conséquences des choix des PJ.
  • Le second scénario inclus dans l’écran, Sombre histoire à Dernier-espoir, est quand à lui idéal pour se lancer. Très très didactique sur la forme (on vous aide à créer les persos et la petite bourgade de Dernier-espoir), c’est un scénario d’enquête qui est parfait comme première aventure. Dommage qu’il n’ait pas été inclus dans le livre de base.

On se retrouve au final avec trois bons scénarios. Dont la principale différence est leur consistance. Puisqu’on va du court scénario au scénario plus classique. Mais c’est surtout l’ambiance qui fait la saveur des ces intrigues. On retiendra également que dans L’ombre du Seigneur démon, chaque village a son secret. J’espère que la suite de la gamme fera preuve d’un peu plus d’originalité sur le fond.

Conclusion

J’ai beaucoup aimé L’ombre du Seigneur démon. Son système simple, la richesse offerte dans la création de personnages et leurs évolutions, son univers désespéré. Il ne vole pas son titre d’enfant illégitime de DnD et de Warhammer. Ça me pose d’ailleurs problème, parce que c’est un jeu que je pourrais facilement conseiller pour son accessibilité, mais son approche très sombre fait qu’il ne conviendra pas à tout le monde.

Autre petit reproche au livre de base, j’aurais aimé plus de descriptions de l’univers, même si ce qui est présenté reste très inspirant, on en veut plus. Mais sur ce dernier point, pas d’inquiétude, la suite de la gamme arrive prochainement en VF, toujours chez Black Book Editions.

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