Un supplément fumeux ou fumant ? [chronique Les ruines fumantes & autres histoires pour RQ]

On continue notre exploration minutieuse de cette déjà bien copieuse gamme de la VF de Runequest défendue dans nos contrées par le Studio Deadcrows qui réalise sur ce coup là un sacré travail. Les ouvrages arrivent relativement rapidement en VF et la qualité matérielle des bouquins (il est vrai déjà très beau en VO, ça aide !) est irréprochable.

C’est donc avec plaisir que l’on découvre ce Les ruines fumantes & autres histoires, c’est-à-dire encore un nouveau recueil de scénarios pour ce nouveau Runequest. Ceux qui en étaient restés à la version Oriflam qui faisait la part belle aux ouvrages encyclopédiques et était presque entièrement dépourvue de « prêt-à-jouer » ne vont pas en revenir !

Dans la forme, ce nouveau recueil ressemble comme deux gouttes d’eau au précédent (Le plateau pégase & autres histoires) aussi bien dans son titre, sa pagination, sa magnifique couverture rigide… et même ses tirés à part qui se retrouvent dans une pochette commune avec celui-ci. Pas hyper pratique si vous ne comptiez acquérir qu’un seul de ces deux volumes mais, oh, vous êtes un vrai fan de Glorantha ou vous ne l’êtes pas ?!

Toutefois, ce recueil-ci relève bien plus du supplément géographique que de la simple enfilade d’aventures prêtes-à-jouer. Il est en effet centré sur une petite région méconnue de la Passe du Dragon, les Étendues Sauvages du Sud, connue notamment pour abriter la Vallée perdue. Pour autant, cela n’est pas un sourcebook régional et les informations géographiques ou culturelles ne sont là que pour servir d’introduction à l’un ou l’autre des scénarios s’y déroulant.

Le contexte est connecté au contenu du Kit de la Meneuse aussi bien par des lieux en commun (Fort Vinclair) que par certains PNJ. Il est donc tout à fait possible d’enchaîner les scénarios contenus dans le Kit, d’en picorer un ou deux dans Le plateau Pégase puis d’enchaîner avec l’un de ceux-ci. Une vraie campagne fait maison, en somme. A vue de nez, il doit bien y avoir désormais une grosse quinzaine de scénarios officiels disponibles (sans compter la campagne elle-même, Les enfants de la flamme) : cela laisse le choix et, encore une fois, c’est un des très gros points forts de cette nouvelle édition du jeu.

Bien que cela ne soit pas vraiment indiqué ainsi dans le livre, il me semble tout de même qu’il vaut mieux réserver les scénarios de ce recueil-ci aux PJ les plus expérimentés (ne pas commencer par eux, en somme). S’il n’y a que trois scénarios au lieu des sept du recueil précédent, c’est qu’ils sont forcément plus complexes, avec plus de PNJ (parfois balèzes !) et, globalement, sont plus complexes à aborder tant ils sont ancrés au cœur de l’Histoire et des mythes de Glorantha.

Toujours dans l’esprit de « à réserver à un public averti », il est à noter que les aventures prévues sont quand même très guerrières. Il ne s’agit pas seulement de donner des baffes à deux ou trois gardes ou disperser une bande de pillards mais bel et bien se mêler à des batailles rangées ou, au moins, à de solides escarmouches. Autant dire que cela ne conviendra pas à tous les groupes de PJ. Cela n’est d’ailleurs pas vraiment indiqué dans le recueil. De façon générale, si votre groupe de PJ n’est pas orienté vers les gros mercenaires bardés de cicatrices, vous avez peu de chances de faire jouer correctement ces scénarios.

L’aspect « mercenaires » se retrouve d’ailleurs dans le début de chacune de ces aventures et cela ne me plaît toujours pas beaucoup. Le début des intrigues est poussif (surtout l’éponyme Les ruines fumantes avec sa prêtresse qui veut engager des mercenaires mais qui ne tolère pas que des non-initiés de son culte l’approchent… cherchez l’erreur !) et on n’échappe pas à l’elfe qui fait la tournée des tavernes pour embaucher des aventuriers qu’il ne connaît pas pour une mission capitale. Non, Glorantha, pas toi, pas comme ça !!

Bref, le début des scénarios sera à adapter à votre groupe pour que cela semble un poil plus naturel et que cela s’insère dans leur réseau de fidélités, de liens claniques, de dons et contre-dons, etc.Même comme ça, le début reste un peu laborieux avec des voyages imposés où il ne se passe pas grand chose et un statut d’employés subalternes peu palpitant.

Mais les scénarios valent la peine de passer outre ce début contraint car, s’il est bien difficile d’en dire plus dans cette chronique sans spoiler comme des gros cochons, vous en aurez pour votre argent. On parle là de très gros scénarios avec par exemple plus de 70 pages pour le seul Les Ruines fumantes… sans même compter le contexte géographique en annexes ! Et même le troisième scénario, qui ne fait que 30 pages est un gros et long scénario (il y a une astuce).

Ce sont des scénarios inspirés et , surtout, très Gloranthien. Impossible d’espérer les adapter à un setting 5E ou pour les importer dans le Vieux Monde de Warhammer ! Autre atout majeur : ils ne laissent pas les PJ sur la touche (c’est un peu moins vrai pour le troisième) et les projettent au cœur de sacrés enjeux dans lesquels ils vont devoir prendre des décisions importantes et en assumer les conséquences. Pour cela, il sera d’ailleurs souvent illusoire de pouvoir enchaîner ces scénarios comme une mini-campagne : les PJ seront transformés par leur quête et il me semble absurde de les imaginer prendre un « petit boulot » de mercenaire comme si de rien n’était la semaine suivante.

La direction artistique du livre reste magnifique. Rien que la couverture, pourtant toute simple, donne envie de partir à l’aventure avec son groupe soudé qui contemple en arrière-plan un vaste paysage, promesse de dangers et d’exploits. Le reste est à l’avenant.

Ce n’est toujours pas ça, en revanche, pour la mise en page du texte. Les stats blocks sont monstrueux et débordent souvent de page en page rendant l’usage en cours de jeu peu pratique. Le texte de certains scénarios (c’est flagrant pour Les ruines fumantes) aurait aussi gagné à être aéré et enrichi de listes ou d’outils facilitant l’appropriation des informations : là, ce sont parfois des pavés de texte qu’il faudra sérieusement dégrossir en amont avec une solide préparation et des prises de notes.

Ces mini-défauts, vous les connaissez déjà si vous avez acquis un autre recueil de la gamme et ils ne sont en rien rédhibitoires : que ce soit le début des scénarios, leur liaison ou la nécessité de les travailler en amont, vous saviez déjà ça car vous savez que Glorantha n’est pas un univers qui s’accommode des aventures lambda du vendredi soir que l’on semi-improvise sur le pouce. Et, au cas où vous auriez eu un doute, les trois aventures de ce recueil vont vous confirmer cela.

En échange de vos efforts, elles vous montreront encore un peu plus la richesse de cet univers fantastique qu’est Glorantha.

 

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