Que cette Aiguille est grande !

Après les Royaumes d’Acier en 5e chez Agate, Black Book Editions va lancer ce mardi 25 avril, sur Gameon TableTop, le foulancement de la traduction d’une autre adaptation à la 5e édition d’un univers iconique sorti pour la 3.5. Il ne s’agit de rien de moins que Ptolus, univers créé par le prolifique Monte Cook et publié en 2006 sous l’OGL d20. Le jeu sera en particulier compatible avec Rôle’n Play le jeu 5e de l’éditeur de Saint-Priest.

Cette news n’est pas une surprise si vous suivez notre planning des sorties, mais BBE nous ayant fait l’amitié de nous livrer quelques visuels, on était désireux de vous les faire découvrir avant le début du foulancement et de vous présenter cet univers pour lequel je possède personnellement un amour sans fin.

La place de la Cathédrale Ptolus

Au départ, Ptolus est l’univers de campagne personnel de Monte Cook. Développé initialement pour AD&D 2, cet univers urbain a été ensuite le théâtre des playtests de l’édition 3.5 de D&D. Située dans l’univers de Praemal qui fournit une toile de fonds assez générique et décrite en pointillés, Ptolus est une cité de 130 000 habitants au climat similaire à celui de Seattle. Géographiquement, la ville s’étend entre des falaises bordant la mer et une immense aiguille naturelle. Voilée par la brume et ornée de citadelles et de constructions datant d’époques antérieures, l’Aiguille possède une histoire nimbée de mystères. Cette incongruité géologique n’a cependant pas empêché la cité de devenir un important carrefour politique, commercial et culturel. On y croise l’aventure au coin de la rue, mais aussi dans les souterrains (la ville actuelle n’est qu’une énième strate sur un site occupé depuis fort longtemps) et dans l’Aiguille qui domine la ville. Le tout évoque autant Sigil (Planescape) que Greyhawk (dans l’univers du même nom), Eauprofonde (dans les Royaumes Oubliés) ou Lankhmar.

De ce côté de l’atlantique, elle fera sûrement penser à Laelith également publiée chez BBE. Mais Ptolus se distingue de la Cité du Roi-Dieu parce qu’elle a été conçue dès le départ pour faire tout ce qu’on fait à D&D depuis que ce jeu existe et notamment gagner des niveaux pour devenir un héros épique, voire un peu plus. Complètement high-fantasy dans son esprit, tout en n’interdisant pas d’autres modes de jeu par sa modularité, Ptolus a, depuis sa parution en 2006, non seulement gagné des prix et suscité des dizaines de campagnes mais également reçu un beau succès public et critique. Signalons d’ailleurs que Ptolus a fait l’objet d’une bande dessinée publiée par Marvel qui offre une bonne visibilité à l’univers. En France, le jeu a eu son petit effet malgré l’absence de vf. Par exemple, un certain Le Grümph a mis 5 à Ptolus sur le grog et Islayre d’Argolh, s’en est inspiré pour son (excellente) Cité Sans Nom. On ne peut que donc se réjouir de voir la Cité à l’Aiguille débarquer sur les rives de la francophonie.

Couverture Marvel Ptolus Vol 1

Financée avec succès en 2020, cette nouvelle version de Ptolus que BBE s’apprête à traduire, n’offre que très peu de changement avec le produit d’origine (lequel était disponible en impression à la demande sur drivethru avec des frais de ports prohibitifs cependant). Le Guide de Ptolus est sensiblement le même (avec un travail conséquent de re-maquettage si l’on compare les deux versions) et le contenu additionnel s’enrichit d’un écran et d’une carte sur support vinyle qui n’existaient pas dans le produit de 2006. Pour faire bonne mesure, trois nouvelles grosses aventures ont été ajoutées au contenu additionnel numérique (qui représente quand même un millier de pages). La seule chose qui change donc vraiment est que le matériel d’origine a été converti pour D&D 5 ET pour la deuxième version du Cypher System (qui motorise de nombreux jeux de Monte Cook Games). Vous noterez bien le ET car il n’existe pas de Ptolus 5e et de Ptolus Cypher. Tout le matériel contient les données pour les deux jeux. Or, BBE va, d’après nos informations, ne garder que les adaptations mécaniques à la 5e.

Ce choix de se priver de la version Cypher est, de premier abord, assez intriguant. En effet, BBE édite déjà en français Numenéra et The Strange, deux jeux de Monte Cook Games, déjà motorisés par le Cypher system. On aurait donc pu imaginer que, naturellement, le portage vers ce dernier serait naturel. Cependant, la V2 du Cypher system diffère de la V1 employée dans ces deux jeux. Et BBE aurait probablement dû proposer une traduction de la V2 du Cypher system pour aller avec Ptolus si ce dernier avait été publié dans les deux systèmes. On peut faire l’hypothèse que BBE a voulu s’éviter cette peine, peut être en considérant que le public potentiel pour une V2 du Cypher system en français était insuffisant pour justifier l’investissement.

Quoiqu’il en soit, BBE a choisi de traduire et de rendre ainsi accessible aux joueurs francophones un produit pour lequel l’adjectif légendaire n’est pas usurpé et qui n’a jamais été traduit en français. Car ce Ptolus tient dans les proportions tout bonnement monstrueuses du niveau de détail portant sur l’univers. A vrai dire, si Ptolus figurait dans un bestiaire, on pourrait lui donner les caractéristiques suivantes :

Un univers ? non un monstre !

Image livre Ptolus

Voici donc les grandes caractéristiques de l’univers de Monte Cook.

Dés de vie : le guide de 670 pages et les suppléments sont plus que complets par leur niveau de détail. On peut jouer littéralement des années sans en faire le tour. Pour ma part, j’ai maîtrisé deux campagnes de Ptolus, l’une pendant quatre ans en 3.5, l’autre pendant deux ans en 5e, à chaque fois à raison d’une séance par semaine. 6 ans, donc, avec deux ambiances et thématiques très différentes et je n’ai pourtant utilisé que 40 % du contenu de ce que Monte Cook a produit.

Classe d’Armure : un supplément de plusieurs kilos en VO, solide (on espère que BBE assurera de ce côté-là) et bien relié. Il est surtout blindé contre la critique avec son contenu extrêmement détaillé, richement illustré, superbement maquetté et excellemment indexé, même dans sa version numérique grâce aux hyperliens. Surtout, Ptolus n’a besoin que de Ptolus. Il ne s’agit pas d’un univers vendu à la découpe. Le cadre urbain est tellement riche et prenant qu’à aucun moment on ne cherche à savoir ce qui se passe dans d’autres parties de l’univers qui joue ici un rôle de toile de fond avec lequel le MD peut jouer (ou pas).

Dégâts : gros dégâts pour le porte-monnaie à prévoir puisque le livre physique coûtait déjà 150$ dans la souscription de 2020. On verra le prix fixé par BBE mais nous ne parierions pas sur moins de 150 euros vu les contraintes de production qu’un tel monstre impose. Certes, le livre est assez lourd pour en faire une arme susceptible d’assommer un joueur impertinent, mais c’est surtout la somme de travail contenue dans ses pages qui justifie que même le PDF coûte près de 60$ sur drivethru.

Pouvoirs spéciaux : l’univers de Ptolus possède un certain nombre de traits qui font qu’il est très difficile de lui résister.

  • Ergonomie exceptionnelle : avec une telle quantité d’informations, il est illusoire de se dire qu’on peut tout utiliser et retenir. Monte Cook le sait et a conçu le guide en conséquence. Ptolus est essentiellement un guide touristique. Tel un Baedeker du multivers, l’auteur nous présente la ville de manière générale, puis quartier par quartier en présentant pour chacun l’apparence et l’atmosphère et en distinguant quelques bâtiments, personnalités et intrigues. Le sérieux et la qualité de l’édition font le reste. Malgré la densité de l’information, Ptolus est d’une lisibilité étonnante et fixe des standards très hauts. Table des matières détaillée, textes en gras, utilisation très intelligente des marges et pas moins de trois index (lieux, personnalités, divers) rendent la navigation très facile.
  • Modularité : le guide et les suppléments fourmillent d’idées, de factions, de lieux, de PNJ et d’idées. De manière étonnante, beaucoup d’entre elles n’ont pas besoin des autres pour fonctionner. Tout peut s’associer ou être défait, à la manière d’un Lego avec lequel le MD va pouvoir jouer pour construire ses histoires. Ptolus c’est un sandbox pour MD (à la manière de l’antique The City of the Invincible Overlord avec les hyperliens en plus) qui articule tout ce qui fait la force de D&D.
  • Option techno : une bonne illustration de la modularité de Ptolus est la technologie. Il est possible de concevoir Ptolus comme une ville disposant d’une technologie très avancée qui est en train d’être redécouverte. De fait, on peut très bien utiliser les factions qui s’intéressent à cet aspect (le Dieu de Fer, les Shuuls ou les cultes du Chaos avec la Chaositech) et de concevoir une campagne entière autour de ce thème dans l’esprit d’Eberron ou des Royaumes d’Acier. Il est tout aussi possible de s’en passer ou d’injecter le thème à petite dose. Votre univers n’en sera pas du tout ébranlé.
  • Du zéro à l’infini : Ptolus a été explicitement conçue pour qu’on y joue du niveau 1 au niveau 20. Et même après. En fait, certains PNJ de Ptolus ressemblent plus à Thanos qu’à Mordenkainen et l’univers dispose d’un arrière-fond cosmique qui le rend extrêmement intéressant même à très haut niveau. En effet, l’aiguille qui domine la ville est un endroit possédant des propriétés particulières qu’on ne dévoilera pas ici mais qui font que Ptolus est tout autant un microcosme qu’un macrocosme relié aux Plans. Le lien avec Sigil est ici manifeste et d’autant plus fort que Monte Cook fut l’un des auteurs de la gamme de Planescape. Comme tout ce qui va avec Ptolus, cet aspect peut parfaitement être ignoré ou laissé de côté complètement ou gardé pour plus tard, même si les aventures officielles utilisent beaucoup ce qui se trame dans l’Aiguille.
  • Utilisation habile des clichés de D&D. Ptolus c’est un gros coffre à jouet dont le MD peut sortir ce qu’il veut pour jouer avec ses copains. Le guide permet de faire tout ce qu’il est possible de faire dans un univers de D&D. Vous êtes plutôt donjon ? le guide regorge de donjons de tout niveau. De l’enquête urbaine ? il y a plus d’une centaine d’idées à développer et des conseils très solides sur l’animation d’une campagne urbaine. De l’intrigue politique ? la partie sur les organisations et les factions ainsi que les détails sur le fonctionnement de la cité fait qu’il est très facile de faire vivre à vos joueurs des aventures dans ce coupe-gorge qu’est la vie politique de la ville. Des aventures cosmiques ? vos joueurs rêvent que leurs personnages progressent vers la puissance ultime en progressant à travers sept micro-univers ? Ptolus vous donne des billes pour cela (ceux qui connaissent l’univers comprendront la blague) ? Votre table et vous êtes plutôt branchés aventures épiques et malédiction ancienne ? Ptolus vous comblera à travers la figure de Ghul, l’Indicible et ce qui peut se trouver dans la Nécropole, un gigantesque cimetière fort animé séparé du monde par un voile mystique mais qu’il fait maintenir.
  • Régénération : l’adaptation porte sur la mécanique. On trouvera donc dans le guide de nouvelles races, de nouveaux historiques, des archétypes à ajouter à son jeu OGL, une longue liste de nouveaux sorts et d’objets magiques, des créatures de tout niveau et des caractéristiques pour une centaine de PNJ parfois haut en couleur du rufian local au célébrissime Mage de Fer. Par ailleurs, il se murmure que BBE proposera également l’écran ainsi qu’un deck de PNJ (très utile pour générer des rencontres à la volée).

Ecran et deck pour Ptolus VF - BBE

En traduisant Ptolus, Black Book  Editions va réparer une injustice qui a vu le public français vivre dans l’ombre de Ptolus. En effet, ce monstre d’univers a été publié trop tard pour Asmodée et trop tôt pour les éditeurs français qui ont émergé par la suite. Rédhibitoire en raison de ses coûts de production, Ptolus avait tout pour rester inconnu dans la langue de Molière. Mais c’était avant que l’éditeur rhodanien ne s’empare de l’occasion de cette nouvelle mouture pour permettre aux joueurs francophones d’arpenter les ruelles de la Cité à l’Aiguille et de s’émerger dans des aventures urbaines faites d’intrigues, de mystères, d’exploration et d’exploits épiques.

Pour les curieux qui ne sont pas allergiques à l’Anglais, le kit du joueur gratuit de cette nouvelle version est disponible ici.

LIEN :

La page de la souscription

3 pensées sur “Que cette Aiguille est grande !

  • 24 avril 2023 à 15:27
    Permalink

    Il existe des campagnes pour ptolus ?

  • 25 avril 2023 à 01:26
    Permalink

    Bonjour,
    Oui …
    Mais La seule campagne créée pour Ptolus est The Night of Dissolution. Prévue pour des personnages de niveau 4-9, c’est une campagne avec une progression des événements et des décors variés. On y fait de l’exploration de souterrain, mais pas que, et il y a quelques parties d’enquête. La Campagne d’une dizaine de scénarios n’est pas très épaisse (une centaine de pages) mais a un impact important.

    Mais on considère également trois des modules de Monte Cook Games (Dark Tidings, The Banewarrens et Queen of Lies) publiés avant la sortie de Ptolus comme formant une campagne de Ptolus. Pas toujours bien reliés entre eux, il existait des possiblités pour en faire une campagne assez similaire aux premières campagnes d’AD&D telles que Slavelords ou Queen of the Spiders.
    Cependant, parmi ces aventures, seules The Night of Dissolution et The Banewarrens ont été convertis dans le cadre du passage à la 5e/Cypher. On ne sait pas si Queen of Lies ou Dark Tidings seront convertis. The Night of Dissolution

    Lors du foulancement de la dernière édition, cependant, trois aventures inédites ont vu le jour: doctrine of Ghul, Return of the Ebon Hand et the Runeblood blessing qui sont 100 % faites pour Ptolus (désormais reliées en un seul Volume: Ptolus, City of Adventures). Bien que pouvant être jouées séparément, elles peuvent tout à fait se mêlanger aux autres aventures. De plus, le livre propose déjà trois gros scénarios et des intermèdes urbains qu’on peut relier en utilisant les conseils du chapitre destiné au MJ.

    Enfin, il y a des idées d’aventure et des rencontres plus détaillées un peu partout dans le livre. Elles peuvent très bien être utilisées pour construire sa campagne.
    Bref, il y a de quoi faire.

    Ensuite, lorsque la version d20 de Ptolus furent publié d’abord The Banewarrens

    • 25 avril 2023 à 09:05
      Permalink

      Merci pour ton retour et pour l’article, effectivement il y a de quoi faire, j’avais peur de juste un livre de contexte, moi qui suis feignant 🙂

Commentaires fermés.