Malins comme XII Singes (2)

C’est rien de le dire : le marché du jdr francophone bouge. Financement participatif, communication innovante, associations entre éditeurs et/ou organes de presse, etc. Chez Di6dent, toutes ces questions là nous passionnent. Mais, on est comme vous : des fois, ça va vite et le sens de pas mal de trucs nous échappe. Alors, dans ces cas là, on n’hésite pas à aller frapper à la porte d’un vieux singe qui peut nous en apprendre beaucoup. Et pas que sur les grimaces.

Seconde partie d’un entretien avec Sébastien Célerin, directeur éditorial des XII Singes.

Au départ, les XII Singes se sont fait connaître avec leurs petits formats, noir & blanc, couverture souple, vendus autour de 30 euros. Depuis Trinités 2, vous publiez de plus en plus d’ouvrages avec couleurs voire couverture rigide. Qu’est-ce que c’est que cet embourgeoisement ?

Sébastien : Une société jeune n’a pas les mêmes moyens qu’une société développée. Quand un livre de base est épuisé, nous sommes désormais en mesure de proposer des ouvrages en couleurs sur des univers qui ont attiré une communauté de passionnés fidèles.

Cela veut dire que les choix opérés au début de l’existence des XII Singes étaient purement conjoncturels et pas basés sur des convictions durables (jouabilité immédiate, prix accessible, etc.) ?

Sébastien : Pas du tout. Cela veut simplement dire que le coût d’une production entre en ligne de compte dans nos choix ou celui des auteurs que nous rencontrons. Il y a des projets que nous avons appréciés, que nous aurions aimé publier, mais cela n’a pas été possible car les aspirations artistiques ou de fabrication de leurs auteurs n’étaient pas dans nos moyens. Il n’est pas question qu’un projet puisse mettre en péril ceux d’autres auteurs.

Trinités 2, Alkemy RPG, Project: Pelican 2… Vous vous calez sur la stratégie des studios hollywoodiens ou bien ?

Sébastien : Quand tu n’as plus de livre de base, tu regardes l’âge de ton jeu, et tu te demandes s’il est pertinent de réimprimer. La réponse dépend du temps qu’il a fallu pour que le tirage initial se vende et du volume de ce tirage.

Trinités a été proposé à une époque où le JdR se portait bien mieux. Nous avions imprimé mille cinq cents livres. Il aura fallu de nombreuses années pour (presque) tout vendre. En voyant qu’on n’en aurait bientôt plus, on a analysé que cet univers avait besoin d’un nouveau look qui affirmait que ce jeu c’est Highlander dans le DaVinci Code et non le Nom de la rose.

Quant à Alkemy, c’est une autre histoire. Cette collection avait un succès fulgurant porté par la dynamique de DD4E. Nous avons toujours aimé cet univers. Proposer une nouvelle édition en couleurs fut naturel après avoir discuté avec quelques-uns des membres de http://alkemy-the-game.com/fr/.

Project: Pelican a une histoire un peu différente. Nous aimions énormément le travail de CDS. Quand Fabien Fernandez a arrêté de diriger cette collection, les XII Singes lui ont proposé de reprendre le flambeau tout en l’associant à ces nouvelles éditions. Nous avons appris à nous connaître. On s’est bien entendu. Et la nouvelle mouture de Project: Pelican est arrivé.

Mais tu n’es pas très juste dans ta manière de poser la question. Entre ces nouvelles éditions, il y a eu bien plus de création chez nous que chez bon nombre d’éditeurs. Ainsi, Dieux ennemis emprunte le système de résolution d’Ennemy Gods du papa de 7e Mer et L5R, mais il propose un monde original et de très nombreuses mini-campagnes sur le thème des domaines divins.

Sébastien, tu es aussi co-rédac’ chef du confrère JDR Magazine, présent en kiosques. Est-ce que ça veut dire que Les XII Singes sont à JDR Mag’ ce que BBE est à Casus Belli ?

Sébastien : Je ne peux pas répondre. Je ne connais pas assez BBE et leur version de Casus Belli. Il y a au moins une différence, pour le peu que je puisse en juger, les XII Singes et JdR Mag ne sont pas possédés par le même éditeur. Et les sociétés mères (ReSpell et Titam) ne sont pas entre les mains des mêmes personnes. Ce sont deux aventures entreprenariales distinctes. Il se trouve que je m’entends bien avec les trois (BBE, Titam et les XII Singes) en plus d’être un des douze Singes. Cela dit, si tu creuses un peu, tu apprendras que je participe à bon nombre d’aventures dans le domaine des jeux (Ghostbusters, Attack On Titan, DC Comics Deck Building, Tokyo Ghoul…).

Ça fait un moment que j’entends parler de mini-sites pour les jeux XII Singes : c’est quoi l’idée ?

Sébastien : Eh bien, c’est un sujet délicat. Nous avons une idée de ce que pourrait être un JdR dans l’avenir, mais nous n’avons pas encore les moyens de notre ambition. J’espère que peu à peu, projets après projets, notamment grâce à la précommande de MitM nous pourrons l’expérimenter.

Black Book Éditions vient d’annoncer une bonne douzaine de sorties jusqu’en 2018. Alors, les Singes, on fait les timides ?

Sébastien : Du tout, on a aussi un planning jusqu’en 2018. Nous ne pouvons pas l’annoncer car cela mettrait une grosse pression aux auteurs qui nous ont choisis pour les publier. Nous n’annonçons que les projets qui sont en route pour la production, quand l’auteur est content de son travail au point de nous confier un manuscrit, dont il nous parle souvent depuis des mois, voire des années.

Publier de la création, ce n’est pas produire de la traduction. Ce n’est pas plus difficile. Le métier de traducteur est vraiment délicat. Cela dit, quand tu traduis, tu te vois progresser, page après page, chapitre après chapitre. Quand tu rédiges un manuscrit, une œuvre inédite, tu passes par des moments de doute, de panne et de création fébrile… sans vraiment pouvoir dire quand se produira telle ou telle phase.

Les XII Singes ont plusieurs projets qui sont en bonne voie. Voici ce qui est en route pour le premier semestre 2017 : un nouveau Clé en main (post apo cette fois), une nouvelle édition d’Islendigar, Le Cabinet des Murmures (un JdR où les PJ sont emprisonnés dans le même corps au XIXe siècle), des suppléments Trinités, Dieux ennemis, Wastburg, Necropolice, Krystal…

Bref, on ne s’ennuie pas chez les XII Singes. Ni chez nos amis du Studio DeadCrows avec qui nous travaillons à une reprise de Capharnaüm et au lancement de Mindjammer l’année prochaine.

D’ici là, je peux vous dire qu’un supplément important arrive pour Terra Incognita : Paris.

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