Le meilleur des deux mondes ? [chronique suppléments Forbidden Lands]

On en était resté avec la VF de Forbidden Lands, le jeu OSR de Free League au premier set de base publié en VF par Arkhane Asylum voici quelques mois : une boîte et ses accessoires, accompagnée d’une campagne prête à jouer. Cela nous avait bien plu dans l’ensemble : https://lefix.di6dent.fr/archives/19069

A l’occasion de cette chronique, nous avions remarqué une fois de plus le tropisme des jeux Free League (dès Mutant Year Zero) qui consiste essayer de combiner en une seule campagne plusieurs styles de jeux parfois décrits comme antagonistes. Ici, dans le feeling old school propre à FL, il s’agissait ainsi de laisser la bride sur le cou des PJ en les confrontant à une immense carte à hexagones explorable et customisable (à l’aide de stickers) tout en gardant l’exploration pièce après pièce de donjons pré-construits comme horizon ultime de la plupart des aventures.

Un chouette programme qui, toutefois, peut se heurter à la masse de travail demandé en amont au MJ qui doit donc préparer des « lieux d’aventures » à foison sans savoir d’avance si ses PJ préférés ne vont pas les abandonner au bout de deux pièces ou tout simplement les ignorer et passer leur chemin. Aaaaarrrrrh, rage. Le jeu de base fournissait bien dans ce but tout un ensemble d’outils, conseils et, bien sûr, tables aléatoires pour aider le MJ à bricoler tout ça en deux coups de cuillère à pot mais cela ne reste au mieux que des bases pour stimuler l’inspiration. Si celle-ci fait défaut, le jeu peut vite devenir procédurier et routinier au point de perdre tout intérêt.

Non, en vrai, ce qu’il faudrait, ce serait un réservoir de lieux d’aventure prêts à être intégrés sur MA carte à hexagones et à ainsi pouvoir « poper » sous les pas de mes joueurs dès que le besoin s’en fait ressentir. Et si possible des lieux originaux et typés parce que créer sur le pouce un vieux donjon avec une liche farouche au milieu, je sais faire, merci. Mais c’est pas possible, pas vrai ?

En fait, si. C’est complètement la proposition de ces deux recueils quasi-similaires qui viennent de sortir en VF : La crypte du mage mellifié et La flèche de Quetzel. Chacun de ces deux livres à la pagination modeste (80 pages) et au tarif abordable propose exactement ça : une série de lieux d’aventures (quatre chacun) à placer dans l’hexagone de votre choix et à connecter d’une façon ou d’une autre aux pérégrinations choisies par les PJ.

Qu’on ne s’y trompe pas, malgré le titre choisi, il ne s’agit pas de longs développements sur une région et encore moins d’une campagne. Par exemple, la fameuse crypte du mage mellifié qui donne son nom au premier recueil n’est en fait qu’abordée sur un quart de la pagination de celui-ci. Le reste est occupé par trois autres donjons clefs en mains qui n’ont strictement rien à voir, ni en termes d’intrigue, ni de localisation, rien.

Chacun des huit lieux d’aventure décrits suit exactement la même présentation, déjà celle retenue pour les précédents ouvrages, notamment la « campagne » sortie en même temps que le set de base. Là aussi, on le sait, notamment grâce à des jeux comme Vaesen, Free League aime beaucoup les présentations très encadrées voire procédurières. Certains diront rigides. Chaque description débute donc par quelques conseils pour choisir l’endroit de la carte dans laquelle vous allez placer votre beau donjon tout neuf puis, surtout, par quelques outils pour conduire les PJ à s’y intéresser. Une courte légende à distribuer aux joueurs est fournie en fin d’ouvrage. Des événements, parfois sous forme de tables aléatoires, sont aussi conseillés pour attirer l’attention des PJ.

Une fois le poisson ferré, il n’y a plus qu’à dérouler le donjon de la façon la plus classique qui soit. Oui : portes, monstres, trésors. Le tout accompagné d’un joli plan, de stat blocks, de quelques tables aléatoires, d’événements qui pourraient s’y produire, etc. Cela reste du donjon. L’un des huit lieux diffère un peu (un village mal fréquenté) mais, en gros, voilà : c’est du donjon.

L’originalité de la série de suppléments est aussi d’être une compilation d’auteurs variés puisqu’il s’agit de contributions extérieures d’auteurs, parfois connus, que Free League a été chercher spécifiquement pour étoffer la gamme de Forbidden Lands. Désireux de se démarquer des collègues, les créateurs ont fait feu de tout bois et, globalement, les donjons sont variés, parfois assez délirants, dans un style redevenu à la mode où on sait ne pas trop se prendre au sérieux quand il s’agit de peupler son souterrain. A ce titre, le donjon éponyme de La crypte du mage mellifié donne le ton.

Évidemment, il ne faudra pas trop chercher de cohérence dans la vision de tous ces auteurs qui n’ont pas non plus accordé une trop grande importance au background préexistant pour FL. Selon son inclinaison, on pourra prendre cela comme un atout puisque les recueils peuvent convenir « pour tout jeu médiéval fantastique » ou trouver qu’il est dommage que ces donjons ne forment pas une sorte de tout par région ou thème.

Un peu dans le même registre, on fera remarquer que le coté modulable de ces donjons à la carte, très pratique par ailleurs, on l’a compris, pose la question de leur insertion dans leur environnement proche. Certes, le MJ de FL doit savoir improviser et doit aussi travailler sa carte à hexagones en amont mais on s’étonne toutefois de voir certains donjons abriter des créatures si puissantes qu’elles devraient avoir changé la face du monde ou, au moins, être des légendes universelles et pas juste d’aimables participants aux festivités locales. Il faudra une solide suspension d’incrédulité en matière de dungeonverse pour accepter leur existence, donc.

Au bilan, en dehors de ces quelques réserves toutes liées à la nature très particulière de cet exercice de style (que l’auteur de ces lignes a pratiqué à ses heures pour d’autres jeux : il sait donc à quel point cela est difficile…), ces deux suppléments sont de très bonne facture, à prix raisonnable et doivent représenter pour tout MJ dans un style OSR une vraie opportunité pour avoir sous la main des donjons presque prêts à jouer ou de quoi nourrir abondamment son imagination en la matière.

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