L’interview trop longue, pas lue ?

Et bien voilà, c’était inévitable. On veut bien faire en donnant la parole à tout le monde et, du coup, ces trois jeunes gens un peu bavards en font des tonnes au risque que l’interview soit trop longue, pas lue… pffff, putain de karma. Bon, allez, supposons que vous réussirez à vous faire violence car, à notre humble avis, ça en vaut la peine. En effet, les trois créateurs du site – Côme Martin, Melville et Julien Pouard (vous trouverez leur notice biographique à la fin de l’entretien) – reviennent avec nous sur le concept du site web Trop long ; pas lu et nous font une petit point d’étape sur ce que tous les amateurs de gratuit peuvent espérer y trouver à l’heure actuelle.

 

1. J’attaque cash, OK ? Je ne suis pas un très grand fan des jeux en une page. Comme dirait un partisan de Trump lambda : change my mind !

Côme : Non, t’as raison, moi aussi j’aime bien les bouquins de 300 pages dont 100 de background qui ne sera jamais joué, 100 de règles hyper complexes qui te serviront une fois tous les 3 ans et 100 de nouvelles hyper stylées que l’auteur a pas réussi à recaser à un éditeur…

Un jeu en moins de 10 pages, puisque c’est ça le credo de TLPL, c’est justement un jeu dont on peut s’assurer qu’il a été écrit, et qu’il sera lu, pour être joué. Pas de gras, pas d’inutile, rien que de l’essentiel. Alors certes, ça peut parfois empêcher une certaine profondeur de jeu… Encore que, même là dessus je demande à être convaincu !

Melville : Tout comme Côme avec quelques petits ajouts spécifiques aux jeux en une page/une feuille :

  • On peut facilement décider à quoi on va jouer sur le pouce, sans masse de préparation en amont. En convention je me balade avec une quinzaine de jeux et on décide ce qu’on va faire avec les joueuses.
  • C’est rapide et pas cher à produire et imprimer. Mes joueuses partent avec le jeu complet à la fin de la partie. C’est plutôt chouette pour les faire découvrir. Corollaire côté game-design : on passe pas dix ans à les écrire, ça fait aussi un bon exercice de conception.
  • Tu connais le phénomène des joueuses qui ont rien lu ou presque du jeu avant la partie ? Là ça n’arrive pas. Tout le monde a lu toutes les règles avant de jouer, et ça a pas pris plus de cinq minutes. Au moins on est au clair sur ce qui est canon dans le jeu et sur ce qu’on peut inventer ensemble.

 Julien : Ah je savais que je m’étais associé aux bonnes personnes. Je voudrais juste revenir sur l’aspect conception de jeu. Melville parle d’un bon exercice et c’est vraiment une chose que je voudrais souligner. Un jeu en 1 page c’est parfait pour tester une idée de mécanique qui te trotte dans la tête ou qui t’est venue sous la douche. C’est chouette à lire aussi pour découvrir les idées des autres. D’ailleurs comme c’est moins intimidant qu’un pavé rolistique (très pratique pour tenir les bibliothèque), y’a plein de gens qui ne s’étaient jamais lancé dans l’écriture de jeu qui s’y essayent. Et dans le lot y’a de très bonnes idées. Je m’en suis déjà servi par exemple pour faire une sorte de rapport d’étape d’un jeu plus volumineux, où j’en suis dans ma création ? Est-ce que les idées fonctionnent ? Est-ce que je suis capable en une page d’en présenter l’essence ? Quand j’y arrive c’est que le jeu auquel je réfléchi a des bases assez solides pour que je continue à plancher dessus.

2. Mouais, admettons. Mais, du coup, il y a sur TL, PL des dizaines, probablement maintenant de centaines de jeux disponibles. Qui a besoin de tous ces jeux de rôles, en fait ?

Côme : Parce que toi quand tu vas au supermarché acheter des pâtes tu prends toutes celles du rayon ? Bah non, tu prends celles qui correspondent à tes goûts, tes envies, tes besoins. Chez TLPL c’est pareil : y a plein de choix pour qu’il y ait là dedans au moins un jeu qui te plaise. Et précisons tout de même que tout ça est absolument gratuit, ce serait donc bête de se priver !

Melville : Je sais pas si on a besoin de jeux de rôles tout court. Mais ça s’applique autant aux med-fan en trois volumes de 300 pages qu’aux formats courts. Disons que ça me semble pas une offre moins pertinente que quelques centaines de variations autour de donjon & dragons toutes éditions confondues.

Julien : Franchement, la question ne se pose pas. Avec TLPL tu peux te vanter d’avoir plusieurs centaines de jeux en plus dans ta bibliothèque. Et on sait bien que la taille de la bibli c’est important. Mais plus sérieusement, c’est une formidable source d’inspiration pour voler emprunter des idées, explorer les imaginaires rôlistes et découvrir des thèmes auxquels on avait pas pensé.

3. Comment on fait pour se retrouver dans tout ça ? Le site propose des fonctions de recherche, je crois ?

Côme : Eh oui, c’est comme sur Tinder, tu peux choisir selon des critères précis : nombre de joueuses, avec ou sans MJ, avec ou sans dé, ambiance plutôt horreur ou humour, durée d’une partie, etc. Tout ça fignolé aux petits oignons par nos formidables webmasters !

Melville : Ça a été un des gros enjeux à la création du site : concevoir un moteur de recherche adapté aux types de contenus qu’on voulait héberger. Ca nous a aussi permis de préciser à quel point on souhaitait que les possibilités soient vastes, de l’expérimental qui se joue avec des tapettes à souris et se pratique exclusivement en campagne sans préparation au mini-OSR D20 donjon inclus pour un petit one-shot avant l’apéro.

Julien : On a eu la chance que des amis qui s’y connaissent travaillent sur le site et mettent au point ce merveilleux moteur de recherche. Merci Ilan et Richard pour le superbe travail qu’ils ont réalisé. Par contre, faut faire gaffe à pas s’y perdre trop longtemps, parait que si on entre la bonne combinaison de critères on risque d’invoquer un truc pas net.

4. Vous hébergez les créations des membres fondateurs mais aussi de tous ceux qui le souhaitent. Il y a un système de probation ou de notation ou bien c’est un peu le Wish du JdR ?

Côme : Il faut coucher, évidemment. Comme on est 3 et que c’est un chiffre impair, le principe est assez simple : on reçoit un jeu, si 2 d’entre nous le valident, il est mis sur le site. Sachant qu’on ne se base pas sur la qualité ou nos propres goûts : en gros, si ça fait 10 pages max et que c’est un jeu, ce sera mis en ligne. On se permet parfois de faire des remarques de mise en page ou de style, mais c’est rarissime.

Melville : On est d’accord que ça fait une ligne éditoriale un peu légère, mais l’enjeu pour nous, c’est aussi d’inciter les gens à se jeter dans le bain de la conception d’un jeu complet et publié. À une époque, j’ai découvert énormément de super idées sur des sites de productions amateurs comme La Vouivre. Avec la disparition de ces plateformes et l’éclatement des canaux d’échanges en ligne autour du jeu de rôle, il manquait pour nous d’un endroit pour trouver des propositions variées et gratuites, et il existait déjà pas mal de formats courts disséminés de-ci de-là. On a décidé de faire d’une pierre deux coups sur ces enjeux avec Trop Long ; Pas Lu.

Julien : Cela dit on a dit non plus d’une fois, et même avec des critères aussi doux qu’une fausse fourrure rose achetée sur Wish, il y a parfois des décisions difficiles. Certains auteurs prennent en compte nos demandes et adaptent leurs jeux à notre format pour figurer sur le site. Parfois certains les retirent aussi, parce que ces graines de jeu ont trouvé une nouvelle vie ailleurs.

5. Bon, supposons que vous m’ayez moyen convaincu avec les jeux en une page. Je crois que vous avez aussi des jeux en pas une page. Pourriez-vous nous en présenter un chacun (pas un des vôtres, hein !) pour donner envie là tout de suite maintenant ?

Côme : Alors il y a ce jeu de Koum Martinne qui… Hein, c’est grillé ? Zut. Le choix est cornélien mais je vais pencher pour Donjons & Chatons de Clément de Ruyter, parce qu’il est magnifique et prouve très bien qu’en 10 pages on a tout ce qu’il faut pour vivre des aventures post-medfan de grande teneur !

Melville : Pour rester dans la donjonnerie, Ceux qui pourrissent sous tes pas de Steve Jakoubovitch est, je crois, une expérience à tester absolument. Un dungeon crawler extrêmement mortel, à tenter une joueuse à la fois, avec comme trace des passages précédents des dépouilles d’aventuriers couvertes de fleurs qui murmurent les derniers mots de ceux qui ont succombé. Poétique et terrifiant à la fois, avec une dimension sonore en plus.

Julien : Par contrat je suis obligé de citer un jeu de Guillaume Jentey. Le bougre en a fait 11, dont un que j’ai eu la chance d’examiner en tant que jury du Gamechef. Mais je vais mettre en avant Le marchand de sable de l’orphelinat, écrit avec Elise Pagès pour une jam qu’on avait organisé en 2019 : Traverser l’Hiver. C’est un beau jeu, tendre, qui m’avait pas mal touché à sa première lecture.

6. Le site vous plaît comme il est maintenant ou bien vous avez encore des rêves inassouvis pour TL, PL ?

Côme : Oh, les envies c’est pas ça qui manque ; le temps, par contre… Idéalement, on monterait d’autres concours, on continuerait les podcasts, on serait présents sur les réseaux sociaux et on aurait un système de mise en lumière de nos archives. Mais bon, Trop Long, Pas L’temps.

Melville : Je rêve de monter une colo game-jam pour inciter les gens à se rencontrer, passer du temps ensemble et collaborer pour écrire et tester des nouvelles façons d’aborder le format court, mais il faut bien reconnaître que la période se prête peu aux rassemblements.

Julien : Comme Côme j’avoue qu’on a des idées à foison pour développer le concept. Mais comme lui, le temps manque entre les podcasts, les parties, l’écriture de jeux ou les conventions en ligne à préparer. Ah et le boulot aussi, celui qui fait manger. Je me dis qu’un jour on y reviendra de manière plus active, quand d’autres projets passeront en sommeil peut être. Quoi qu’il en soit, c’est déjà une immense satisfactions d’avoir mené à bien ce projets avec les formidables Côme et Melville. Peut-être qu’un jour on fera une tournée dans un minibus autour du monde.

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Les interviewés :

Côme : Ancien podcasteur, actuel créateur de jeux : plein de petits jeux de rôle disponibles sur TLPL et d’autres choses plus longues (Green Dawn Mall, Deux Étés) sur https://emojk.itch.io/.

Melville : Podcasteuse : Ludologies, du jeu sous toutes ses formes (disponible sur apple/spotify/deezer) ; Conceptrice de jeux : Sur les Frontières, Summer Camp, Des Couleurs de l’amitié, Verticales, Inoubliable! et d’autres sur https://melville.itch.io Vous pouvez retrouver un article récent sur Melville dans le Fix : http://lefix.di6dent.fr/archives/12190

Julien : Podcasteur : Voix d’Altaride, un podcast de discussion autour de jdr (http://www.cendrones.fr/) ; l’Arpenteur, un podcast autour du jdr en solitaire (http://anchor.fm/arpenteur). Concepteur de jeux : De Mauvais Rêves, Tours de Garde, Glorieuses et quelques autres à découvrir sur https://cendrones.itch.io/.