“Scotty, énergie !” ou la revanche des mécanos de l’espace [chronique Star Trek Adventures : La Division des Opérations]

Introduction : petit point sur la gamme Star Trek Adventures

Avant de nous plonger directement dans l’ouvrage qui va nous intéresser aujourd’hui, je vous invite à prendre un peu de recul pour voir la place de ce tout dernier supplément dans l’ensemble de la gamme française Star Trek Adventures éditée par Arkhane Asylum Publishing.

En effet, depuis la publication de son livre de base en 2018 (qui a fait l’objet d’ailleurs d’une chronique sur notre site) la gamme VF s’est un peu étendue. Au delà d’un Kit du maître de jeu et son écran, cette dernière propose aujourd’hui un total de 4 suppléments :

  • Le dernier voyage : recueil de missions, volume 1 (recueil de scénarios)
  • Le Quadrant Bêta (supplément de contexte)
  • La Division du Commandement (supplément de règles)
  • La Division des Opérations (supplément de règles, qui est notre sujet d’aujourd’hui)

A ce jour, cette proposition ludique est bien sûr largement moins développée que la VO américaine de Modiphius, mais avec la sortie de La Division des Opérations il ne manque plus à traduire qu’un seul supplément technique  “clé” amenant des options supplémentaires pour les personnages (nommé Science Division en VO).

La Division des Opérations fait donc partie d’un triptyque d’ouvrages venant amener chacun de la profondeur à l’une des catégories majeures de métiers disponibles pour les personnages et, contrairement à ce que leur désignation officielle dans la gamme pourrait faire croire (supplément de règles), nous allons voir que ces livres ne sont pas uniquement des manuels techniques.

Il est donc temps de rentrer dans les rouages de l’ingénierie au cœur de Starfleet, nous irons d’abord jeter un œil sur la forme avant d’aller explorer le contenu de ce supplément plus en détail.

Premier contact : Le mise en forme de La Division des Opérations

Cette dernière traduction en date de la gamme Star Trek Adventures par Arkhane Asylum Publishing se présente dans une totale continuité avec ce que les ouvrages précédents pouvaient proposer. La comparaison spécifique avec La Division du Commandement nous montre d’ailleurs que ces deux livres sont même quasiment jumeaux, avec sensiblement le même format (un peu plus de 120 pages, couverture rigide et épaisse).

Visuellement, la première chose qui saute aux yeux au feuilletage de La Division des Opérations est bien sûr sa maquette intégralement sur fond noir … qui est d’ailleurs une marque de fabrique de toute la gamme. Ce choix esthétique donne un cachet résolument SF au contenu et participe clairement à l’immersion du lecteur dans l’univers de Star Trek. Cependant, ces fonds noirs omniprésent pourront aussi (à raison) être perçus comme moins confortables pour la lecture … et je ne vous parle pas du coup en cartouche si vous souhaitez vous imprimer quelques pages de référence de l’ouvrage !

Côté mise en image le livre profite d’une grande cohérence de style, les dessins à vocation d’illustration (lieux, scènes et personnages) prennent le parti d’une sorte de réalisme naïf qui ne plaira sûrement pas à tout le monde … alors que de leur côté tous les dessins de type schéma technique sont résolument précis et très épurés.

Concernant les textes, si l’organisation globale s’appuie basiquement sur deux colonnes avec des marges vides servant uniquement à aérer le contenu, elle est par contre rythmée de façon très agréable par une mise en valeur très nette de paragraphes spécifiques (voir illustration ci-dessous) et par un usage intelligent de variations de la police de caractère (que ce soit sa couleur ou sa forme).

Mon seul regret à ce niveau est qu’on pressent bien que ces variations de mise en forme nous indiquent une hiérarchisation des informations … mais sans jamais nous donner une légende expliquant clairement le rôle de chaque type de mise en image.

L’impression globale est que tout cela donne un sentiment très fort d’immersion dans un futur lointain, plongeant irrémédiablement le lecteur dans l’identité de l’univers de Star Trek. Le prix à payer à cela sera par contre une accessibilité plus réduite qui va certainement demander au lecteur d’accepter le parti pris des auteurs …

Au cœur des rouages : le contenu de La Division des Opérations

Il est maintenant temps de regarder de plus près le contenu de ce supplément. Je vous propose donc ici un résumé de ses différentes parties, avec une mise en lumière de l’intérêt de chacune de ces propositions de contenu.

  • Chapitre 1 : Introduction (6 pages)

Le supplément s’ouvre sur une mise en perspective du rôle de cette Division des Opérations, et tout particulièrement ses deux branches principales : les ingénieurs et les officiers de sécurité. Cette proposition de contexte est soutenue par des extraits de conférences et de journal de bord qui donnent (une fois de plus !) un agréable sentiment d’immersion à la lecture.

Cette introduction se clôture ensuite par un résumé expliquant le contenu des différentes sections de l’ouvrage.

  • Chapitre 2 : La Division des Opérations (28 pages)

Cette partie nous plonge dans les profondeurs de cette division de Starfleet. Utilisant encore largement des textes immersifs (briefing, transmission etc …), cette section détaille par le menu la structure de cette organisation et comment les personnages pourraient avoir à interagir avec elle. Les services de renseignement, le corps des ingénieurs et la mystérieuse “Section 31” ont droit à un examen approfondi agrémenté à chaque fois d’informations pour les mettre en jeu de la meilleure des manières.

  • Chapitre 3 : Personnages de la Division des Opérations (20 pages)

Voici un chapitre presque entièrement à vocation technique. Il contient le détail des nouvelles options de règles accessibles pour la création de personnages sortant de l’École de sécurité ou de l’École d’ingénierie. De nouveaux rôles et talents sont donc proposés, mais au-delà de cela cette partie prend le temps de décrire l’intérêt en jeu de créer et jouer ces types de personnage.

Élément récurrent et très appréciable, même cette section technique participe à l’immersion au sein de l’univers de Star Trek. Un encadré “parler comme un technicien” propose un outil pour agrémenter les conversations d’un jargon technique “façon Star Trek”, et nous avons encore ici des textes purement intradiégétiques de type Journal de bord.

  • Chapitre 4 : Technologie avancée (14 pages)

Cette section prend le temps de décrire longuement de nombreuses technologies de l’univers de Star Trek, ce qui est totalement cohérent dans un ouvrage focalisé sur l’organisation qui forme et déploie les techniciens de Starfleet. Appareils d’ingénierie, systèmes de vaisseau et ingénierie expérimentale sont explorés … et cette partie ouvre la possibilité d’improvisation de matériels (et de nouvelles technologies) qui fait écho à la gestion des différentes époques technologiques (accessibles selon le choix du meneur) qui était proposée dès le livre de base de cette gamme.

Personnellement je pense qu’on pourra regretter la grande rareté des illustrations dans ce chapitre. Très peu de ces matériels sont mis en image, et lorsqu’ils le sont c’est dans ce style très minimaliste et épuré des schémas technique qui ne permet pas de se figurer clairement l’aspect de ces objets technologiques.

  • Chapitre 5 : Utiliser la Division des Opérations (18 pages)

Boîte à outils dédiée aux meneurs, cette partie propose à ces derniers une multitude d’éléments d’intrigue qui pourront venir nourrir leurs scénarios. Des missions type pouvant mettre en avant les métiers de l’ingénierie ou de la sécurité sont proposés, et avec elles le supplément propose de nouvelles règles pour donner un focus sur les activités de ce département (le combat à main nue, l’enquête criminelle ou le contrôle des dommages sur un vaisseau par exemple)

Il faut signaler que cette partie va plus loin que la simple énumération d’idées ou de synopsis de scénarios. De larges paragraphes viennent en effet explorer plus en profondeur certaines propositions, comme l’analyse d’une technologie extraterrestre ou la récupération d’un vaisseau abandonné.

  • Chapitre 6 : Personnel de la Division des Opérations (14 pages)

Cette partie est un large répertoire de PNJ prêts à l’emploi. Dans cette partie les meneurs pourront trouver d’un côté les caractéristiques et le background de PNJ uniques et spécifiques (Amiral John Harriman ou Docteur Leah Brahms par exemple), et d’un autre côté des caractéristiques de profils génériques en rapport avec la Division des Opérations (Chef de la téléportation, Officier de la sécurité de Starfleet ou encore les fameux soldats des commandos du MACO par exemple).

Au delà des simples valeurs de jeu, cette section prend soin de proposer ponctuellement des idées d’utilisation en jeu de certains de ces PNJ, participant à cette mise en contexte permanente qui caractérise cette gamme Star Trek Adventures.

  • Chapitre 7 : Alerte rouge (19 pages)

Dans cette dernière partie, le supplément introduit un système de règles de combat plus tactique que celui du livre de base et qui est nommé Star Trek Adventures : Alerte rouge. Ce système de combat nécessite des “tuiles” de terrain, il est pensé pour être joué avec des figurines et il est conçu pour répondre à un principe de missions scénarisées pré-conçues.

Cette approche est assez étonnante dans un JdR comme Star Trek Adventures qui met en avant régulièrement une approche plus narrative des situations par le système 2D20 de Modiphius, mais il apparaît en fait assez vite que l’idée majeure derrière ce système est de pouvoir mettre en jeu des conflits tactiques d’escouades (et donc finalement de rester dans une “simplification narrative” en fournissant des mécaniques sous formes de raccourcis de résolution à la table).

Le principe de fond est de faire réaliser des Tâches (les jets de dés de base de ce JdR) par des groupes entiers de PNJ (ceux de la catégorie personnages secondaires) nommés escouades. Les personnages majeurs (les PJ en particulier) sont, eux, gérés comme d’habitude de manière individuelle. Ce mode de combat garde aussi d’ailleurs le très intelligent mode de déplacement par zone des règles de base, une idée qui reste ici très plaisante.

Nous sommes donc en fait, même si cela n’est pas totalement évident quand on s’attaque à cette partie, face à un système de “sbires” permettant de jouer les affrontements contre des hordes de PNJ de façon accélérée et simplifiée. Le bémol à mettre là-dessus, c’est que les auteurs profitent de ce nouveau mode de jeu pour rentrer dans une logique très typée wargame, un axe qui apparaît clairement dans la dernière section de ce chapitre qui propose des missions toutes prêtes (avec les tuiles et figurines à utiliser … mais aussi les instructions de mise en place et les conditions de victoire typiques d’un wargame).

Conclusion : Plus que des règles, du contexte omniprésent à apprivoiser

La conclusion qui va suivre ne surprendra certainement pas les connaisseurs de Star Trek Adventures, et si vous êtes de ceux qui ont apprécié les ouvrages précédents de cette gamme je vous le dis tout de suite clairement : vous pouvez vous jeter sur ce supplément vous ne serez pas déçus.

Pour les autres, sachez que ce Division des Opérations est en effet un livre typique de la proposition ludique construite par l’éditeur VO Modiphius : même si ce livre est classé dans la catégorie “supplément de règles” de la gamme, il est parsemé d’éléments de contexte dans toutes les sections (sauf le chapitre 6 pour être précis). En effet, l’identité majeure de Star Trek Adventures c’est cette volonté perpétuelle de proposer une immersion forte dans l’univers de jeu à ses lecteurs … même si cela doit être ponctuellement au détriment de la lisibilité ou l’accessibilité du contenu.

Comme nous l’avons vu dans le déroulé de cet article, de la maquette/mise en forme du livre jusqu’à l’organisation des informations qu’il contient (et en passant aussi par la nature même du système de règles 2D20 de Modiphius), l’ensemble de ce que Division des Opérations propose est systématiquement soumis à cette règle d’immersion maximale qui pourra vous rendre l’utilisation de son contenu pas toujours évidente… mais qui est à l’évidence un choix assumé des auteurs qu’il vous faudra accepter si vous voulez utiliser au mieux cette gamme.