Of dice and men

A l’origine, nous n’avions pas forcément prévu de vous parler de Dice Men, le « beau livre » traduit et diffusé par Arkhane Asylum à propos de l’histoire de l’éditeur Games Workshop. Les jeux de petites ‘gurines, c’est bien gentil mais ce n’est pas le propos du Fix, maison du JdR.

Toutefois, au feuilletage de ce bel ouvrage, nous avons réalisé notre double erreur : il s’agit en fait, à la fois, d’un récit des seules premières années de la boîte (bien avant qu’elle devienne la chaîne de magasins qu’on connaît aujourd’hui) et d’une sorte d’autobiographie d’un de ses deux célèbres fondateurs, Ian Livingstone. Ces deux éléments-clefs changent la donne et, oui, on parle à au moins 50 % de JdR dans ce livre. OK, c’est pour nous alors !

Il s’agit donc d’un bel et gros ouvrage sous couverture rigide, papier glacé de qualité et tout : on est bien dans la catégorie « beau livre » et, en cela, l’iconographie, très riche, se réserve le choix du roi dans l’épaisse pagination (près de 300 pages). Par exemple, si on vous parle du destin du tout premier fanzine de GW, Owl & Weasel, on ne le fait pas à moitié : on a donc en photo TOUTES les couvertures de ce zine, soit 25 couvrantes sur du mauvais papier, avec des crobards maladroits et du texte tapé à la machine. Je vous donne ce renseignement précis pour que vous sachiez d’emblée si ce livre est pour vous ou non : soit vous vous rendez compte que vous n’en avez rien à faire, soit vous êtes enthousiaste devant un tel niveau de détails. Au choix.

De fait, du détail, on en a dans ce qui est une descente dans le temps des pionniers du JdR en Europe (enfin, bon, au Royaume-Uni, en tout cas). Toute la précarité d’une telle époque de pionniers, sans moyens financiers, sans reconnaissance  mais aussi, contrairement à nous, sans guère de moyens techniques a de quoi fasciner. On parle là d’une époque où il est difficile de ne serait-ce que dégoter un exemplaire des règles du jeu que l’on souhaite, où l’organisation d’une convention est, sans moyens de communications modernes, une gageure et où la fabrication d’un périodique demande plus d’investissement qu’un compte WordPress. La valeur historique de ce témoignage de première main (étayé régulièrement par des encadrés qui donnent la parole à d’autres acteurs cités par l’auteur) est grande.

Son potentiel nostalgique aussi pour peu que vous ayez, vous aussi (bon, en France, peut-être quelques années plus tard quand même…), connu cette époque. On se rend d’ailleurs compte que l’on n’a pas encore l’équivalent pour la France et il va bientôt être temps qu’on nous raconte par le menu l’histoire de Casus Belli par Didier Guiserix ou celle de Jeux Descartes. A ce titre, on peut se réjouir de posséder, en VF, un tel témoignage pour le marché britannique.

Dice Men n’est tout de même pas sans défaut et le principal s’explique par sa double nature un peu étrange : plusieurs fois, ion ne sait plus très bien si on nous raconte l’histoire de Games Workshop ou celle de Ian Livingstone. Certes, le plus souvent, les deux étant largement confondues, cela ne pose pas de problème : l’enthousiasme communicatif pour un métier-passion, la précarité économique du métier en question, la nécessité de faire de bons choix aux bons moments… OK, tout ça, c’est à la fois la vie de Ian à l’époque et celle de GW. Parfois, cependant, on peine à trouver de l’intérêt aux différents déménagements de Ian ou au récit circonstancié de ses vacances aux USA (certes pour aller à la GenCon au final mais bon…). Il y a donc des temps faibles où on se surprend à se demander : « mais, euh, pourquoi je lis ça, moi, au fait ?! ».

De façon plus compréhensible, le récit autobiographique s’arrête au moment où les fondateurs se retirent de l’entreprise à la fin des années 1980. On aurait pourtant bien aimé en apprendre plus sur les choix stratégiques opérés par GW à cette époque-là.

Pour le pur rôliste, on sait donc par ailleurs – mais cela va mieux ne le disant – qu’une grande partie, malgré tout, du contenu du livre risque d’échapper à son intérêt : Ian est aussi le fondateur des figurines Citadel, l’inventeur des Livres Dont Vous Êtes Le Héros, l’éditeur du jeu de société Talisman ou encore un entrepreneur dans le domaine des jeux vidéo. Si vous êtes vieux, tout cela vous rappellera le contexte étroitement lié à votre propre découverte du JdR mais celui qui cherche exclusivement des témoignages sur l’histoire spécifique de notre loisir sera forcément un peu perdu.

Ce déséquilibre est particulièrement flagrant en ce qui concerne l’iconographie. Ce n’est pas nouveau : notre loisir préféré est peu photogénique. La couverture noir et blanc d’un module D&D de la grande époque fait pâle figure en matière de potentiel photographique face à un prototype de Talisman ou à l’ouverture d’une grosse boîte de jeu de plateau. On retrouve donc beaucoup plus d’images illustrant les deuxièmes que les premiers et, ce, parfois, en décalage du texte ce qui peut paraître un peu gênant.

Il est difficile de comparer Dice Men à quoi que ce soit d’autre dans votre bibliothèque. En tant que récit autobiographique, e n’est pas un livre objectif sur l’histoire du jeu. Ce n’est pas non plus une de ces « enquêtes » un peu glauques où on tente de faire parler les morts (autour de Gygax notamment). C’est un récit parfois plus anecdotique mais aussi beaucoup plus sympathique qui transpire la passion pour notre loisir et, sans doute, un peu la nostalgie pour les années 1980.

Autant le dire : c’est un livre qui, malgré ses quelques défauts, fait du bien. Tout simplement.

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