Y a plus de papier ! #4 : Agate

Des fois, vous oubliez ça : nous sommes des garçons sérieux chez le Fix. Si. Et notre petit cœur de rôliste ne reste pas insensible devant le drame qui se joue sous nos yeux d’observateurs privilégiés : la crise mondiale des matières premières. A côté de celles qui nous affectent au quotidien (céréales, pétrole, gaz…) – dont nous n’oublions pas l’importance, en particulier pour les plus modestes d’entre nous – on compte aussi de graves pénuries de papier et de carton (d’après les spécialistes, le coût de la pâte à papier a augmenté d’environ 60 % entre l’été 2020 et l’été 2021). Oui, l’essence même de nos précieux livres de JdR, de nos boîtes de découverte, de nos decks de cartes et de nos fidèles écrans du MJ…

Pour tenter de trouver des réponses aux questions qui se bousculent dans notre tête dans ce contexte économique troublé, nous avons logiquement solliciter les acteurs de première ligne : les éditeurs. Quelques-uns ont accepté de répondre à notre sollicitation. le Studio Agate est l’un d’eux et c’est donc le quatrième acteur dont nous vous proposons les explications.

1. Estimez-vous chez Agate que la crise mondiale du papier et du carton impacte en effet votre planning prévisionnel d’une façon ou d’une autre ? 

Oui clairement. Les soucis d’approvisionnement en papier ne sont qu’une petite facette d’une crise plus vaste qui touche tout le transport et la fabrication en général.

Pour 7e Mer – Sociétés Secrètes, tous les souscripteurs avaient la version définitive des PDF en décembre 2020 – et notre fabriquant avait les fichiers pour la fabrication en même temps. La production s’est achevée en septembre 2021. De la même manière, notre imprimeur a dû changer sa source d’approvisionnement pour les couvertures collector du Guide de la Nuit, de Semi-Damnés pour Vampire : Le Requiem et du livre de base Démon : La Damnation.

Aujourd’hui, toute la production prévue sur 2021 est heureusement terminée et nous sommes en pleine vague de livraison. Par chance nous n’avons pas rencontré de problèmes sur les cartons d’emballages, mais ça pourrait également devenir une réalité.

À l’aune de cette expérience, nos prochains projets dont la fabrication est prévue sur 2022 subissent cette incertitude sur les approvisionnements de papier : notre imprimeur refuse de réserver des dates fermes pour des créneaux d’impression, tant l’approvisionnement en papier est aléatoire en ce moment.

2. Bon, rassurez-nous : vous n’avez jamais eu l’idée d’utiliser cette crise comme prétexte pour dissimuler d’autres retards de production, petits canaillous, hmmmm ?

Non, lorsque nos projets ont du retard ou rencontrent des difficultés, nous en parlons directement à notre communauté.

3. Allez, ne nous épargnez plus, on a besoin de savoir : est-ce que nous allons devoir payer plus cher nos produits de JdR à l’avenir ?

Nous observons, comme beaucoup d’autres acteurs du secteur du jeu en particulier et de l’édition papier en général une hausse sur les devis, liée à la hausse des matières premières. Quant au transport maritime depuis la Chine, il a juste atteint des sommets dingues. Un porteur de jeu de plateau (Kids Table Board Gaming pour ne pas le nommer) a fait circuler cette infographie pour montrer la hausse des coûts – concrètement, un container Chine – Europe coûtait trois à quatre mille dollars avant cette hausse.

Alors est-ce que cette hausse des matières premières et des transports va peser sur le prix final des jeux et leur contenu ? Si les coûts de matières premières se maintiennent aux niveaux actuels, il y a fort à parier que oui. Nous sommes en phase de réflexion pour relocaliser toute notre production en France et en Europe, et en Amérique du Nord pour la traduction de nos créations comme Fateforge. Ceci dit, les coûts ne sont pas les mêmes du tout. La question est : les rôlistes sont-ils prêts à payer plus ?

4. Les foulancements complexes qui génèrent des produits très divers comme des livres bien sûr mais aussi des cartes à jouer, écran du MJ, posters, etc. qui utilisent donc toutes sortes de papiers et de cartons différents ne sont-ils pas une des clefs du problème ?

Tout ce qui est papier (écran, posters, cartographies) est déjà produit en Europe pour nos gammes. Pas de souci de ce côté-là – en dehors de l’approvisionnement évoqué dans la question précédente. La diversité des papiers ne complique pas vraiment la donne outre mesure.

Par contre, il y a tout le reste : les figurines, les dés, les decks de cartes, les boîtes, tout cela était jusqu’ici fabriqué en Chine. En Europe, c’est possible aussi mais beaucoup, beaucoup plus cher. Se pose donc déjà la question du coût : les rôlistes sont friands de ces accessoires, même si nous avons de plus en plus de retours comme quoi le public privilégie le jouable plutôt que le goodies. Alors un dé, c’est « jouable » ou « goodies » ? Un deck de cartes d’états ou de sorts, « accessoire » ou « essentiel » ? Il faut à la fois trouver la réponse à ces questions, et le bon équilibre entre attractivité et coût.

5. Et le principe même du foulancement ? Est-il encore viable dans un contexte de flou sur les prix des matières premières puisqu’il consiste à fixer le prix d’un produit des mois avant de l’imprimer sur papier ou de l’emballer dans du carton ?

Malgré tout cela, il reste plus que viable : essentiel. Plus que jamais les souscriptions, qu’elles prennent la forme de financement participatif ou de précommandes, sont des outils au centre de notre action. Comme studio de création, les souscriptions nous permettent de vivre de notre travail.

Notre objectif pour 2022 est de proposer un maximum de projets pour lesquels les souscripteurs bénéficieront immédiatement des contenus de base en PDF à l’issue de la campagne de financement. Or cela n’est possible que parce que le succès d’un projet permet de financer le travail préparatoire sur le suivant. Pour référence, le Kickstarter pour Encyclopédie a levé 700K dollars, qui ont été pour partie investis dans la traduction de l’ouvrage, dans sa production et celles de ses bonus (impression du livre, des accessoires, etc.), et pour partie dans de nouveaux projets (la suite de la gamme Dragons, comme Créatures : Inframonde, notamment). De même, le succès du Prix de l’arrogance permet de lancer le travail sur Cathay, le spin-off de 7e Mer. L’apport financier des souscriptions permet d’avoir une dizaine de personnes à temps plein et des dizaines de freelance réguliers. Faire ainsi exister un studio de création comme le nôtre en France sans cet outil du financement participatif serait impossible.

6. Est-ce que, quelques mois après les confinements, tout ceci vous incite également à développer votre offre dématérialisée ?

Nous avons toujours proposé tous nos jeux en PDF, a minima durant les souscriptions. Nous travaillons actuellement à finaliser une boutique en ligne qui proposera notamment un accès plus régulier à ces ouvrages en PDF. Il n’y a donc pas de grand changement de ce côté.

En revanche, nous avons noté que de plus en plus de monde nous demande des assets pour les Virtual Table Tops. C’est un chantier complexe sur lequel nous réfléchissons.

7. Bon, en tant que rédacteur du fameux planning des sorties du Fix, j’ai besoin d’un coup de main : concrètement, qu’est-ce que vous êtes sûrs de pouvoir livrer sur papier dans les prochaines semaines ? 

Nous sommes actuellement au tout début de la plus grande expédition de notre histoire : plus de 13000 colis sont envoyés à travers le monde aux souscripteurs des financements Dragons, Fateforge Encyclopédie, Fateforge Créatures, Esteren – Dark Romanticism, 7e Mer – Sociétés Secrètes et Démon : La Damnation. Ce sont plus de 300 références qui partent en ce moment même de nos entrepôts.

Nous venons de changer de distributeur (https://agate-rpg.blogspot.com/2021/11/le-studio-agate-adopte-neoludis-comme.html ) et nous communiquerons prochainement sur notre planning de sorties.