Les abominables secrets du caveau magique [chroniques Pathfinder 2]

Il y a des jeux de rôle qu’on ne présente plus, des jeux qui ont une telle histoire et une telle gamme que prendre du temps pour en reparler peut sembler parfois un peu inutile. C’est sans aucun doute le cas pour Pathfinder, célèbre successeur en son temps de D&D3.

Nous allons cependant prendre le temps aujourd’hui de nous intéresser un peu à l’évolution de la gamme française de la toute dernière mouture de ce jeu célèbre, Pathfinder Seconde Édition, à travers deux ouvrages qui ont débarqué en VF durant le dernier automne : la campagne Le Caveau des Abominations et le supplément de règles Les Secrets de la magie.

A travers ces deux ouvrages je vais pouvoir mettre un petit coup de projecteur sur une facette que l’on met peut être trop souvent de côté concernant ce jeu très détaillé et aux multiples options techniques : la façon dont il nous parle de son univers.

En effet, Pathfinder Seconde Édition n’est pas fondamentalement un pur jeu de rôle boîte à outils conçu pour construire ses propres adaptations. C’est un jeu qui a toujours amené dans ses valises son propre univers, unique et spécifique, et à la lumière des deux livres qui nous intéressent aujourd’hui (un supplément de règles et une campagne) nous allons voir à quel point ce cadre de jeu arrive à exister au cœur de la richesse mécanique de la gamme.

Note préalable sur la mise en forme des ouvrages

Les deux livres que nous allons explorer aujourd’hui sont totalement fidèles à la mise en forme du reste de cette gamme Pathfinder 2. Solide couverture épaisse et papier glacé de bonne qualité pour la base, et une présentation sur deux larges colonnes agrémentée de marges décoratives mais aussi fonctionnelles pour le détail. Le tout est servi par des illustrations aux styles divers mais d’une qualité soutenue, ce qui donne à l’ensemble un cachet qualitatif fort plaisant à la lecture.

Les Secrets de la magie : un répertoire technique qui tente l’intégration à son univers

Les Secrets de la magie est un manuel de 256 pages qui annonce clairement la couleur sur sa quatrième de couverture : de nouvelles classes, de nouveaux objets magiques et plus de 200 nouveaux sorts ! L’archétype du supplément purement technique venant nourrir la riche boîte à outils d’options et de customisations pour les meneurs et les joueurs de Pathfinder Seconde Édition.

Sur une très grande partie du livre, il faut bien l’admettre, cette description basique très classique s’applique totalement. Le chapitre 2 de 45 pages détaille 2 nouvelles classes de personnages et leurs options, le chapitre 3 de 75 pages détaille les nombreux nouveaux sorts promis et le chapitre 4 de 37 pages fait de même pour les objets magiques.

Et pourtant, ce que je trouve intéressant dans cet ouvrage c’est qu’un effort très notable est fait pour ancrer son contenu dans l’univers de Golarion. Cette volonté est mise en lumière particulièrement par le chapitre 1 qui introduit ce manuel. Nommée Principes fondamentaux de la magie, cette section de 25 pages est presque exclusivement composée d’éléments de contexte. Cette partie, présentée comme le recoupement de divers écrits d’érudits de l’univers de jeu, nous explique les lois majeures qui structurent la magie dans Golarion. Nous retrouvons bien sûr ici des choses évoquées dans le Livre de base, mais ici les notions sont bien plus détaillées et inscrites au cœur du cadre de jeu.

De la même manière le chapitre 5, nommé Le Livre de la magie illimitée, va au-delà de sa nature attendue de source d’options techniques nouvelles à travers la présentation de nouvelles formes de magie. En effet, des paragraphes entiers ou des références dans les textes vont venir, ça et là, mettre du lien entre ces magies et des lieux ou cultures de Golarion. C’est ainsi que nous allons découvrir la Magie runiques Thassilonienne ou la magie des ombres de Chéliax par exemple.

Personnellement, je regrette que ces références à l’univers de jeu ne soient pas plus nombreuses et même systématiques. J’aurais aimé par exemple que les exemples d’archétypes du livre soient reliés nettement à des lieux ou régions, le “Poing d’arcanes” aurait été plus intéressant je pense si il avait été le “Poing d’arcanes de la cité xxxx”. Le côté trop timide de cette localisation maintient globalement l’ouvrage dans un registre d’aide technique un peu générique, laissant bien sûr toute latitude aux meneurs de placer toutes ces nouveautés dans leur monde de jeu mais manquant l’occasion d’ancrer tout ça plus distinctement dans Golarion.

Ce petit regret mis de côté, précisons tout de même que ce supplément tient toutes ses promesses en termes de nouveauté à mettre dans leurs parties pour les meneurs. Au-delà des inventaires d’objets et sorts supplémentaires, ce sont de véritables nouvelles formes de magie qui vont venir offrir une diversité d’angles de jeu … que ce soit pour mettre devant les joueurs des oppositions surprenantes ou pour développer encore la diversité des choix de création de personnages.

Pour donner quelques exemples parmi les plus intéressants, je citerais volontiers la magie runique ou la notion de lignes telluriques. En termes de rôles novateurs à mettre en scène, les nouvelles classes de Magus et d’Invocateur sont plutôt intéressantes, mais j’avoue un intérêt plus fort pour les Armements mentallurgiques et la Magie cathartique qui changent très fortement la manière d’utiliser les puissances mystiques (et donc la façon de les jouer durant une partie).

Plus encore que des ressources supplémentaires, l’offre proposée par Les Secrets de la magie est donc plus une promesse de plus grande diversité. Et comme nous sommes à Pathfinder Seconde Édition cette diversité n’est pas que cosmétique, elle s’accompagne de règles et de capacités bien particulières qui appuieront la spécificité de chaque nouvelle notion proposée.

Le Caveau des Abominations: l’archétype d’un mega-donjon auto-suffisant ?

Le Caveau des Abominations est une grande campagne d’exploration de donjon qui va amener les personnages des joueurs du niveau 1 au niveau 10. Le récit se présente sous la forme d’un ouvrage de 288 pages agrémenté d’un ruban marque page.

Je ne vais pas divulgâcher les évènements de cette aventure, mais nous sommes ici clairement devant un schéma très classique d’exploration de donjon géant. Plus les personnages vont gagner en expérience, plus ils vont d’enfoncer dans les profondeurs en affrontant des adversaires de plus en plus puissants.

La campagne en elle même est composée de 3 aventures nommées Les Ruines de Morneleur, Les Mains du diable et Les Yeux de la Mort Vaine et au delà de la progression physique vers les profondeurs, il faut noter aussi que l’évolution d’une aventure vers la suivante va aussi dépendre de la façon dont les joueurs vont découvrir ce qui se trame dans ces réseaux souterrains. L’exploration du donjon va se révéler être aussi la découverte d’un vaste plan maléfique que vos joueurs vont devoir stopper en remontant (ou plutôt redescendant) vers la source.

En termes de pur contenu, cette campagne va remplir globalement toutes ses promesses: affrontements avec des créatures très variées, divers pièges à éviter et autres lieux étranges à découvrir. La structure de l’ouvrage accompagne d’ailleurs assez bien le lecteur dans l’usage de ce livre, chaque début de chapitre propose des résumés des faits et des trésors à venir et les marges sont intelligemment utilisées pour donner des repères réguliers aux meneurs. Pour conclure sur les supports de jeu, notons que tous les plans du donjon sont assez beaux et fonctionnels … même si leur localisation dans le livre est parfois un peu étrange.

Il faut aussi préciser que Le Caveau des Abominations fait l’effort de ne pas être un donjon figé à explorer dans un ordre bien défini. Il y a une véritable vie dans ces souterrains, et plusieurs de ces zones sont très proches d’un bac à sable donnant une grande liberté de mouvement aux personnages. Les héros vont devoir faire plus de tailler leur route à coups d’épée, ils vont devoir comprendre qui vit dans ce dédale et apprendre à connaître certains des habitants des lieux.

Mais pour revenir sur l’angle d’analyse que j’ai choisi pour cet article, je pense intéressant de regarder de plus près la table des matières de cet ouvrage … qui va nous révéler quelques surprises. En effet, sur les 288 pages de ce manuel nous avons bien sûr les 3 aventures qui couvrent 200 pages (en comptant les 18 pages de présentation des 8 personnages non joueurs principaux du récit) et à cette partie principale vient s’ajouter le bestiaire de créatures nouvelles de 20 pages … qui lui aussi est un apport attendu dans une campagne de ce type. Enfin, un chapitre Boîte à outils très appréciable de 22 pages vient apporter des résumés de la campagne (et sa chronologie) ainsi que tous les éléments techniques complémentaires utiles pour cette aventure (objets magiques, sorts, archétypes etc …).

Mais du coup ce n’est pas tout, car vous aurez peut être remarqué qu’il manque 36 pages dans ce détail de contenu. Cette partie, nommée Background, va venir approfondir le cadre de jeu de cette campagne. La région autour du donjon et surtout la cité d’Otira sont ainsi détaillées avec assez de soin pour y construire de vrais moments de jeu. En plus de cela, plusieurs éléments majeurs de cette histoire sont évoqués plus en détail avec la volonté évidente de permettre leur usage dans le monde de Golarion en général. La sombre divinité qui plane sur cette histoire, les créatures particulières donnant sa couleur à la campagne et certaines pratiques mystiques vont ainsi toutes se voir doter d’éléments de contexte plus larges.

Globalement, Le Caveau des Abominations est une campagne dont la structure de base de mega-donjon est très classique. Cependant il est appréciable de constater que cette aventure est moins figée et dirigiste qu’attendue. Ce donjon dispose d’une vraie écologie interne, et les héros devront aussi apprendre à en connaître les habitants pour percer les mystères de l’intrigue qui s’y déroule. Cette progression est plutôt bien accompagnée par la structure de l’ouvrage, car elle apporte beaucoup d’aide aux meneurs pour se repérer dans le récit, et je pense même que ces derniers pourront trouver dans ces textes des clés pour poser une ambiance assez notable dans tous ces lieux souterrains.

Mais Le Caveau des Abominations fait aussi l’effort louable d’aller un peu plus loin. Dans ces pages le lecteur trouvera du contexte pour placer cet ensemble dans Golarion, mais aussi pas mal d’informations pour intégrer les choses spécifiques contenues dans ces aventures dans l’ensemble du monde de jeu. Personnellement j’aurais aimé que cet effort soit poussé encore plus loin, mais il est difficile de faire la fine bouche devant ce bonus qui sort déjà des clichés de ce type de scénario.

Mais ne boudons pas notre plaisir, car rappelons que le Caveau des Abominations se déroule dans la même région que la boite de découverte Pathfinder 2. Par conséquent, l’ouvrage est la suite logique si la découverte vous a plu et que vous souhaitez la prolonger.

Une perche tendue vers Golarion qu’on aimerait plus nette

En terme de proposition de contenu, Les Secrets de la magie et Le Caveau des Abominations ne vont certainement pas décevoir les utilisateurs de cette gamme Pathfinder 2ème édition. Les ouvrages sont très qualitatifs en termes de mise en forme et ils sont extrêmement riches dans leur contenu. De façon appréciable il faut aussi noter que le lecteur est très bien guidé dans sa lecture, cette gamme s’appuie sur un usage des marges et d’encadrés visuellement bien spécifiques qui donnent une belle clarté à l’organisation des livres.

Concernant la question que je posais comme base de cet article, on ne peut pas dire que ces suppléments soient purement transposables dans tout univers. Oui il y a de multiples efforts pour raccrocher tout ce qui est proposé à Golarion, tout cela possède donc une certaine couleur qui écarte la proposition d’ensemble d’une identité de pure boîte à outils générique. Cependant, je regrette personnellement que l’univers de Golarion ne soit pas plus fortement intégré et ancré dans ces ouvrages. Toutes ces créatures et croyances spécifiques découvertes dans Le Caveau des Abominations, toutes ces façons nouvelles de voir et pratiquer la magie présentées dans Les Secrets de la magie … autant de choses dont il aurait été passionnant de voir l’impact global sur les nations et les peuples de cet univers de jeu au sens large.

Bien sûr il ne s’agit là que d’un simple regret de votre serviteur, car bien évidemment chaque meneur possède toute latitude de faire cette implantation de ces éléments dans sa propre vision de l’univers de jeu… et c’est visiblement un choix éditorial volontaire de Paizo de ne pas plus marqué par le contexte des suppléments qui ne traitent pas de base du background.

Après tout, Pathfinder 2ème édition reste un jeu invitant les meneurs à être les architectes pro-actifs de leur pratique, difficile de lui reprocher de garder cette approche sur toutes les facettes de son jeu de rôle…

2 pensées sur “Les abominables secrets du caveau magique [chroniques Pathfinder 2]

  • 14 juin 2024 à 10:22
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    Merci pour l’article !

    En fait, même d’un point de vue « historique de la création de Pathfinder », ça a toujours été clair que les gars de chez Paizo sont d’abord des conteurs d’histoire, avant d’être des créateurs d’un système de jeu. C’est même là que bon nombre d’entre eux ont fait leurs armes, principalement dans les pages des magazines Dungeons et Dragons dont ils avaient la charge à la fin de la 3e édition de D&D.

    Puis, quand WotC a mis fin à leur contrat, Paizo a fait le choix de publier Pathfinder… qui n’était pas du tout un système de règles au début, mais une gamme d’aventures et de campagnes (la première étant l’assez célèbre Rise of the Runelords – l’éveil des Seigneurs des runes). Ils ont alors sorti quatre ou cinq campagnes qui tournaient d’ailleurs sur le système 3.5 de D&D.

    C’est à ce moment-là qu’est survenue l’annonce de la 4e édition et le changement de licence (GSL au lieu d’OGL). Comme ni l’une (la 4e édition) ni l’autre (la licence) ne convenait à ce qu’ils voulaient faire, ils ont décidé de construire un système de jeu, également appelé Pathfinder, pour pouvoir poursuivre leurs publications et continuer à raconter leurs aventures tout en poursuivant le développement du monde de Golarion.

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    • 15 juin 2024 à 22:08
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      Merci de ton retour ! Et de ce rappel de contexte sur Parhfinder 😉

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