[Wastburg] Interrogatoire d’un gardoche

Mais que font les gardoches ? A peine lancée, la souscription de la deuxième édition de Wastburg a déjà braqué la banque. Même pas une semaine d’écoulée que l’objectif est déjà à plus de 360%. Un braquage on vous dit. Pour en savoir plus, nous avons été interrogé l’un des hommes derrières tout ça : Cédric Ferrand. L’auteur du roman Wastburg et du jeu de rôle éponyme.

Le fix : Gardoche Cédric, au rapport ! Depuis la parution de Wastburg, le jeu de rôle, voilà qu’un flot de caves se sont pris pour des rôlistes. Fais donc le briefing en quelques mots sur le jeu et son univers, pour ces bleu-bite qui n’étaient encore que des morveux en 2013

Cédric Ferrand : Chef, oui chef. Alors à la base, Wastburg, c’est un roman qui se déroule dans une cité médiévale où la magie a fait pshiiit. Elle est située sur l’isthme d’un fleuve qui sépare deux pays qui se tournent le dos depuis toujours. Le roman offre un récit choral où l’on suit le quotidiens de différents gardes de la cité. On comprend en croisant les récits qu’il se trame quelque chose en haut-lieu autour de la personne du burgmaester, le dirigeant de Wastburg qui est en place depuis si longtemps qu’on ne sait plus trop bien comment il a accédé au poste. Le récit est rigolard, rempli d’argomuche et met l’accent sur l’idée que Wastburg est peuplée ni de héros ni de salauds mais de gens qui font ce qu’ils peuvent avec les cartes merdiques qui leur ont été distribuées.

Le JdR qui en a été tiré prolonge le roman en décrivant des aspects ce qu’il n’aborde pas. La gamme propose des scénarios, du matos pour mieux décrire les différents quartiers, il y a même une campagne de Tristan Lhomme. Mais comme le bouquin de base (qui était en fait constitué de 3 livrets) était épuisé, on s’est permis de mettre à jour les règles, de réécrire la présentation de la cité, de proposer de nouveaux scénarios mais surtout de proposer de ne plus seulement incarner des gardoches mais également des truands. Donc on propose une nouvelle version totalement compatible avec tout ce qui est sorti auparavant. On ne reboote pas, on ne crée pas un pseudo cataclysme pour rebrasser les cartes et dire “C’est plus tout à fait le même jeu, va falloir recracher au bassinet”.

Le fix : Franchement, tu enverrais des rôlistes débutants traîner leurs grolles dans Wastburg ?

Cédric Ferrand : Ben écoute, oui, car il a plein de qualités pour des débutants. Déjà la mécanique de jeu est vraiment pas compliqué : on jette entre 1 et 3 dés 6 et on garde le plus haut ou le plus bas dé en fonction des circonstances. Ensuite les dés servent à répondre à des questions fermées en donnant des réponses sous la forme de résultats “Non, et…” et “Oui, mais…” qui permettent de créer des complications ou des opportunités à la volée. C’est vraiment pas compliqué à piger, ça prend 5 minutes à capter.

Pour aider les néophytes, on a même revu la création de perso qui se fait en sélectionnant deux historiques dans une liste. Le tout vient avec des choix de traits pré-définis (de courtes phrases comme “C’est moi le plus queutard du quartier” ou bien “J’me laisse jamais embrouiller par les chiffres”) pour épauler le joueur.

Ensuite, dans sa version d’origine, c’est un jeu à mission car on incarne un garde à qui on confie un boulot bien précis. C’est pratique car tous les joueurs ont une bonne raison de former un groupe (ils patrouillent ensemble) et le but du scénario est bien souvent de réussir les objectifs fixés par leur hiérarchie. C’est donc assez cadré au début, mais avec des joueurs plus à l’aise, on peut facilement raconter des trucs plus libres.

Et puis bon, pas besoin de se faire un nœud au cerveau pour comprendre Wastburg : c’est une cité avec l’esthétique de la Renaissance peuplée par des caricatures de Néerlandais d’un côté et des parodies d’Italiens de l’autre. C’est de l’imaginaire d’entrée de gamme.

Le fix : On t’a posé la question cent fois déjà. C’est parti pour la cent-unième : le roman Wastburg, c’est l’instruction obligée avant de plonger dans le JdR Wastburg ?

Cédric Ferrand : Comme je dis toujours, mon banquier est catégorique : il faut en acheter un exemplaire par membre de la table de jeu. Minimum. Mais en vrai, il n’y a qu’au MJ que je conseille fortement de lire le roman. Le JdR qu’on a écrit a plein de qualités, mais le ton est donné par le roman, qui instaure un timbre bien particulier qu’il faut digérer en lisant le bouquin. En plus, c’est pas comme si c’était une saga sans fin, c’est un petit livre qui s’avale en deux temps trois mouvements. On peut ensuite le filer aux joueurs pour qu’ils se mettent au diapason.

Après, moi à l’époque j’ai maîtrisé la boîte rouge de JRTM sans trop avoir lu le Seigneur des Anneaux ou Bilbo, hein. On a pu jouer quand même, mais avec le recul j’étais vraiment à côté de la plaque.

Le fix : Pour sa deuxième vie, le jeu propose de jouer dans les deux camps : gardoches et truands. Les scénarios, ça sera du genre « Réservé à un des camps », ou alors certains pourront être mitonnés soit « à la gardoche », soit façon « truanderie » ?

Cédric Ferrand : On reprend une recette qui a fait ses preuves : celle d’INS/MV. Donc certains scénarios seront dédiés à un camp, mais d’autres seront bigoût car jouables par les deux factions. Et tout ça, c’est la faute à 2D Sans Faces : ils n’avaient qu’à assurer le suivi de la gamme Nightprowler, depuis le temps. Nous, on a vu un marché délaissé, on a foncé sur l’opportunité pour se faire un maximum de pognon.

Le fix : J’espère que tu n’as pas oublié de concocter une campagne pour jouer du côté des caïds. Sinon, commence à étiqueter tes abattis.

Cédric Ferrand : Pour être franc, pour le moment on est pas mal accaparé par tout le contenu qui est débloqué lors de la campagne de financement. Mais une fois qu’elle va être bouclée et qu’on va livrer la marchandise, on va avoir le retour des souscripteurs qui vont nous communiquer leurs besoins. Je suis curieux de voir si les tables de Wastburg vont être hétérogènes ou bien si la recette par défaut (incarner des gardoches) va rester la norme.

Le fix : Dans le nouveau menu, y a Wastburg en détail, quartier par quartier. Balance-nous en loucedé la liste des ingrédients que tu as ajoutés à la tortore de la première édition.

Cédric Ferrand : Alors, c’est le truc avec Wastburg : ce n’est pas moi qui ait décrit la cité, mais les autres membres de l’équipe. Ils ne m’ont pas demandé comment je voyais le port ou s’ils pouvaient avoir accès à mes notes de création pour extrapoler ma vision, ils y sont allés avec leur vision de l’île. Au lieu de se contenter de lister les éléments suggérés dans le roman, ils ont rajouté des détails bien à eux. Pour la forme, ça prend plus la forme d’un guide du routard, avec les lieux iconiques, les adresses à ne pas louper, les personnalités typiques du coin… Tout a été rédigé avec la volonté de donner des billes au MJ pour animer Wastburg et la rendre la plus vivante possible.

Wastburg 1ière édition

Le fix : Depuis la sortie du livre de base Wastburg 1ère édition, des gratte-papiers talentueux, venus de-ci de-là, ont rejoint la bande des plumes du jeu. T’en penses quoi, de leur manière de mettre la main sur Wastburg ?

Cédric Ferrand : Chacune et chacun ont apporté un cachet particulier à la gamme en venant greffer leurs obsessions personnelles au projet. Ainsi Loris est un cataphile, c’est donc assez naturellement qu’il a imaginé un 8e quartier rampant sous terre dans “Sous les pavés, la fange”. Gauthier s’intéresse beaucoup aux tatouages, et ça transpire dans “Fleur de Purge”. Côme aime expérimenter des formats différentes, et “Droits dans leurs bottes” s’en ressent. Même s’il ne contient aucune référence au Mythe, “L’opéra de quat’gelders” est du Tristan tout craché.

Et c’est vraiment apprécié car si j’étais le seul architecte de cette adaptation en JdR, ça tournerait toujours autour des mêmes ingrédients. En s’emparant de la matière de Wastburg pour la faire leur, ils démontrent par A+B que ce jeu, c’est avant tout un état d’esprit. Et c’est également le message qu’on souhaite adresser aux MJ du jeu : tout ça n’est qu’une grosse boîte à outils. Tant que vous ne mettez pas d’elfes noirs ou de cube gélatineux dans votre Wastburg, votre version de Wastburg est aussi légitime qu’une autre. C’est un décor très malléable qui peut servir à faire de la satire sociale ou autre. Pour certains ça ressemble plus aux Deschiens qui font du JdR, pour d’autres c’est du polar avec des épées. Pour une fois, on ne vous reprochera pas d’essayer d’imiter les dialogues d’Alexandre Astier.

Le fix : Et leur boulot de ratissage, ça t’a refilé des idées pour remettre le couvert pour un deuxième roman ?

Cédric Ferrand : Non parce que le roman forme une histoire autonome qui n’appelle pas de suite. Ça n’aurait pas de sens de rempiler, ça serait comme dire (toutes proportions gardées) qu’il faut une suite aux Tontons flingueurs.

Et puis si je devais écrire un nouveau roman dans Wastburg demain, il faudrait soit que je fasse abstraction de l’univers étendu du JdR (car il est hors de question que je partage mes droits d’auteur avec le reste de l’équipe) soit que je reconnaisse que leurs idées sont aussi bonnes que les miennes. Et ça, ça n’arrivera pas.

Ceci étant, j’ai un peu triché car j’ai rédigé une nouvelle inédite spécialement pour le JdR et j’ai également écrit une vingtaine d’histoires d’une page appelées Feuilles de chou pour renouer avec Wastburg sans en avoir l’air. Mais ça s’arrêtera là.

Le fix : Dans la trame et l’univers de cette nouvelle édition du jeu, tu as blanchi une partie du butin que forment les suppléments déjà parus ?

Cédric Ferrand : En fait, ce n’est pas une nouvelle édition qui casse l’ancienne, donc tout ce qui a été publié dans les dernières années reste jouable. Ça se passe toujours après la fin du roman, Wastburg est toujours la même, à deux doigts de la dégringolade.

Le fix : Tu te grimes en unijambiste, tu tends ta sébile sur la place du marché, et en moins d’une semaine, te voilà assis sur un tas de gelders trois fois plus haut que tu n’osais en réclamer. Tu pensais vraiment que ça se bousculerait autant à la porte des casernes des gardoches ou dans les ruelles de la cour des Miracles ?

Cédric Ferrand : Les 12 Singes ont toujours été très heureux des ventes de Wastburg, donc je savais que le jeu avait la cote dans certains milieux. Ça n’a jamais été un jeu de référence, je crois qu’il pâtit d’une réputation de petit jeu apéro, mais il s’est bien vendu. Alors je m’attendais à ce que ça se passe pas trop mal pour nous… Sauf qu’entre temps, le monde est entré dans cette drôle de stase temporelle à cause du virus. J’ai vu de gros projets bien plus solides que nous être mis de côté, alors j’avais un peu l’impression que notre campagne de financement allait ressembler aux musiciens de l’orchestre du Titanic. Mais contre toute attente, les souscripteurs ont été nombreux dès le premier jour. Je suis le premier surpris, et je ne dis pas ça par fausse modestie. C’est quand même assez gratifiant de voir ces gens financer un jeu qui sortira dans plusieurs mois alors qu’on ne sait pas à quoi va ressembler nos lendemains.

Le fix : Pendant que tu nous fais poireauter en attendant la sortie du deuxième roman de Wastburg (aboule deux piécettes, pour récompenser mon comique de répétition), tu trimes sur d’autres romans ?

Cédric Ferrand : J’ai un roman en cours de finalisation chez un éditeur québécois (Alire) qui sortira également en France. C’est très inspiré par Unknown Armies, ça devrait parler aux rôlistes. Il devrait sortir au 2e semestre 2020, mais là encore, qui sait ? Toutes les parutions en librairie ont été stoppées, est-ce à dire qu’on va publier encore plus de romans à la rentrée ? C’est déjà habituellement une période de folie où il est bien difficile de sortir de la masse, je n’ose imaginer comment le milieu littéraire va s’organiser.

Sinon j’ai déjà écrit les premières page d’un roman de canaille fantasy pour renouer avec le plaisir que j’ai eu en imaginant Wastburg. Là, j’ai mis le manuscrit de côté l’espace de la campagne de financement de Wastburg, mais à la seconde où je vais retrouver du temps de clavier disponible, je vais replonger dans cette histoire pour voir où elle me mène.

LIENS :

La page de la souscription
– Les règles de la V1 en téléchargement gratuit (+un scénario)