A tout seigneur, tout honneur

Depuis que l’on sait que Noblesse Oblige, le jeu de cape & d’épée sous Apocalypse va avoir droit à une version pro éditée par les XII Singes, on brûlait d’en savoir plus. Alors, quand on a vu que le jeu allait bientôt passer au stade du foulancement, n’y tenant plus, nous sommes partis à la rencontre d’une source d’info fiable. Et, dans ce cadre, quoi de mieux que d’aller directement poser nos questions à Sébastien Célerin, le Singe en charge de la direction éditoriale de ce nouveau projet.

1. Hein ? Quoi ? Qu’ouïs-je ? Un jeu sous Apocalypse chez les XII Singes ? Mais, c’est la fin du monde !

J’espère que non ! Nous publions en effet Noblesse oblige, un jeu de cape et d’épée rocambolesque, c’est-à-dire permettant de s’amuser avec les codes du genre, mais sans avoir le souci de la véracité historique. Autrement dit, on va jouer avec l’histoire, se jouer de l’histoire, mais pas jouer de manière historique. Les auteurs s’inscrivent donc dans la lignée des Trois Mousquetaires et de Joseph Balsamo plus que dans celle des Duellistes, de Pierre Chavagné, encore que ! Ce sera un JdR aux parties hautes en couleur.

2. Bon, admettons. Alors, en quoi est-ce que le système de ce Noblesse oblige est différent d’un jeu comme, disons, Apocalypse World ?

Depuis la publication d’Apocalypse World, il y a eu bien des JdR qui s’inspirent des innovations de dispositifs introduites par ce jeu. Noblesse oblige s’inscrit donc dans ses mouvances de jeu qui ont, pour ainsi dire, renoncé à l’initiative et au tour par tour ou à la segmentation de toute action en microtâches à base de jets de dés pour préférer les fameux moves, c’est-à-dire des actions qui méritent un jet de dés non pas pour décider de l’issue de ce qui se passe dans les 6-10 prochaines secondes, mais bien dans la scène à venir, selon l’intention du joueur.

Les moves sont des règles qui s’appuient sur un énoncé appelé déclencheur. Si celui-ci se produit au cours de la conversation, alors on doit appliquer la règle en question. Il s’agit généralement d’un jet de dés qui connaît trois interprétations (succès total, succès partiel et échec), mais dont les conséquences ne se résument pas à réussir ou échouer, mais à proposer un cadre pour raconter le pourquoi et le comment de l’issue de l’action. En d’autres termes, et je caricature un peu, dans un JdR classique, on annonce son action et on la valide d’un jet de dé. Dans un descendant d’Apocalypse World, on annonce son action et le jet de dé nous donne un cadre pour enrichir la fiction. Et surtout, les conséquences ne sont pas aux mains de l’animateur, mais bien entre lui et les autres participants.

Dans Noblesse oblige, nous jouons avec 1D20, tout en gardant, grâce à une utilisation spécifique, les trois résultats possibles qui font le sel des PbtA. On n’ajoute pas un modificateur au jet de dé, on compare le résultat à l’Attribut de référence du move. Si tu as fait moins, tu as réussi. Si tu as fait moins de la moitié, tu as réussi avec brio. Si tu es au-delà de ton Attribut… Prépare-toi au pire, car tu viens de donner l’opportunité au Maître de Cérémonie (car on ne dit pas « MJ » dans ces jeux) de jouer ses moves à lui.

Noblesse oblige a appelé ses moves les « effets de cape ».

Enfin, et ce n’est pas la moindre des précisions, dans Noblesse oblige, les protagonistes ont des points de Moral. Lorsqu’ils n’en ont plus, ils sont mis hors jeu. Ils peuvent avoir été éliminés, ou ridiculisés, ou détournés de leurs objectifs, etc. Pour y parvenir, les joueurs ont un effet de cape au centre du jeu, au point d’ailleurs qu’il est sur la page principale du livret, juste sous les Attributs, qui peut solliciter tous ceux-ci selon ce qu’ils souhaitent entreprendre : Croiser le fer. Cet effet de cape est à prendre au sens propre comme au figuré, car la plume ou le verbe peuvent s’avérer plus redoutables qu’une épée et le recours à l’un ou l’autre mérite bien qu’on se dise « prendre garde » plutôt qu’« en garde ! »

3. Pour moi, le vrai gros plus des « apocalypseries », c’est le concept madré des playbooks. Ça, c’est bien repris dans Noblesse oblige ? On pourra jouer quoi ?

Tu as raison. Ces jeux ont poussé le concept de classe de personnage, d’archétype à personnaliser, grâce à des feuilles de personnage en livret qui contiennent, outre de quoi noter l’essentiel, la création de personnages et des aides de jeu pour nourrir la fiction lorsque les effets de cape l’exigent ou qu’on a envie d’ajouter un PNJ, un lieu, etc. au décor.

Noblesse oblige propose sept archétypes :

  • Comédien,
  • Domestique,
  • Duelliste,
  • Érudit,
  • Intrigant,
  • Larron,
  • Militaire.

4. Mais est-ce que, pour une fois, on pourra avoir un jeu dérivé de l’Apocalypse avec de vrais playbooks, en papier et tout, à distribuer autour de la table ?

Oui ! Ceux qui nous suivent depuis quelques années le savent, nos publications se caractérisent par des formats divers et des accessoires de jeu de qualité : les cartes et les aides de jeu de Maxime Plasse en sont un très bon exemple.

Pour Noblesse oblige, nous proposons des livrets de huit pages pour chaque archétype. Ils ne sont pas indispensables, mais une fois essayés… Difficile de s’en passer !

5. L’autre grande idée des « apocalypseries », c’est de jouer pour voir ce qu’il va se passer et faire émerger l’histoire au fur et à mesure. Il y a ça aussi dans Noblesse oblige ?

Tout à fait. Les joueurs, une fois les archétypes personnalisés afin de concevoir leur alter ego, tissent les relations entre leurs personnages et quelques PNJ et lieux. Ce sera le cadre de campagne du MC, qui s’enrichira des intrigues que ce dernier proposera, qu’elles soient de sa création ou dans la base. Je trouve que ces JdR procurent des sensations comparables à ceux qui ont recours à des contextes de type « bac à sable ». Celui-ci est simplement co-créé par l’ensemble des participants. « Un pour tous, tous pour un ! », en somme.

6. Mais n’est-ce pas un peu antinomique du roman de cape et d’épée, qui est souvent composé d’intrigues à tiroirs et de retournements de situation ? Ça, c’est plus facile à rendre avec un scénario très « scripté » quand même, pas vrai ?

Tu trouves ? Essaie Noblesse oblige et on en reparle. Dans ce JdR, il y a des intrigues, car il y a des antagonistes qui ont des objectifs, qui peuvent s’inscrire dans une chronologie préétablie ou avoir été rédigés, mais aussi des effets de cape dont les déclencheurs sont propres aux choix des joueurs. Mais le sel d’un récit de cape et d’épée, à fortiori qui assume d’être rocambolesque, c’est surtout la manière dont les héros se sortent des galères que les effets de cape leur offrent. Il n’est pas rare que dans un roman de cape et d’épée, le « méchant » soit connu dès le départ. L’intérêt pour ces récits, ce n’est pas de savoir si un cardinal tire les ficelles ou si ces hommes vêtus de noir sont ses sbires, mais bien comment on va se sortir de cette bagarre dans une auberge contre ces derniers ou qui il faut cerner pour déjouer les plans de l’éminence. Bref, nous jouons pour voir ce qui va se passer, pas pour explorer un cadre de campagne dont le méta-secret nous conduira à ne plus jamais ressentir le plaisir de nos premières parties.

7. Si le cadre, c’est l’Histoire et qu’il n’y a pas de scénarios « scriptés », la gamme devrait être courte, non ? Il y aura quoi dans le foulancement ?

Il y a deux livres. Ce choix vient du fait que si tout le monde peut (et sans doute doit) tout lire dans un tel jeu, il n’en est pas moins vrai qu’en cours de partie, avoir deux ouvrages distincts facilite la consultation des points de règles et des conseils qui nous intéressent. Les héros d’un côté, le MC de l’autre. Nous proposons les moves sous forme de cartes, car nous avons constaté que cela permettait aux joueurs d’ajouter aisément ceux d’autres livrets à leur personnage et au MC d’avoir devant lui leurs moves particuliers pour savoir de quoi ils sont capables, sans être embarrassés par tous ceux qu’ils n’ont pas.

Enfin, on a cédé à la tentation d’avoir un paravent, même si dans ce genre de jeu, ce n’est pas utile. Mais que serait le JdR sans une belle mise en ambiance illustrée (NDLR : voir le work in progress ci-dessous) ?

8. Boarf, de toute façon, moi, je m’en fiche vu que j’ai téléchargé la version gratuite de Noblesse oblige (je m’en souviens : c’était un lundi). On est d’accord que c’est la même chose que la version éditée par les XII Singes ?

Oui, mais non. Nous avons évidemment travaillé sur le manuscrit, ainsi que le jeu. C’est le même jeu, dont bien des détails ont été améliorés, notamment les équipements des livrets, les règles de course-poursuite, les déclencheurs de plusieurs effets de cape et bien d’autres choses encore, comme le fait que l’Érudit a été entièrement repensé. Il s’agit donc de l’ultime édition révisée de la 0.9.8. Bref, la 1.0, une édition en couleur.

Une pensée sur “A tout seigneur, tout honneur

  • 29 avril 2024 à 10:53
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    Hâte de voir ce que va donner cette nouvelle mouture de « Noblesse Oblige » ! Perso, il y a 2-3 manœuvres que je n’aime pas du tout, pas conformes à l’esprit de Cape et d’épée AMHA et pas du tout adaptées pour jouer avec des enfants/ados = celles qui poussent les PJ à picoler et à coucher.

    Il y a aussi la description de l’époque qui est inexistante. À titre de comparaison, « All for One » décrit davantage la culture et les mœurs de l’époque.

    Bref, 2 points à améliorer. Je croise les doigts ! 😅

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