Midnight, l’héritage des ténèbres [Critique]

Edge Studio a récemment sorti la VF de la dernière édition de Midnight, un JdR de Dark Fantasy, motorisé par DD5. Alors, que vous soyez un vieux routard de l’ancienne édition, ou un jeune MJ en mal de setting original, faisons un tour d’horizon de ce joli pavé de 370 pages.

Midnight, kézako ?

Si vous ne connaissez pas ce setting et ses deux premières éditions (déjà éditées par Edge, à l’époque de DD3), et si vous cherchez un peu sur le net, on vous dira que le pitch est simple : Sauron a gagné et c’est la merde en Terres du Milieu. C’est vrai. Mais c’est extrêmement réducteur. Pour la faire courte, le grand méchant de l’histoire, Izrador, le Dieu Sombre, est un Dieu Déchu sur la terre d’Aryth. Comme ce n’est pas la moitié d’un imbécile, il a, dans sa chute, réussi à isoler Aryth des autres dieux, coupant ainsi les peuples elfes, nains, humains et autres de leurs plus puissants alliés. Par deux fois, le Dieu Sombre a échoué dans sa conquête du monde. La troisième fois, après avoir manipulé/trahi/soudoyé à tout va, il l’emporte. Et dans les grandes largeurs. Pas d’arbitrage vidéo. Izrador est le maître incontesté de ces lieux. Les seuls prêtres de Midnight sont dévoués au Dieu Sombre, ses Orcs font régner la terreur sur l’ensemble des terres occupées (c’est-à-dire quasiment tout le territoire), les elfes et les nains sont tués à vue, la magie est interdite tout comme la lecture, l’écriture et la possession d’armes et l’ambiance n’est donc pas à la fête.

Donc oui, Sauron a gagné, mais ce n’est que le début de notre histoire ! Midnight, c’est un jeu sur la résistance, sur la Rébellion, sur l’espoir. Le parallèle avec Tolkien est donc évident, mais il faut également en faire d’autres avec la résistance de l’Armée des Ombres et la rébellion de Star Wars (matez Andor ! enfin, une vraie série SW !).

Midnight, encore un setting DD5 fantasy ?

Oui.. et non ! Cette réponse de normand ne vous suffit pas ? Ok, je vais développer un peu.

Oui, Midnight est motorisé par le SRD de DD5, et donc on y retrouve toute la technique du célèbre jeu au D20 : caractéristiques, avantage/désavantage, classes de persos…etc. On aime ou on n’aime pas, mais force est de constater que le système tourne bien. Personnellement, je préfère toujours avoir un système dédié à un univers, avec des règles pensées pour mettre en exergue les spécificités du monde. Donc, si vous me demandez mon avis (et de toutes façons, je suis là pour vous le donner), je préférerais largement avoir un système original pour ce jeu. Mais c’est affaire de goût, et le système DD5 fait le boulot. Heureusement, il a été adapté avec beaucoup de talent, ce qui, pour ma part, fait passer la pilule. Certaines classes et races ont été bannies, car non-jouables. Les historiques et les dons sont taillés pour la survie en Eredane. Et c’est très bien fait. Toutes ces touches de réalisme ancrent rapidement les persos dans cet univers si sombre, et leur donnent ce qu’il faut de motivation et de couleurs. Et ce, dès la création. L’aspect le plus important à la création est évidemment le choix d’une voie héroïque, véritable colonne vertébrale de votre personnage. Précisons que le terme « héroïque » est à interpréter correctement. Vous n’allez pas jouer un super-héros, un bourrin avec 12 armes à 2 mains qui picole dans les tavernes, ou un magicien mono-touche-fireball qui pulvérise des orcs par paquets de 12. Le héros est celui qui se sacrifie pour les autres. Et à la lecture de ce setting, on le sent bien ! Et ça, j’aime beaucoup !

Du coup… Non ! Midnight, à mes yeux, n’est pas un n-ième setting de fantasy. C’est un monde bien pensé, en souffrance, avec des opportunités, mais surtout un danger omniprésent. Pas uniquement physique, mais surtout moral. Vous avez sauvé une famille ? Bien joué ! Mais le fermier voisin se voyait bien récupérer leur ferme… alors pourquoi ne pas faire une petite dénonciation au légat local d’Izrador, toujours en quête d’un p’tit bûcher ? Vous venez de prendre une escouade d’orcs en embuscade ? Quel talent ! Dépêchez-vous avant que tout un contingent ne débarque, et n’opère des représailles sur le village voisin. Dans Midnight, les PJ sont des héros. Certes. Mais leurs responsabilités sont énormes, l’ennemi est partout et en position de force. C’est un véritable challenge : pour le MJ qui va devoir jauger les dangers de sa campagne, et pour les PJ qui seront obligés de penser avant d’agir. En ce sens, Midnight prend tout son sens à des tables de joueurs un tant soit peu cérébraux et RP. Rien ne vous empêche d’y jouer autrement, bien entendu. C’est l’intérêt d’un JdR : on fait ce qu’on veut, tant qu’on s’amuse ! Mais sachez tout de même que l’orientation du jeu est sombre, et que les conséquences des actes de vos personnages sont très importantes.

Ok, ça me botte bien, tout çà ! Y’a quoi dans ce bouquin de base ?

Après une introduction au monde de quelques pages, on retrouve trois grandes parties :

  • Aventures de Midnight : tout ce qu’il vous faut pour créer vos personnages (espèces, voies héroïques , classes de perso, historique et options de personnalisation), mais surtout, surtout ce bijou de chapitre 5 sur la vie d’aventurier dans Midnight. Ces 20 pages qui décrivent la vie sous le règne du Dieu Sombre valent l’achat du bouquin, à elles seules !
  • Le monde de Midnight : 120 pages de description des terres d’Eredane, le continent principal du monde d’Aryth, ou se dérouleront vos aventures. C’est bien ficelé et efficace. Il s’agit évidemment d’un survol, nécessaire mais qui laisse sur sa faim. Heureusement, lors de l’édition précédente de Midnight, de nombreux sourcebooks sur les différentes régions/races d’Eredane avaient été publiées (en VO uniquement, par faute de l’arrêt abrupt de l’OGL de DD3 à l’époque). J’ose espérer que tout ce matériel va renaître de ses cendres et, pour l’avoir lu à l’époque, c’était vraiment très bon (ahhhh, le peuple Dorn !!!).
  • Les secrets de Midnight : le coin du MeuJeu, avec les créatures, les serviteurs de l’Ombre…etc.

Par rapport à l’édition précédente, on notera des différences de lexiques (Sarcoséen, c’est bien mieux, merci !), et un soin tout particulier à la présentation du monde. Je mets cette édition au-dessus des précédentes, sans hésitation. La qualité de rédaction est excellente, et l’ambiance y gagne encore grandement.

Et la suite ? Y’aura un scénar, un jour ?

C’est le seul bémol que j’apporte à ce livre. L’absence d’un scénario d’introduction. Alors, ok , le bouquin est déjà assez gros et bien rempli. Mais, en tant que MJ, quand je lis un livre de base, je survole l’univers et je lis de suite le scénario, pour voir si les enjeux qui y sont déployés sont à mon goût, et aussi à celui de mes joueurs. C’est donc pour moi un vrai manque.

Ne boudons pas notre plaisir, puisque sont prévus dans les mois qui viennent :

  • Le kit du maître de jeu (déjà sorti), contenant l’écran, une aventure d’intro (enfin !) de 36 pages et un peu de matos supplémentaire (dont une carte d’Eredane). Pour faire simple, pour 22€, on ne peut pas faire sans.

  • La campagne La Couronne de l’Ombre (on espère rapidement, début 2023 ?) : une version révisée de la campagne du même nom pour l’ancienne édition du jeu. Une campagne ambitieuse, qui place les PJ au cœur de la grande campagne militaire d’Izrador sur les elfes retranchés dans leur forêt. A l’époque, cette campagne m’avait demandé beaucoup de boulot d’adaptation, car je l’avais trouvé un peu trop hollywoodienne à mon goût. Mais le jeu en avait valu la chandelle, car c’est une campagne qui fait évoluer le monde de Midnight. Les actions des PJ y ont donc une influence directe. C’est donc avec impatience que j’attends de voir cette nouvelle écriture.

Donc ça vaut le coup ?

C’est clairement une affaire de goût. Il faut accrocher aux thématiques sombres et matures de ce jeu. Personnellement, ce sera le seul setting DD5 que je ferais jouer, car il rassemble des thèmes que j’affectionne particulièrement : l’occupation, la résistance, l’espoir…

Soulevez-vous, peuples d’Eredane ! Il n’est peut-être pas trop tard !

3 pensées sur “Midnight, l’héritage des ténèbres [Critique]

  • 2 décembre 2022 à 18:22
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    Personnellement, fan de la première heure de Midnight, c’est ma plus grosse déception de l’année… C’est l’adaptation au SRD5 la plus paresseuse que j’ai vu ! (j’ai Joan of Arc, Brancalonia et même Cthulhu Mythos pour lesquels un vrai travail de fond a été fait au contraire de Midnight, qui ne fait qu’adapter les règles du SRD5 à Midnight, quitte à casser la crédibilité de l’univers….)
    Le background est quasiment identique (à 95%) à celui de la seconde édition (je soupçonne même qu’en VO ce ne soit juste un copié/collé de la version d’origine car la traduction est très similaire, voire parfois identique, à celle de BBE en 2007 (à quelques tournures de phrases près, on voit juste que ce n’est pas le même traducteur, mais le sens initial est le même dans 99 % des cas, j’ai fait la comparaison paragraphe par paragraphe sur la toute la partie historique, présentation des races/espèces et description du Monde de Midnight, et ça saute aux yeux!)
    Et dernière cerise sur le gâteau, on retire le scénario d’introduction et la campagne « La Couronne de l’Ombre » (qu’on nous vend à part bien sûr), qui clôturaient la seconde édition !…
    Bref, pour moi, c’est un ratage intégral, avec un petit peu de (vrai) travail et en reprenant les concepts d’adaptation qui avaient été réalisés sur la seconde édition de Midnight, il y avait moyen de faire une vraie pépite.
    On se contente de plaqué or, c’est dommage, mais moi ça ne me convient pas, ce n’était pas l’idée que je me faisais de cet Héritage…

  • 2 décembre 2022 à 22:56
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    Bonjour,
    
Pour une fois, je vais m’autoriser de mitiger les propos de l’article.
Midnight, c’est super ! Rien à dire là-dessus. En revanche, Midnight 3E en 5E, pour Moi, c’est un raté quasi complet.

    – Préambule : Je suis un fan depuis la 1ère éd, j’aime Midnight. Pas de doute là-dessus.
    Oui, j’ai acheté MN3E, j’avoue. Et j’avoue que j’achèterai tout le reste de la gamme car même si je critique, je remercie Edge d’avoir ressorti ce magnifique univers en 2022. « La critique est aisée, mais l’art est difficile » comme disait Néricault. Je ne leur jette pas la pierre, loin de là. Mener ce projet à bien a certainement dû être compliqué, mais ils ont tenu bons et la gamme est là.
J’espère juste que le contenu à venir sera un cran au dessus de ce qui a été proposé jusqu’à présent.
    Ceci étant… ma critique

    Alors pourquoi pas glop cette 3E ?
    1 – D’abord parce que l’adaptation à la 5E me semble complètement râtée.
On a quoi, des voies héroïques qui vous donnent 1 don tous les … 4 niveaux ? ET, en plus, à choisir à la place de ceux de votre classe. Pas un ajout pur, c’est soit l’un ou l’autre, et pas obligatoire de surcroit. Ca commence mal.
Du coup, là où on avait des héros qui avaient quelque chose en plus par rapport à DnD 3.5, des dons en plus, des aptitudes, on a désormais un PJ quasi identique à DD5, mais pour jouer dans un monde qui est beaucoup plus dur.
Où est le game design ? où est le Héro dans tout ça ? Ou est le crunch ?
Absent, tout simplement. Et vu qu’il s’agit du livre des règles sur lequel va se baser tout le reste de la gamme, c’est mal barré.

    2 – Pas d’évolution de la trame
Faire toujours le même jeu au bout de sa 3e édition, en 2022, c’est du gâchis. Tout en restant dans le dernier âge, on aurait pu avoir une avancée dans l’histoire, comme expliquer la mort de l’ancien Jahzir, expliquant la venue de la nouvelle Épée de l’Ombre par exemple. On aurait pu intégrer les changements proposés dans la Fureur de l’Ombre, faire évoluer le Murmure, Aradil, Zardrix, tous les points en suspens que présentaient MN2E. Mais non. Rien. On refait exactement la même chose. Cela aurait même le buzz ! même juste 10ans, mais pas tout pareil !

    3 – Un livre avec 20% de moins de texte que la version 2E (sans prendre en compte la couronne de l’Ombre)
Non, je ne suis pas de ceux qui en veulent toujours plus, je préfère qu’il y en ait moins, mais que le fond soit plus racé, plus pertinent et percutant. Or là, on a 20% en moins et ça se ressent de partout.
Dans les règles: Trop light, trop vite baclé. Des races en moins, des voies héroïque en mode régime dukhan…
Dans l’histoire : Rien de nouveau. Est-ce que cela motive les possesseurs de MN2E à acheter cette nouvelle mouture ? Je ne crois pas. Quelle est la cible de cette 3E ?


    4 – Dans les scénarios : Euh, quels scénarios ? Et bien non, pas de scenario d’introduction. Pas même une ébauche, pas de synopsis, rien. Démerdez-vous les MJ.

    5 – Les illustrations
    Bien que très belles, très bien réussies et tout et tout, je ressens la volonté de faire « propre », quitte à mettre de côté le côté crade et injuste du monde pour des héros. C’est beau, oui, mais ce n’est pas Midnight, censé être un monde sombre, sanglant, brutal et mortel. Les illustrations sont léchées, lisses et manquent de grunge, de poussière, de tâches etc. Les thêmes abordés dans les scénarios sont matures, voire adultes. Les illustrations devraient y faire echo. Ces illustrations passeraient que trop bien pour des livres pour ados. Dommage.

    6 – L’écran …

    C’est le cliché de l’idée que j’ai d’un écran décidé par un non rôliste. Les écrans, c’est la première source d’inspiration pour les joueurs. Ils le voient tout le temps ! des heures durant. Il doit Inspirer ! Qui dit inspiration, dit projection de son personnage dans le monde.
Pitié, arrêtez de faire des mashups de pseudo batailles que personne ne fera. C’est tout sauf inspirant. c’est de la bouillie artistique, même bien réalisée.
Un écran type « fenêtre » ou « miroir », ça vous parle ? allez voir les videos de Roliste.tv. Ils vous l’expliqueront (ex. video de barbarians of lemuria). C’est ces types là les vrais écrans !

    7 – et son scénario

    La source de la révolte (ou le puits de la révolte selon les pages, oopsy!)
    
Un scénario léger, malgré ses 21 pages et… 4 illustrations. Et pas de plans du village, d’isometrie, un truc intéressant à utiliser et réutiliser quoi!
Pour moi, c’est exactement ce qu’il ne faudrait jamais faire. Proposer quelque chose qui a une durée de vie très limitée. En proposant des plans, des images de villages évocatrices, vous permettez aux MJ de réutiliser à maintes reprises le livret, lui apportant ainsi une vraie valeur ajoutée, même si le scénario a été joué. Car les plans de la ville, les descriptions des PnJ servent de support à d’autres aventures du cru du MJ. Mais là, rien de rien. Une fois joué, le machin partira dans la bibliothèque et commencera à prendre la poussière

  • Ping : Midnight moins le quart [chronique L'ombre du seigneur démon] - Le Fix

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