Chroniques Oubliées Galactiques : les voies de l’espace
Fin 2015, un nouveau setting de SF, basé sur le système Chronique Oubliées, fait son apparition dans les pages de Casus Belli (le 17 pour être exact). Simplement baptisé Chroniques Oubliées Galactiques, ce dernier se compose d’un système de règle, d’un setting et d’une campagne. Mais l’espace est vaste et il restait encore de nombreuses planètes à explorer (et de menaces à combattre !). C’est pourquoi, après quelques années, l’éditeur Black Book Editions lance une souscription pour élever ce contexte au niveau des étoiles, ou – plus concrètement – au même niveau que ces cousins Fantasy et Contemporain. Le jeu étant actuellement en souscription sur Game On table Top, nous en avons profité pour poser quelques questions à l’homme à l’origine de ce projet : Thomas Robert.
Le Fix : Une première question évidente : j’ai déjà Chroniques Galactiques parues dans mes Casus 17 à 20. Que va m’apporter cette édition ?
Thomas Robert : Déjà, cela signifie que tu achètes Casus, et c’est bien. L’équipe se décarcasse tous les deux mois (hrm, je vais en mettre trois) pour filer plein de matériel aux rôlistes, donc autant que cela serve !
Maintenant, vis-à-vis de Chroniques Oubliées Galactiques, j’ai envie de dire que ça aura l’air du même jeu mais qu’en réalité cette édition est la première « vraie » version du jeu. Sur la version magazine, je bossais seul, avec une contrainte de temps assez forte (surtout sur les deux derniers numéros). La nouvelle édition a pu prendre son temps, bénéficier des retours de la communauté, mais aussi et surtout de l’implication de plusieurs autres personnes qui n’ont pas hésité à remettre en question ce que j’avais proposé, à pointer les inexactitudes ou les zones d’ombre et à proposer plein de nouvelles choses. Bosser en équipe, ça a permis je pense d’obtenir une bien meilleure version du jeu. En comparant de manière plus terre à terre, on y trouvera de nouveaux chapitres (mechas, création d’adversaires, un chapitre sur les systèmes stellaires…) mais aussi plein de nouveautés dans les chapitres qui étaient déjà présents dans Casus (nouvelles voies, certaines voies retravaillées, nouvelles options, etc.).
Le Fix : La SF n’est pas le genre le plus accessible, voire même pas le plus prisé des rôlistes francophones. Et d’un autre côté, CO est plutôt axé sur la découverte. A quel public s’adresse précisément COG ?
Thomas Robert : Je pense que ces temps-ci la SF revient un peu sur le devant de la scène. Il y a toujours un petit mouvement de balancier entre fantasy et SF dans la geekosphère et je ne serais pas surpris que l’on puisse constater ce mouvement aussi dans le JdR.
D’ailleurs, on le voit déjà en langue anglaise avec des éditeurs comme Modiphius ou Free League qui enchaînent les licences SF. L’une des forces de CO est clairement la simplicité de prise en main, même si depuis son arrivée sur la scène ludique, il y a une multitude d’autres jeux qui ont su miser sur la simplicité et l’accessibilité. Mais je pense que l’autre grande force de CO, que peu d’autres jeux ont, c’est que le jeu évolue avec les MJ. Il y a un côté boîte à outils dans tous les CO qui permet aux MJ d’expérimenter, de créer leur propre expérience de jeu avec les briques fournies par ses diverses incarnations.
On le voit d’ailleurs en discutant sur le web ou dans les conventions, on se retrouve à la fois à discuter avec des MJ qui viennent de débuter le JdR (souvent avec l’une des boîtes d’initiation) et d’autres qui nous racontent comment ils ont combiné les options de trois ou quatre versions pour coller à leur univers maison. Et j’ai voulu garder ces deux forces dans COG, pour accompagner les MJ depuis la découverte de ces univers jusqu’à être assez à l’aise pour créer leur propre version du jeu.
Le Fix : Où positionner le curseur de COG entre un Starfinder ou un Star Wars (très fantasy), et un Eclipse Phase ou The Expanse (plutôt Hard Science) ?
Thomas Robert : Dans le livre des règles de COG, il n’y a pas d’option fantasy à proprement parler. Pour ça, je préfère miser sur les combinaisons avec COF, et d’ailleurs la communauté a déjà commencé à produire des adaptations pour des univers comme Star Wars ou Starfinder. Donc les règles de COG restent plutôt dans le canon de la Science Fiction pure et l’angle par défaut est celui d’un petit équipage à bord d’un vaisseau indépendant.
Ensuite, contrairement à COC qui proposait des règles par genre (espionnage, zombies, fantastique vampiresque, investigation cthulhienne), COG ne propose pas une approche par genre, mais par option de ce que les MJ veulent inclure dans leurs univers : vaisseaux, pouvoirs psis, augmentations, méta humanité, espèces aliens, etc. À partir de là, le jeu peut se prêter à une variété d’ambiances et peut coller à la fois à des aventures humano-centrées relativement hard science à la The Expanse ou aux univers plus bigarrés du space opera. Le curseur sera positionné par les tables de jeu en fonction de leurs envies.
Le Fix : Et donc il y aura des mechas ?
Thomas Robert : Oui, c’est un des nouveaux chapitres proposés par cette nouvelle version. L’idée est de gérer avec une seule règle des affrontements entre robots marcheurs géants, mais aussi entre armures de combat par exemple.
Globalement, cela utilise une règle équivalente à celle des combats de vaisseaux, avec simplement des options de gestion de la chaleur, de portée et d’arcs de tir. Le chapitre fournit une liste de mechas prêts à l’emploi, mais aussi des règles pour créer facilement de nouveaux mechas. Les mêmes règles que celles que j’ai utilisées pour créer les mechas proposés, d’ailleurs.
Et c’est quelque-chose que nous avons fait aussi pour les vaisseaux et pour les PNJ et adversaires : les MJ vont disposer des mêmes outils que nous pour créer de nouveaux profils à leur guise. C’est aussi en cela que je juge cette version beaucoup plus aboutie.
Le Fix : Casus Belli toujours, il y avait aussi eu un Chroniques Oubliées Cyberpunk. Est-ce qu’il y aura du hacking repris de COG ou rien à voir ?
Thomas Robert : En fait, Laurent avait repris dans CO Cyberpunk une partie de ce que j’avais fait au niveau augmentations cybernétiques dans la première version de COG, donc il y a un échange constant entre ces deux versions.
Il est possible d’injecter une dose de cyberpunk dans COG, qui propose toujours des augmentations de divers types (dont certains qui ne figuraient pas dans Casus, comme les drogues de combat), mais le hacking à proprement parler ne fait pas vraiment partie des tropes de la SF spatiale.
Quand on a un délai de plusieurs minutes au niveau d’un signal (35 minutes au mieux par exemple entre la Terre et Jupiter), la notion d’intrusion dans un système informatique devient quelque-chose d’impraticable hormis lorsqu’on se retrouve à proximité immédiate. Donc il n’y a pas de règles dédiées à cela dans le jeu, seulement certaines capacités qui simulent par exemple la guerre électronique entre deux vaisseaux. Les MJ qui voudront mettre plus d’emphase sur cet aspect pourront sans problème aller piocher dans les options de CO Cyber.
Le Fix : COG aura-t-il droit à une boîte d’initiation comme ses cousins Fantasy et Cthulhu ?
Thomas Robert : Lorsque nous avons lancé le projet de réédition pour de bon fin 2018, début 2019, nous partions clairement sur le modèle de la boîte d’initiation CO Cthulhu. Mais depuis, la situation a malheureusement changé drastiquement et le contexte économique fait que si nous voulions sortir une boîte avec le même genre de contenu et la même qualité, elle devrait être vendue à un prix qui nous semble trop élevé.
Des collectionneurs accepteraient sans doute cette hausse de prix, mais cela la rendrait trop chère pour un produit d’appel ou de découverte comme l’étaient les précédentes boîtes d’initiation. Nous avons donc opté pour un autre compromis, sans boîte d’initiation à proprement parler. C’est un peu un crève-cœur tant les boîtes d’initiation CO sont devenues au fil du temps un must, mais nous n’avions pas vraiment le choix.
Le Fix : Y aura-t-il un univers proposé où le jeu est-il avant tout une boîte à outils pour développer le sien ? Et si univers il y a, quel est-il en quelques mots ?
Thomas Robert : Le livre de base de COG est avant tout un livre de règles et d’options. Il y a un univers développé en filigrane dans l’ouvrage, mais qui ne se déploie véritablement qu’à travers les campagnes (une campagne inédite intitulée Paradis perdu sera disponible pendant le financement), ainsi qu’un futur Livre d’univers qui est encore en cours d’écriture et devrait être financé ultérieurement. Un Recueil de scénarios (écrits par tout un tas de personnes talentueuses qui ont accepté de participer à ce projet) proposera aussi des histoires qui peuvent s’adapter à cet univers, mais qui gardent tout de même un caractère relativement générique.
L’univers est Le Bras d’Orion, le même que celui développé dans Casus. Cependant il se décline en trois époques radicalement différentes au niveau des ambiances et des enjeux. La première époque est celle de la conquête du système solaire par les humains (à la The Expanse). La deuxième (celle développée jusqu’ici dans Casus) est la période de l’apogée de l’humanité et du premier contact avec les E.T. (à la Mass Effect). La troisième et dernière époque est celle de la chute de l’humanité, de sa quasi annihilation par des forces mystérieuses et le récit de sa tentative de retrouver le chemin de la Terre (à la Battlestar Galactica).
Paradis perdu, qui aurait du être la campagne de la boîte d’initiation, est le premier récit ayant trait à cette troisième époque. Une autre campagne (jouable avec les mêmes PJ ou avec d’autres) intitulée La dernière chasse d’Orion devrait être incluse dans le Livre d’univers, de même qu’une réédition enrichie de la campagne déjà parue dans Casus (L’Intelligence d’Orion).
Mon idée en développant cet univers était de fournir une démonstration de comment on peut adapter Chroniques Oubliées Galactiques à ces ambiances différentes. Je le vois un peu comme un proof of concept de ce que permet le jeu.
Le Fix : La campagne « le bras d’Orion » apportait quelques révélations. Est ce que ça sera pris en compte dans cette édition ou bien on repart de zéro ?
Thomas Robert : Les bases de la troisième époque sont en partie les conséquences des événements et des révélations de la campagne parue dans Casus (et que j’ai intitulée L’Intelligence d’Orion au final). Dans Paradis perdu, sans s’en rendre compte au départ, les PJ vont commencer à connecter des points qui ramènent aussi aux événements de cette campagne. Idéalement, j’aimerais que les trois campagnes, malgré un certain écart chronologique (une soixantaine d’années environ entre la fin de L’Intelligence d’Orion et le début de Paradis perdu), puissent être jouées par un même groupe et forment un tout cohérent au niveau de l’histoire racontée.
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