Ils sont pas là pour raconter des draconeries

Non, eux, c’est l’équipe de Studio Agate , canal création (en l’occurrence : Ariane, Batro, Laufey et Vincent). Et ils sont venus nous parler de Draconis, leur nouveau projet draconique (après Dragons, donc) issu de l’univers créé par l’illustratrice « maison », Chane. Le jeu débute son foulancement pas plus tard qu’aujourd’hui même sur Ulule. Ce projet, lancé sur des bases plutôt classiques (dragons, 5E, belles illus…), se veut aussi original en mettant en avant son accessibilité et son côté feelgood. Laissons donc l’équipe nous expliquer ce qu’ils entendent par là.

 

1. Mmmmh, c’est beau. Mais, on l’a vu récemment, de belles images ne suffisent pas toujours à faire d’un jeu un succès. N’y a t-il pas du danger à ce que les gens voient ce projet comme un simple « artbook avec des dés » ?

Oh non, l’artbook existe déjà. Pas question de refaire la même chose ! Au contraire, Draconis a l’ambition de faire découvrir le jeu de rôle, et de proposer à toutes et tous ce que l’on pense être l’expérience rôliste par excellence : jouer en campagne.

Il y donc eu tout un travail de game design pour créer une campagne clé en main, qui puisse être menée par n’importe qui. Vous n’avez jamais fait de jeu de rôle ? Peu importe. Asseyez-vous, ouvrez le livre et laissez vous guider !

C’est d’ailleurs pour cela que nous avons opté pour une approche pacifiste, une ambiance feel good où l’amitié et l’empathie sont mis en avant. Draconis, c’est de la fantasy basée sur la découverte d’un monde où la faune est peuplée de myriades d’espèces de dragons.

Nous proposons donc un vrai jeu de rôle. On espère bien que les gens ne le verront pas comme un simple « artbook avec des dés », parce que c’est loin d’être le cas 😉

 

2. Quel est le rôle exact de Chane dans le projet ?

Chane a créé l’univers de Draconis. C’est sous son trait – et sous la plume de Yoan Rigot, son coauteur – que cet univers est né. À la base, il n’était pas prévu de faire de Draconis un jeu de rôle. Chane n’est d’ailleurs pas rôliste, même si elle connaît bien notre loisir (elle a participé aux illustrations Dragons).

Lorsque nous avons découvert ses artbooks, nous nous sommes dit qu’il y avait un potentiel formidable pour un jeu de rôle d’initiation, et nous lui avons proposé de développer le jeu. Chane a accepté et s’est vite impliquée dans le projet. Sur ces livres, elle est illustratrice mais aussi directrice artistique, c’est-à-dire qu’elle assure la cohérence visuelle du projet et elle accompagne les artistes dans la réalisation des illustrations.

Le reste du livre a été conçu à la fois par l’équipe du studio (Iris, Laufey, Ariane, qui ont beaucoup travaillé sur Dragons) et par des auteurs extérieurs (Simon Gabillaud sur la campagne, Justine Niogret sur le livre-jeu), le tout sous le regard bienveillant de Chane qui souhaitait d’assurer que ce que l’on créait était bien accessible à tous, même au plus débutant des débutants.

3. Bon, OK, Draconis. Mais on joue quoi, en fait. Pas quand même des dragons, si ?

Ahah ! Si, tu peux incarner les deux compagnons dragons des personnages prétirés ! Pour l’instant, la campagne propose six prétirés (des humains uniquement, car les autres espèces de la fantasy classique n’existent pas dans cet univers) qui explorent leur vallée natale, une région troublée par une menace mystérieuse. On peut jouer un paladin, un barde, un lettré, un roublard (avec des sorts) et deux classes originales développées pour Draconis : un dracamicis (lanceur de sorts qui tire sa magie de son amitié avec des dragons) et un guide (variante du rôdeur basée sur l’exploration).

4. L’idée semblait au départ de proposer un jeu très, très accessible puis, finalement, on apprend que ce sera de la 5E. Euh, qu’est-ce qui s’est mal passé entre ces deux infos ?

Nous voulions depuis longtemps proposer un jeu de rôle d’initiation et Donj’ reste très populaire. Dans la mesure où le système de la 5ème édition est très largement répandu au sein de la communauté rôliste, il nous a semblé naturel de le proposer pour Draconis. L’univers imaginé par Chane, riche, coloré et merveilleux, se prête parfaitement pour l’initiation au jeu de rôle. Ainsi, des parents rôlistes maîtrisant déjà les règles de la 5ème édition pourront facilement faire jouer leurs enfants et d’autres dans l’univers de Draconis.

Par ailleurs, réussir à proposer du pacifique avec la 5E était un très bon défi de game design et pouvait montrer que l’on peut faire des histoires très variées avec ce système très populaire, même si celui-ci est très orienté combat à l’origine. Ce fut un gros travail que de résoudre ça.

5. OK, OK, on ne demande qu’à vous croire mais, concrètement, qu’est-ce qu’il y aura comme simplification ?

Nous amenons les règles de manière progressive au lecteur et aux joueurs. Aucun livre supplémentaire ne sera nécessaire pour mener ou jouer. C’est l’approche didactique qui fera la différence.

Draconis propose par exemple une Aventure dont vous êtes le héros qui sert à la fois de prologue à la campagne et de guide d’apprentissage pour les meneurs en herbe : l’essentiel du système de la 5ème édition y est présenté pas à pas, en suivant le fil de l’histoire et les situations rencontrées par le lecteur. De nombreuses aides de jeux et encarts explicatifs accompagnent ensuite le contenu du jeu.

Le meneur et les joueurs auront l’occasion de découvrir progressivement les règles, lesquelles seront rappelées dans le détail à chaque première mention, tout au long de la campagne. Le combat, qui concentre une bonne part de la complexité de la cinquième édition, est mis en sourdine au profit d’une règle qui sert à convaincre une créature hostile de devenir amicale, de la comprendre au lieu de l’attaquer.

Et puis le groupe peut jouer rapidement grâce aux personnages prétirés : cela évite la longue création de personnages de la cinquième édition. Le passage de niveaux est automatique après chaque étape de la campagne, nous réduisons donc le compte de points d’expériences qui peut être fastidieux. Et seules les règles utilisées dans la campagne et les prétirés sont présentées.

En résumé, un meneur apprenant les règles de la 5ème édition avec Draconis possèdera des bases solides pour se lancer dans le jeu de rôle.

6. Et le côté « feel good RPG » ? Ce sont simplement des conseils de bienveillance autour de la table ou il y a du un peu plus concret que cela ?

La bienveillance sera présente à la fois autour de la table – l’ouvrage offre effectivement des conseils au meneur pour garantir la sécurité émotionnelle – et en jeu. Dans Draconis, la violence n’est jamais la solution. Le jeu propose un concept de “clefs dramatiques”, des éléments narratifs permettant de résoudre, souvent pacifiquement, une situation donnée sans recourir à un combat ou une mise à mort.

Les classes qui risquaient de souffrir de ce revirement d’orientation bénéficient de nouveaux archétypes et de variantes dans leurs aptitudes, plus en phase avec l’univers. La classe du rôdeur, dont le concept d’ennemi juré était incompatible avec l’optique pacifique a par exemple été remplacée par le guide, une nouvelle classe dont les aptitudes mettent en avant l’harmonie avec d’autres espèces (dont les dragons) et l’émerveillement du voyage.

7. Dîtes donc, ça sent quand même fort la foire aux goodies ce futur foulancement, non ? Y aura des peluches ?

Franchement, elle était trop chou la peluche d’Humblewood ! Ça n’a pas réchauffé ton coeur de glace ? 😉

Blague à part, il en faut pour tous les goûts ! Ce jeu s’adresse à plusieurs types de personnes : celles et ceux qui n’ont jamais joué, les rôlistes plus expérimentés qui veulent faire découvrir le jeu de rôle à leurs enfants et leurs proches, mais aussi aux fans des artbooks de Chane. Les gens qui suivent le travail de Chane apprécient les beaux objets. Les rôlistes veulent quant à eux du contenu de jeu. Nous allons essayer de faire plaisir à tout le monde, de proposer à la fois des bonus pour Draconis “artbook” et des bonus pour Draconis “jeu de rôle”.

8. C’est plutôt conçu comme un one shot ou bien il est envisagé que cela devienne une véritable gamme avec du suivi et tout ?

Ce premier livre est jeu de rôle d’initiation, un tremplin qui permettra de vivre sa première campagne de jeu de rôle, et nous travaillons déjà sur la suite : un livre d’univers, et bien sûr un bestiaire qui fera honneur aux nombreux dragons qui peuplent cet univers foisonnant !

9. De façon plus générale, on peut dire que Agate a rarement fait les timides avec les foulancements et que vous avez une forme d’expertise là-dedans. On aimerait donc savoir ce que vous inspirent les plantages ou réussites pour le moins laborieuses de plusieurs CF rôlistiques ces derniers mois. Pensez-vous notamment qu’il y a trop de foulancements pour notre petit marché ?

On ne fait pas “les timides” comme tu dis car ce système est ce qui nous permet d’exister à l’heure actuelle. Donc oui, effectivement, nous nous servons de cet outil pour promouvoir et financer nos jeux, car sans lui, nous ne serions pas là (où nous aurions un rythme de publication très erratique, comme ce fut le cas à nos débuts). Ça me semble important à préciser. On ne recourt pas au financement participatif pour s’en mettre plein les poches, on le fait parce que c’est vital.

Pour répondre à ta question maintenant, oui, il y a effectivement eu des projets qui ont eu du mal à se faire financer, mais il y a également eu à côté des succès colossaux. Regarde Les Lames du Cardinal, il est dans le top 5 des records français de tous les temps. Et Te Deum Pour un Massacre, c’est un succès impressionnant pour un jeu dont la thématique est très éloignée des standards “mainstream”. Et ce ne sont pas les seuls projets à avoir fait d’excellents scores en 2023. Mon impression est d’ailleurs que majoritairement, un grand nombre de jeux proposés parviennent tout de même à trouver leur public.

Y a t-il trop de financements ? Vaste question. Je trouve les propositions variées, et toutes ces offres permettent de trouver des jeux qui correspondent à nos goûts. On a la chance de pouvoir profiter d’une production variée. On est un marché de niche, comme tu dis, et à l’intérieur, on a de la niche dans la niche, donc certains jeux fonctionnent mieux que d’autres. C’est assez logique. Et comme dans tous les autres milieux culturels, plus tu es “expérimental”, moins tu vends. Maintenant, si tu réduis le nombre de financements, tu prends le risque de voir la production se réduire à des blockbusters. Je ne suis pas sûr que ce soit souhaitable car c’est dans cette multiplicité que se trouve la richesse du jeu de rôle.