Sapiens, homo-interview

Il ne reste que quelques heures pour profiter du foulancement Sapiens : Carnets de voyage pour le jeu du même nom sur Ulule. Alors que le projet est déjà financé, y participer reste un bon moyen de témoigner de votre soutien à un jeu indé qui, non seulement nous tient à cœur par ses qualités mais également par la sympathie contagieuse que suscite son auteur Quentin Bachelet. Comme on aime bien partager au Fix on est allé l’interroger pour que vous profitiez aussi des perles de sagesse de cet homo rolisticus sapiens major (nos excuses au musée de l’Homme).

LeFix : Salut, nous c’est le Fix. On est plutôt Neandertal que Cro-Mag, et toi t’es qui ?
Erect… Euh, Sapiens évidemment ! Salut l’équipe, moi c’est Quentin. J’ai travaillé sur Mantra notamment, puis j’ai écrit le JdR Sapiens et ses suppléments qui sortent bientôt !
LeFix : Quand on t’a interviewé la dernière fois, c’était vraiment très centré sur le produit et beaucoup moins sur le bonhomme. On s’excuse. Du coup, t’es qui comme rôliste ?
Je vous pardonne, bande de galopins. Je joue depuis le lycée, ça fait donc 15 ans… Comme beaucoup, je suppose, j’ai commencé avec du med-fan à l’ancienne. Je me suis tapé des combats interminables, des tours de garde, des tests de perception, des jets d’initiative. Puis j’ai découvert d’autres jeux et je me suis débarrassé de tout ça ! Maintenant, j’aime le jeu de rôle comme un bon film, ou comme une série. Des séances de 3 heures maxi, des actions cool et variées, plein de PNJ et juste ce qu’il faut de jets de dés.
LeFix : Tel un Cielte, tu t’es envolé de tes propres ailes et as produit tout seul un jeu. Tu peux nous parler de ta transformation hors de ta chrysalide de rôliste et de ta complicité avec Batronoban (qu’on embrasse au passage) en créatif solo ?
C’est simple, je l’ai rejoint dans son temple Shaolin et il m’a tout appris. Il avait de très longues moustaches, à l’époque. Tous les jours, j’ai cassé des planches, réécrit des textes, esquivé des couteaux, peaufiné des thématiques, lu et relu de vrais JdR, marché sur des braises, testé des prototypes. Après 1000 combats sur des bambous, j’ai enfin réussi à le battre au « ni oui ni non ». Il m’a alors dit, d’un ton solennel, que j’étais prêt à publier un livre de base. Et puis il s’est rasé.
LeFix : On constate que tu passes encore par Ulule ? Pourquoi cette plateforme plutôt qu’une autre ?
Je ne sais pas trop, je crois que j’aime bien son côté écolo branché, c’est plus fort que moi. Entre des savons faits main et des pantalons fabriqués en France, t’as un jeu écologiste, ça fait sens, non ?
LeFix : Un des trucs qu’on n’avait pas pensé à te demander à l’époque de ce premier interview, c’est le lien entre Sapiens et Millevaux. Est-ce que Sapiens c’est du Millevaux qui aurait pris des cachetons pour se sentir bien ou rien à voir ?
Sapiens est un monde pacifique, rempli de créatures sauvages, dans lequel les PJ évoluent (littéralement !) en restaurant le cycle écologique et spirituel. J’ai voulu créer un post-apo positif, longtemps après la disparition des Anciens (l’humanité). Six espèces d’animaux sociaux, intelligents et humanoïdes cohabitent ensemble et vivent en harmonie avec les esprits. Mais le cycle du Souffle Primordial est un équilibre fragile, il peut cafouiller de nombreuses façons. Ça n’a rien à voir avec Millevaux. Plutôt Krystal, pour le coup !
LeFix : Tu peux nous parler de la réception de Sapiens ? Le foulancement a bien marché, et globalement l’accueil critique a été très positif. Mais comme, toi, tu joues à ton jeu et tu y fais jouer à travers toute la France, que peux-tu nous dire de la façon dont il a été accueilli ?
Oui j’ai eu la chance de jouer dans les quelques conventions qui ont survécu au Covid, ça a donné des parties assez mémorables ! Les joueurs adorent le système d’évolution génétique, où l’on pioche de nouveaux gènes en papier pour les coller sur les fiches de perso. J’ai constaté aussi que le jeu plaisait aussi bien aux vieux briscards qu’aux débutants. Certains ont joué leur premier JdR avec moi, d’autres ont maîtrisé pour la première fois avec Sapiens, ce sont de beaux retours, j’en suis très fier !
LeFix : Si on en croit la page de la souscription, tes soutiens trouveront « plus de rituels », « plus de tribus », « plus de peuples », « Le Zorgobiome et ses animaux machines » et un nouveau biome (« L’obscurité »). On t’a grillé, tu as volé le guide de marketing de TSR époque AD&D 2. Plus sérieusement, quelles directions et quel(s) sens veux-tu explorer dans cette nouvelle livraison ?
Ah, enfin quelqu’un qui le remarque ! C’est plutôt simple, j’ajoute des outils pour le Guide (MJ), et pour ne pas faire de jaloux, j’ajoute aussi des options de personnages. Au passage, le livre 1 est destiné aux joueurs, ils peuvent le lire pour préparer leurs propres idées.
Je ne cherche pas quelque chose de littéraire, avec des centaines de pages dans un style alambiqué. Quand je maîtrise, je veux des suppléments avec un maximum d’idées par page. J’aime ce moment où les PJ peuvent vraiment faire ce qu’ils veulent, car peu importe la direction qu’ils prennent, j’ai plein de surprises pour eux. Voilà mon intention avec ces suppléments.
LeFix : On regrette que Qualia n’ait pas gardé le titre que tu avais annoncé quand tu avais commencé à parler du projet actuel. Ce titre c’était « Ma vie de Sapiens », c’est TF1 qui te menaçait d’un procès ou ce Qualia correspond à quelque chose de précis ?
C’est vrai que j’ai bifurqué peu de temps avant le CF. Je trouvais le titre « ma vie de Sapiens » un peu trop banal, ça m’ennuyait. Le supplément présente le point de vue d’espèces non humaines sur le monde. Et ce ne sont pas des elfes ou des nains, ils sont très différents de nous. Les myrias, par exemple, sont des insectes, pour elles, tout se fait différemment, même de respirer ! J’ai eu envie d’approfondir leur point de vue, leur vie quotidienne, leur culture et leur philosophie. Qualia désigne ce qu’il y a de plus subjectif dans la perception, c’est le titre idéal, je crois.
LeFix : Est-ce que tu restes dans l’esprit d’écologie positive qui se dégageait du livre de base ou est-ce que les suppléments apportent aux rôlistes ce côté sombre qu’ils semblent plébisciter pour tous les univers auxquels ils jouent ?
J’explore beaucoup de directions, mais Sapiens a un noyau dur de thèmes, je ne les perds jamais de vue. C’est avant tout un jeu d’aventures, les PJ ils rencontrent des tribus, des animaux et des esprits hauts en couleurs. Ils affrontent des défis ultra dangereux, mais se battent assez rarement. Les sapiens sont des gens ouverts et faciles à vivre, ils vivent en paix et en harmonie avec les esprits. Je pense que les thèmes de l’horreur et de la guerre ont été suffisamment traités dans beaucoup d’autres jeux.
LeFix : Est-ce que tu vas profiter de ces suppléments pour nous imposer « ta vision d’auteur », rassure-nous, il y aura des tables aléatoires et de quoi faire des choix et donner aux joueurs et aux guides de quoi jouer avec ton univers comme tu l’avais fait dans le livre de base ?
Oui ! Pour tous les biomes, je fais des tables de 36 lieux et 36 rencontres, le MJ peut facilement ajouter des rebondissements à chaque aventure. Ça sera le cas pour le Zorgobiome et l’Obscurité. Ce dernier est un peu particulier, puisque les tables sont conçues pour créer des souterrains modulables, c’est fourni avec une petite méthode assez simple. Comptez environ 15 minutes de préparation pour une aventure de 2 ou 3 heures. Je l’ai pas mal testé et j’en suis vraiment satisfait ! Les livres contiennent aussi d’autres tables pour aider le MJ : des animaux à apprivoiser (et leur personnalité), une création de tribu, des rencontres dans les villes, un générateur d’esprits et j’en passe.
LeFix : On constate avec beaucoup de satisfaction que Jérémy Bouzerna alias Jem’s est toujours de la partie. Tu peux nous dire comment vous travaillez ensemble et si on aurait tort de le considérer comme un co-auteur ?
Oui j’aime beaucoup travailler avec lui, on a une méthode qui marche bien maintenant ! Je me pointe avec une idée et des exemples d’images, ensuite on décide ensemble d’une compo. Il a apporté beaucoup d’idées de son côté, quitte à me contrarier quand les miennes sont mauvaises (oui, ça arrive). Avoir un seul illustrateur pour toute une gamme, c’est une vraie chance à mon avis.
LeFix : Vu la densité de ce qui est proposé dans cette souscription, on a l’impression que Sapiens est désormais complet. Tu as encore des projets pour Sapiens ou tu vas passer à autre chose ?
J’ai encore un projet assez ambitieux de supplément sur le Royaume de fer, avec un cadre de campagne et surtout la possibilité de faire évoluer l’univers sur une échelle assez grande, au moins une génération. C’est trop tôt pour savoir si je peux le faire. J’en ai envie, bien sûr, mais c’est risqué d’un point de vue éditorial. Je suis déjà très content de pouvoir sortir trois suppléments d’un jeu indé !
LeFix : Et du côté du Citron magnétique, ta structure d’édition, (félicitations pour ce nom ! on continue à adorer), il y a des projets de jeux drôles ou pas drôles dont tu veux nous parler ?
J’ai des idées mais honnêtement toute mon énergie et mon inspiration sont dévolues à Sapiens pour encore un bon moment !
Disons que si je prépare un autre jeu après Sapiens, ce sera dans la même lignée éditoriale : un livre avec des outils pratiques pour le MJ et les joueurs, pas trop gros, des règles simples et bien testé ! Bref un jeu auquel j’aimerais jouer moi même régulièrement 🙂
Merci encore et à la prochaine !
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