Alors, le jeu Fabuleux Ultime ? [chronique Fabula Ultima]

Fabula Ultima est un jeu italien qui nous est ici proposé dans sa VF par les bons soins de Don’t Panic Games. Le jeu se propose d’émuler les JRPG dont le nom est une référence directe au plus connu d’entre eux : Final Fantasy. Mais un RPG vidéoludique reste du jeu de rôle. On y retrouve le groupe de personnages, les combats au tour par tour, de la fantasy, des histoires épiques et des combats titanesques. Tout ça, on a déjà. Est-ce qu’il suffit d’y ajouter des illustrations japonisantes et des filles avec des oreilles de chat pour faire la différence ? Car pour qu’un jeu gagne l’Ennie Awards 2023 du meilleur jeu, c’est que forcément, il doit avoir un truc en plus. Mais quoi ? Alors découvrons ça ensemble. Et ça tombe bien, les JRPG, j’adore ça.

Le JRPG pas compris. C’est quoi ?

Le JRPG, pour jeu de rôle japonais, est une catégorie de jeux vidéo issue du monde console, que l’on différencie du CRPG, qui sont des jeux de rôles sur ordinateurs (Planescape, Fallout, Morrowind, etc.). Dans les grandes thématiques du JRPG, on peut citer le récit initiatique d’un groupe de personnages. Ces derniers ayant chacun une histoire forte, qui sera source de liens ou de tensions. Le tout prenant place dans un univers de fantasy propice à l’émerveillement.

A cela viendront s’ajouter plein de spécificités qui seront plus ou moins mises en avant selon le joueur à qui vous poser la question : des combats tactiques, une histoire forte, des enjeux cataclysmique, une bromance entre potes en voiture, des combats contre des boss titanesques, un style visuel très manga ou encore des épées de 2 mètres.

Bref, il existe presque autant de définition possible pour le JRPG que pour l’OSR.

Valkyrie Profile

Le jeu se présente sous la forme d’un ouvrage A5 couverture souple, tout couleur de 368 pages qui se divise en 5 parties :

  • Introduction
  • Les règles du jeu
  • La création d’univers (nous y reviendrons en détail juste après)
  • Une section de 70 pages consacrée au meneur de jeu
  • Un bestiaire

Pour résumer, Fabula Ultima est avant tout une énorme boite à outil proposant des mécaniques et des conseils pour émuler un genre.

Kingdoms Hearts

Un point important à connaître avant d’acheter le jeu : Fabula Ultima ne propose pas d’univers.

C’est lors d’une session 0, que les joueurs (MJ inclus) vont esquisser les grandes lignes de leur monde : la géographie, le niveau de magie et de technologie, les royaumes qui en dessinent les frontières, l’histoire et les mystères de ce monde, les peuples qui l’occupent, les tensions, les antagonistes, etc.

Pour ce faire, l’ouvrage prend les rôlistes par la main en définissant un processus de création listant tous les éléments importants à inclure dans votre monde. L’ADN d’un univers de JRPG.

Les joueurs devront ainsi répondre à des questions. Et pour certaines d’entre elles, il y a des tables aléatoires qui peuvent inspirer et donner des élans d’idées (« Ah oui ! C’est une bonne idée ça. Et on pourrait aussi y ajouter ça et ça… »).

Toujours dans l’optique d’accompagner par l’exemple, le livre de base présente trois univers avec leurs thèmes, lieux et protagonistes correspondants. D’un coté, c’est un peu léger (ce ne sont que des exemples dans les grandes lignes), mais de l’autre, ça montre ce qui est possible de faire, ça inspire et ça donne envie. D’ailleurs, deux de ces univers sont développés dans des suppléments.

Exemple de carte à télécharger sur le site de Don’t Panic Games

Et après ?

Bah, c’est un peu là le problème. Une fois les grandes lignes du monde dessinées, il faut que le MJ lui donne un peu d’épaisseur à travers des lieux emblématiques, des PNJ hauts en couleurs, des quêtes, des donjons, etc.

Et c’est là que le jeu pêche. En effet, il faut un MJ ayant une bonne culture des JRPG pour pouvoir y puiser des lieux et des PNJ qui restent fidèles et représentatifs du genre. Alors certes, Fabula Ultima propose une liste de jeux vidéo en guise d’inspiration. Mais perso, sachant que chacun d’entre eux peut durer une centaine d’heures, je n’ai pas envie de commencer ma campagne dans 2 ans. J’aurais aimé que l’auteur me fasse gagner du temps en proposant du contenu.

Après, je trouve que d’avoir choisi une création d’univers commun entre les joueurs est une bonne idée. Les mondes de JRPG sont des univers riches en histoires, en tension politique et sur des étendues géographiques larges et variées. Plutôt que d’assigner le rôle au meneur d’ingurgiter tout ça et ensuite d’essayer d’en faire un monologue synthétique de plusieurs dizaines de minutes lors de la première séance. Probablement que les joueurs en auront retenu qu’une moitié (et c’est normal). Là, le fait de participer à une création commune permet aux joueurs de mieux s’impliquer dans le contenu du monde et de mieux le retenir. Tout le monde a une idée claire des grandes lignes du monde et ça donnera une meilleure dynamique de groupe pour aller l’explorer. Mais charge au MJ de lui donner vie ensuite.

La bonne nouvelle, c’est que des suppléments existent et contiennent exactement ce type de contenu. Intitulé Atlas, ils incluent des nouvelles classes de personnages, des nouvelles règles et dix lieux détaillés (chacun sur quatre pages). Actuellement, il existe deux Atlas: le premier consacré au monde de High Fantasy et le second à la Techno Fantasy.

Et quand on voit la liste des lieux abordés, ne serait-ce que dans le supplément de High Fantasy, on se dit que oui, c’est ça qu’on veut :

  • Oniria – Le royaume de départ
  • Artemis – La forêt sombre
  • Mirage – Le village caché
  • Yiggdrasill – L’arbre-monde
  • Tethys – Le Grand Océan
  • Endir – La capitale impériale
  • Verge – Les terres du cataclysme
  • Arcantis – La cité des anciens
  • Seraphim – Le royaume du ciel

Clairement, ces Atlas semblent être indispensable tant il comble un manque du livre de base. Et pour tout dire, le seul.

Persona

Une fois les grandes lignes de votre univers définies, le processus de création continue avec la création de groupe, puis celle de votre personnage.

Si vous êtes inspiré, le groupe se créé rapidement. Expliqué sur une simple double page, le processus consiste à choisir une thématique qui fédère vos personnages. Cela peut aller de chercheurs, gardiens, héros de la résistance, unis par le destin ou autre. Selon le thème choisi (ou inventé), vous devrez répondre à quelques questions pour définir des objectifs et, surtout, créer des liens (conflictuels, amicaux, d’appartenance à une faction, ennemis juré, etc.). Cette étape n’est en aucun cas une restriction, mais un cadre inspirant pour la suite : la création de personnage.

Celle-ci se fait en 8 étapes. Les 3 premières consistent, encore une fois, à répondre à des questions pour connaître :

  • Son origine : une courte phrase qui définit comment le joueur voit son personnage : un chevalier errant, une prêtresse de bataille, une reine des voleurs du désert, etc…
  • Son thème : qui correspond à des valeurs ou un objectif à atteindre
  • Et l’origine de votre héros. En vous inspirant de la création du monde ou en inventant pour enrichir ce dernier.

C’est à partir de la quatrième étape qu’on rentre dans le technique en choisissant des classes, des atouts, où l’on affecte des dés pour chacun des quatre attributs et où on calcule les points de vies, de magie, et où on dépense ses sous pour acheter son équipement.

Il est à noter que chaque personnage doit posséder 2 ou 3 classes. Et chacune d’entre elle possède son lot de questions pour donner encore plus d’épaisseur à votre personnage.

Encore une fois, je trouve que le parti pris de créer tout un monde à travers de simple réponses aux questions posées est une excellente idée. D’autant plus que celle-ci est merveilleusement bien concrétisée à travers son approche progressive et son accompagnement constant. L’une des particularités du JRPG est l’histoire des personnages et Fabula Ultima coche la case.

L’intégration des personnages dans le monde en cours de création, en répondant aux diverses questions, aurait pu s’arrêter là. Mais non. Le jeu va plus loin et propose, dans le chapitre dédié au meneur de jeu, des suggestions d’intrigues pour chaque classe. L’auteur part du principe que si les joueurs font monter de niveau telle ou telle classe, c’est qu’ils s’intéressent à ce qu’elle peut apporter en jeu. Mais si ces conseils tiennent sur 2-3 lignes, ils ont le méritent d’inciter le meneur à développer des intrigues orientées vers les personnages et ainsi les mettre au cœur du jeu.

Secret of Mana

Le personnage est défini par 4 caractéristiques (Dextérité, Intuition, Puissance,Volonté) dont la valeur est représentée par un dé (de D4 à D12). Pour effectuer une action, le joueur choisit deux traits, selon l’action, jette les deux dés et la somme du résultat doit être supérieure au seuil de difficulté fixé par le MJ. Des modificateurs liés à la situation, l’équipement, sorts ou atouts viendront s’appliquer à ce jet de dés.

Si ce système de jeu vous parle peut-être, c’est tout simplement parce qu’il est repris de celui de Ryuutama. Et en disant ça, le jeu vient de marquer quelques points d’estimes. Et c’est normal.

Mais tout l’intérêt du système se situe plus dans les mécaniques annexes. Car Fabula Ultima regorge de bonnes idées !

Que ce soit les points d’inventaires que chaque personnage possède et qui peuvent être dépensés pour se substituer à un consommable. Par exemple, pour 3 pts d’inventaire (PI), je peux dire que j’ai un remède ou une potion. Pour 4 PI, j’utilise une tente magique qui permet à tout le groupe de se reposer. Etc.

Il y a aussi les points Fabula qui servent à activer des traits ou compétences spéciales, de renforcer des liens ou de relancer un dé.

Ou encore la notion de cadran, qui est un compteur (ou compte à rebours, c’est selon) qui sert à suivre l’évolution d’une situation (niveau d’alerte qui monte, faiblesse d’un pilier porteur ou temps d’incantation pour un rituel diabolique) et où les actions des PJ peuvent influencer sur son évolution (dans un sens ou dans l’autre).

Bref, Fabula Ultima a un système à la fois simple et riche en possibilité de jeu. Tout comme un bon JRPG.

Tales Of

J’avoue qu’avant d’entamer sa lecture, je ne croyais pas trop à l’intérêt du jeu. Pour moi, n’importe quel jeu d’héroic-fantasy (façon de parler) pouvais se dire JRPG si on utilisait les descriptions et les musiques correspondantes. Et pourtant, Fabula Ultima a su me séduire. Sa mécanique et ses conseils ont su saisir et retranscrire le cœur du JRPG. Et il regorge de bonnes idées qui ne demande qu’à être testé. Mais Fabula Ultima, le livre de base, est surtout une boîte à outils de création et de système de jeu. Il manque un tout petit quelque chose, maintenant qu’on a la mécanique, pour retranscrire ce qui fait le sel de l’univers.

Et ça tombe bien, pour combler ce manque, des suppléments existent (et arrivent bientôt en français). C’est pourquoi je vais attendre un peu avant de faire jouer.

Mais ça on en reparle bientôt.

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