Le catalogue de La Redoutable

C’est à ça que l’on reconnaît les vrais.

R. Talsorian Games n’a quasiment encore rien sorti de bien consistant pour son Cyberpunk RED (bon, OK, sauf un recueil de scénarios qui nous avait plutôt bien plu : https://lefix.di6dent.fr/archives/21197) mais ils n’ont pas omis de mettre à leur menu light un bon vieux chromebook des familles avec dedans tout ce qu’il faut pour faire budda-budda-budda et poum. On est soulagés.

Toujours au taquet sur cette gamme qui semble plutôt bien marcher, Arkhane Asylum s’est donc précipité pour nous en proposer une VF qui vient tout juste de sortir en boutiques, là, comme ça, directement. Exit les petits livres sous couverture souple de l’édition 2020 époque Oriflam. Ce nouveau chromebook prend la forme d’un solide ouvrage de 170 pages sous couverture rigide et intérieur entièrement couleurs.

D’ailleurs, soyons précis. Il ne s’agit pas d’u chromebook mais de Black Chrome. Nuance. (…) Nan, en fait, c’est très exactement la même chose : des dizaines de fiches d’objets à acheter en tous genres, des armes donc mais aussi des véhicules, de la cybernétique, des fringues classos, des gadgets électroniques pratiques, etc. On parle là quand même de plus de 170 objets présentés par catégorie. Et, pour faire passer le tout, une bonne rasade background économique sur la nouvelle ère du RED.

Sur ce point, ce « catalogue » a, en fait, un peu le cul entre deux chaises. D’un côté, on ne cesse de nous seriner un peu maladroitement tout au long du supplément que RED est une sorte de jeu post-apo et qu’on y fait désormais ses courses la nuit dans des « marchés de nuit » informels tenus par des Fixers peu recommandables. Soit. De l’autre, tradition des chromebooks oblige, on n’a pas su faire l’impasse sur le côté catalogue clinquant aux couleurs flashy, aux marques ronflantes et même présenté avec des boutons « achetez maintenant » sur lesquels on est supposé avoir envie de cliquer virtuellement. Il faudrait savoir !

Le début et la fin de l’ouvrage sont d’ailleurs des exceptions à la litanie des objets à vendre et se consacrent pleinement à des laïus « économiques » qui tentent, sans convaincre, de nous expliquer le fonctionnement de l’économie à l’ère du RED et, en particulier, pourquoi, finalement, catalogue et marchés de nuit forment une paire cohérente. Ainsi, on découvre qu’il suffit de payer en ligne depuis le catalogue qu’est supposé être le chromebook puis d’aller récupérer bien gentiment la marchandise ainsi achetée d’avance auprès du Fixer chelou du marché de nuit du coin sur le coup de minuit et quelque. Ben voyons ! Et il aura préparé un paquet cadeau et tamponné d’avance notre carte de fidélité, c’est ça ? On a (heureusement) connu nos cyberpunks plus prudents que ça…

De plus, pas à une incohérence près, le chromebook a l’audace de débuter son catalogue par… des applications (immatérielles, donc). Pile celles qui contredisent le fonctionnement précédemment décrit. A moins d’aller voir le Fixer avec un jeu de disquettes ou une clef USB ?

De façon plus générale, Cyberpunk (RED ou autre) est toujours aussi faible sur la partie anticipation pure et le plus sage est donc de faire comme si vous n’aviez rien lu de ce salmigondis à faire se retourner dans leur tombe aussi bien Adam Smith que John Maynard Keynes : gardons les supermarchés flashy plein de pubs aux néons pour les corpos et laissons les marchés de nuit aux marchandises tombées du camion et cela ira très bien comme ça.

A ce titre, la partie finale du livre peut redevenir très utile puisqu’elle présente pas moins de quatre marchés de nuit avec un grand luxe de détails dont de chouettes cartes en couleurs, le profil de l’organisateur de celui-ci, etc. Ce sont des aides de jeu bienvenues pour donner un peu de vie à ces moments cruciaux durant lesquels les PJ se détournent des marchandises vendues sur catalogue pour se procurer un logiciel illégal ou du matériel militaire venu sous le manteau.

Le reste du supplément est extrêmement classique mais pouvait-il en être autrement ? Passée la laborieuse partie sur les applis (qui est aussi la seule à ne pas pouvoir être illustrée correctement : quelle entrée en matière !), on enchaîne les fiches d’objets dans un format des plus classiques avec argument commercial, explication des atouts procurés et une illu couleurs et plutôt chouette, voire même de très bonne qualité pour les véhicules et les armes.

(…) ah oui, parce qu’il y a des armes quand même ! Mais, l’âge de la maturité, tout ça, R. Talsorian Games n’a pas osé les mettre trop en avant et elles se retrouvent cachées tout à la fin du supplément ou presque. Cela dit, rassurez-vous, elles occupent au final une pagination non-négligeable : une quarantaine sur les 160 du total.

La seule originalité dans le format de présentation n’est, hélas, pas très heureuse. Contrairement à la tradition des chromebooks de l’époque précédente (2020, donc), les stats des objets ont été reléguées à la fin de l’ouvrage dans de stables récapitulatives. On comprend bien l’idée de scinder le descriptif du mécanique pour appuyer le côté vrai-faux-catalogue de l’ouvrage mais ce n’est tout même pas très pratique. Quel solo un peu sérieux achèterait une arme sans l’essayer ? Et donc sans avoir accès à ses stats précises et détaillées ?

Au bilan, malgré les petits défauts pointés du doigt dans cette chronique, ce Black Chrome n’est pas vraiment décevant, non : il fait le job en offrant une palanquée de nouveaux gadgets technologiques pour enrichir les options de vos cyberpunks, pour donner à jouer cette frénésie de consommation de l’ère post-moderne ou encore pour implémenter cette course à la puissance nécessaire à la survie en milieu hostile. C’est ce qu’on attendait de lui.

Mais, justement, si Black Chrome ne déçoit pas, c’est aussi, il faut l’avouer, parce qu’on n’en attendait pas grand-chose. Le début de gamme Cyberpunk RED reste bien laborieux. La gamme ne prend aucun risque et ainsi ne risque jamais de nous surprendre agréablement : des aides de jeu plus ou moins anecdotiques, quelques (bons) scénarios dans un recueil, un catalogue de matos… Vivement une suite plus ambitieuse (peut-être la boîte du Cyberpunk: Edgerunners Mission Kit ?).

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