Ils ont tué Xénia ! [chronique de Mort à Xénia – version Lulu]
La chaîne Youtube Vieux Geeks, vous connaissez ? Ce truc pas très bien fait et un peu foutraque où on cause de JdR, ça vous parle ? Et bien, Benoît, celui qu’on voit derrière la caméra, a publié il y a maintenant plus d’un an, un petit module OSR appelé Mort à Xénia.
Or, ce petit module (une cinquantaine de pages, dont la moitié d’annexes) fait désormais l’objet d’une version étendue et illustrée par Willy Cabourdin. Elle est actuellement en précommande sur le site de l’éditeur et ce seulement jusqu’au 13 octobre : cela urge ! On va reparler très bientôt avec l’auteur de cette nouvelle version.
En attendant, on ne s’intéressera qu’au module originel toujours disponible sur la plateforme d’impression en ligne Lulu.
C’est en effet cette version que j’ai eu le plaisir de faire jouer il y a quelques jours dans le cadre d’une convention. Maîtriser ce module était pour moi le moyen de souhaiter un bon cinquantenaire à Dédé en tirant partie de ce que Mort à Xénia porte de classicisme (un donjon à explorer) mais aussi de modernité (les règles de la 5E et une ambiance guère imaginable à l’époque où les wargamers du Wisconsin inventaient le jeu de rôles).
Mais pourquoi devrait-on tuer Xénia ?
Le module Mort à Xénia est d’apparence assez classique. Xénia c’est une nécromancienne pas très sympa. Elle a enlevé le prince Jarheado de Bojolet et il s’agit d’aller sauver le malheureux nobliau avant que la sorcière n’en fasse on ne sait trop quoi mais rien de bon. Xénia a emmené sa victime dans son repaire, situé dans une antique ziggourat éloignée loin de toute civilisation. Il s’agit donc d’explorer le repaire et de casser la gueule de son propriétaire. Jusque là, assez classique et simple.
A quoi peut-on juger que ce module est réussi ? Comme n’importe quel module proposant du dungeoncrawl. Un donjon réussi c’est un donjon qui est soutenu par des des thèmes forts tout en soutenant d’autres thématiques. De fait, Mort à Xénia présente plusieurs intéressantes variations. La personnalité haut en couleur de l’adversaire trouve son écho dans le fait que les prétirés sont toutes des personnages féminins et barbares. Le tout propose donc une ambiance Sword and Sorcery féminine qui ne court pas les rues.
Malheureusement pour moi, je voulais quelque chose qui soit plus proche du D&D Vanilla que j’ai connu dans ma jeunesse. J’ai donc adapté et laissé de côté l’aspect barbare et féminin. La ziggourat a donc été relocalisée dans le monde de Greyhawk et rattachée au background local pour une expérience plus proche de Whiteplume mountain que de la Tour de l’éléphant. Idem pour Jarheado devenu un héritier d’un duché local. Enfin, j’ai créé des pré-tirés adaptés à ce contexte et plus proches d’un groupe d’aventurières et aventuriers classiques. Je pense que ça n’a gêné personne et que rien dans le module ne m’a empêché de le faire. Et, malgré mes manipulations, le module a gardé une remarquable cohérence. Car, même sans l’aspect fémi-barbare, la mégalomanie pathétique et absurdiste de Xénia donne une unité de ton qui se manifeste dans les couleurs (le violet et le noir), les parfums (ceux de la belle et vénéneuse nécromancienne couvrant l’odeur putride de décomposition des cadavres) et la manière dont les serviteurs de Xénia sont liés à elle.
Car l’écriture des Vieux Geeks a un point fort: elle fait passer cette ambiance de bordel kitsch, de bureaucratie kafkaïenne et de sombre nécropole. Le module réussit ainsi parfaitement à définir progressivement Xénia en tant qu’objectif concret et détesté des personnages. En effet, au fur et à mesure qu’ils explorent sa demeure, les personnages se font une idée de la perversion mégalomane (et sans goût artistique) de leur adversaire, ce qui les motive pour en finir avec la nécromancienne. L’aventure ajoute donc habilement à l’atmosphère de mystère et de mort, une touche de bouffonnerie burlesque qu’on ne peut qu’apprécier et qu’on peut, de plus, doser en fonction de son groupe. De ce point de vue, cela a été parfaitement réussi lorsque les joueurs ont pu enfin affronter Xénia après leur périple dans la ziggourat.
Un mini donjon …
Le document fait une cinquantaine de pages en format A5 qui correspondraient bien aux 16 pages en format américain des modules de D&D de notre jeunesse. On y trouve tout ce qu’il faut pour maîtriser le scénario. Le donjon (trois niveaux et une dizaine de pièces en tout) occupe un tiers de l’ensemble. Chaque pièce est décrite avec son texte en gras, ses informations pour le MJ et ses encadrés techniques. Quelques lignes d’explication concluent le donjon et proposent une explication (oui oui, il y a des raisons derrière ce qui s’est passé dans la ziggourat). Les annexes présentent le profil des créatures rencontrées et détaillent de nouveaux sorts et de nouveaux objets magiques. Viennent enfin quatre personnages pré-tirés (les fameuses barbares).
Nous avons joué le module en quatre heures et les joueurs ont fait tout ce qu’il y avait à faire et, en effet fini par tuer Xénia et délivrer Jarheado. Il faut dire que la lecture facilite la tâche: le donjon se lit et s’apprend en une trentaine de minutes. Dès la première lecture, j’avais en tête le ton général et comment le rendre ainsi que quelques scènes fortes qui, j’en étais sûr, allaient plaire aux joueurs. Je n’avais pourtant déjà joué qu’avec deux des joueurs de la table, mais j’étais sûr que le module plairait à tout le monde. Comment l’expliquer ? Le module est d’abord très didactique et compact. Quelques idées fortes et cohérentes, bien expliquées et bien implémentées; une écriture efficace et sans gras qui va droit au but sont les principaux atouts de ce module qui font qu’une fois la lecture terminée, on sait sur quels boutons on va appuyer.
… qui a tout d’un grand.
Durant la partie, il n’y a pas eu de temps mort. Chaque pièce apporte quelque chose et propose un défi à relever pour les joueurs, le tout sans passer forcément par le combat. Le module supporte très bien différentes approches car le donjon est organisé de manière très intelligente. Les créatures qui peuplent la ziggourat sont en effet les grandes porteuses du thème. Toutes liées à Xénia d’une manière ou d’une autre, les habitants du coin forment une foule bariolée divisée en factions, comme dans les meilleurs donjons. On sent alors que Mort à Xénia n’est pas qu’un délire de son auteur ou une blague potache, on y retrouve pas mal d’éléments de dungeon design qui se manifestent dans le placement des pièges, dans la manière dont les PJ peuvent laisser leur marque et manipuler les évènements.
Car une chose est sûre : l’approche bourrine va finir en catastrophe. Conçu pour des niveaux trois, le module présente plusieurs rencontres très dangereuses et potentiellement mortelles. Le donjon est en effet dynamique et la population locale réactive si les PJ se font repérer. Même si l’environnement comporte son lot de morts sans cervelle, certains des adversaires sont très intelligents et ont des stratégies (par ailleurs bien décrites et bien explicitées) qui peuvent transformer les combats en enfer. Quant à l’affrontement final qui donne son titre au module, il est également difficile et périlleux, sans même avoir recours aux sorts spéciaux de Xénia.
Mon seul regret concerne un certain nombre d’absences: on n’a pas les dimensions de la ziggourat (ou alors je ne les ai pas trouvées) et le module est flou sur les localisations de certains PNJ et McGuffin. Surtout, le module n’envisage pas ce qui se passe si les PJ entrent et ressortent du donjon pour se reposer, chose que les règles de la 5e les inviteront à faire. Lors de ma partie, la question ne s’est pas posée puisque seul un repos court fut consommé par les aventuriers mais je m’étais résolu à rendre impossible un repos long en faisant de la région alentour un territoire désolé et hostile.
Au total, pour 5 euros (6 euros pour sa version étendue en pdf), Mort à Xénia offre la possibilité de passer une après-midi donjonesque voire plusieurs avec la version étendue. Lors de ses sessions, on rira, on se creusera la tête car les défis du donjon sont plutôt costauds et on aura le plaisir de tuer Xénia (ou de se faire tuer par elle ou ses sbires, ce qui est un autre plaisir).
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Si vous voulez lire d’autres points de vue sur le jeu voire y laisser le vôtre, allez donc voir du côté de chez nos copains du GROG.
Le lien chez Lulu
La version étendue 2024 en vente jusqu’au 13 octobre.
Sur le site de la version 2024 la version imprimée est indiquée épuisée !
Il s’agit de la version étendue. Celle à laquelle cet article fait référence est dispo sur Lulu.
On va quand même éditer parce que ça prête à confusion.
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