L’interview de l’espace

Space Horor Stories, on vous en parlait ici. Ce jeu d’horreur spatiale (et non cosmique, pour changer un peu) est en cours de financement (92% au 22 mai) et il nous a bien botté. On a donc pris rendez-vous avec l’auteur pour une transmission cosmique sans parasite ou interférences, on l’espère.

Le Fix : Salut, nous c’est le Fix, on pense que Sankukai est indépassable en matière d’aventures spatiales, et toi t’es qui ?  Tu étais quel genre de rôliste et qu’est-ce qui t’a poussé à créer tes jeux ?

Salut, moi c’est Olivier alias Alnomcys. Je dirai que vos préférences en termes d’aventures spatiales vous regardent…  Pour résumer je suis un relativement « vieux » rôliste. J’ai commencé enfant puis ADD 2ed à 12 ans, entre 20 et 30 et des brouettes, j’ai fait une grosse pause sans le moindre JdR. Puis, à la recherche d’un projet que je pourrai mener de front seul après quelques déconvenues (ou du moins dans sa plus grosse partie), je me suis rappelé que le JdR c’était cool et je m’y suis remis en créant Emysfer. Depuis, j’y ai pris goût et j’aime particulièrement le gamedesign.

Le Fix : Quand on a vu que Space Horror Stories, on a tout de suite pensé à Mothership. Ensuite, en lisant la Béta on a constaté que Sombre semblait être aussi une grosse inspiration. On a bon ? Si c’est le cas, quelles sont les grandes différences entre par exemple ton jeu et ces deux jeux ?

En termes d’inspiration ludiques Sombre et Mothership font effectivement partie de la liste, Alien aussi puis j’ai lu aussi Death in space ainsi que Those dark places. Néanmoins, mon idée était de repartir de zéro, avec un cahier des charges et l’objectif de créer un jeu répondant au mieux à ce cahier des charges selon moi. Je suis globalement peu convaincu par les mécanismes de gestion du stress/de la tension/psychologie des personnages dans les propositions existantes, aussi question de goût bien entendu. J’ai donc notamment voulu faire quelque chose de radicalement nouveau de ce point de vue.

Mon cahier des charges consistait pour sa plus grande part à décortiquer ce qui fait qu’un film d’horreur est un BON film d’horreur dans l’espace, et pas un nanar « boucherie ».

Le Fix : Ton jeu s’appelle Space Horror Stories … Tu vis à Hollywood ou bien ?

Je savais qu’on me poserait la question ^^. Le titre est en anglais pour deux raisons principales. D’abord esthétique pour le type de titre que je voulais (à savoir un titre très explicite sur le propos du jeu) l’anglais sonne mieux. Ensuite, il se trouve que le genre émulé par le jeu, à savoir le film d’horreur dans l’espace, est quasi exclusivement un genre américain, donc anglophone.

Le Fix : Tel Jackie Chan, Steve McQueen ou Bébel, tu réalises toi-même les cascades, à savoir les illustrations. Du coup, on voudrait savoir ce qui est venu en premier dans Space Horror Stories, l’image ou l’idée ?

C’est une bonne question et je dois avouer que je ne suis pas sûr à 100%. Probablement que ça a commencé par de l’illustration et le plaisir que j’ai à peindre des bestioles horribles.

Le Fix : En compulsant la béta que tu as gentiment accepté de nous fournir, j’ai été frappé par la manière dont l’ambiance horrifique n’était pas seulement un élément de contexte abstrait mais faisait, au contraire, partie intégrante du système à travers une certaine « protocolisation » des structures des parties. Est-ce que tu peux un peu expliciter ce que tu cherches à encourager comme type de partie et quelle liberté est laissée aux tables pour faire leurs propres parties ?

Le fait de donner une structure particulière aux parties est d’une part une volonté d’optimisation pour le format (one shot) et d’autre part une manière de coller à la structure de base d’un film d’horreur classique. Par exemple, un bon film d’horreur doit absolument avoir de bonnes scènes d’exposition des personnages, sans quoi on n’a aucun attachement et leur sort nous importe peu. J’ai remarqué que lors des one shot, la partie « exposition » est souvent absente ou mal faite (le classique mais terriblement artificiel « présentez vos personnages » ). Il m’est donc apparu intéressant d’insister sur cet aspect afin de lui donner une forme plus optimale, directement inspirée du cinéma.

L’exposition de personnages ne se fait pas à travers un CV ou une description. Il se fait via des dialogues qui mettent en lumière les relations, les enjeux et des morceaux de la vie ou de la personnalité du personnage. Il est plus intéressant de savoir que Joe à une mère qui est à l’hôpital et qu’il doit ramener l’argent de la prime pour payer les soins plutôt que de savoir qu’il fait 1m88 pour 100 kilos, qu’il a un pull mauve et porte un jean serré. Des bribes intéressantes plutôt qu’un descriptif faussement complet quoi

Le Fix : Le système mécanique, s’il est simple, n’est pas complètement abstrait ou léger. Pour un jeu qui propose de jouer un film en one-shot plutôt qu’une campagne en plusieurs aventures, n’est-ce pas contradictoire ?

Ni moi, ni mes 7 MJ beta-testeurs n’ont noté de contradiction de ce côté là. J’en déduis (mais peut-être je me trompe) que c’est une impression à la lecture. J’ai vraiment essayé d’optimiser le dosage en complexité. En gros, l’idée était d’être à mi-chemin entre Sombre et Alien (le JdR) de ce point de vue.

Le Fix : Conçu pour du one-shot, le jeu ne propose pas de mécanismes d’avancement ou d’expérience ou même de liste de bestiaire. Avoue, tu nous fait le coup de la boite basic et tu vas sortir des règles experts et compagnon qui développeront l’univers ? As-tu prévu d’autres développements pour la gamme ?

Alors pour Space horreur Stories, le concept restera toujours de la partie one shot. Néanmoins, je n’exclus pas de décliner le système principal pour d’autres propositions mais rien de vraiment défini pour le moment, même si j’ai quelques idées. Il est aussi fort probable que le jeu connaisse des suppléments mais il s’agira plus de contenu supplémentaires comme des Menaces, des contextes, des sites…

Le Fix : Tu as fait le choix d’une boîte, quand je l’aurais, qu’est-ce que je vais trouver dedans ?  Par ailleurs, outre leurs noms poétiques, les niveaux de foulancement paraissent très bon marché ? Est-ce que tu as délocalisé ta production sur Pluton à des aliens mineurs pour faire baisser les prix ?

La boîte contiendra au moins: 3 livrets agrafés, un set de dés, de fiches de contexte, des aides de jeu et bien entendu les cartes de tension, d’exposition et portraits. Un écran viendra s’ajouter si l’objectif correspondant est atteint et quelques autres bricoles.

Concernant le prix, je vais être parfaitement transparent.
Un des paramètres principaux est que comme je fais tout moi-même (textes, illustrations, maquette, édition…) je n’ai aucun frais fixe ou presque. De ce fait, ma rémunération est entièrement dépendante du succès du jeu. Si ça ne marche pas suffisamment, je toucherai des clopinettes ^^.

Ensuite, soyons très clair, étant donné le type et la quantité de matériel, et compte tenu de l’explosion des coûts, il m’a été impossible de faire fabriquer en Europe (bien que ce soit ce que j’ai voulu faire au départ). Après plusieurs devis, j’ai du me rendre à l’évidence : cela aurait rendu le jeu beaucoup trop cher, donc invendable. Si ça n’avait été que du livre, j’aurai probablement fait autrement, mais là j’ai du faire avec la situation qui est ce qu’elle est. Ça ne me ravit pas, mais c’était ça ou ne pas pouvoir le faire du tout. Imaginez, en boutique vous avez deux petites boîtes, au hasard l’excellent Critical à 32 euros, et vous avez une autre boîte avec un peu plus de matériel mais pas tant que ça à, par exemple, plus de 100 euros. Je crois que vous avez compris le problème.

Je ne cache pas ma prétention à vouloir vivre au moins partiellement de ma production de jeu et pour en vivre, il faut que ça se vende un minimum et que j’ai une marge. Si on ne cherche pas à se dégager de revenus, il est bien sûr plus aisé de tirer les prix vers le bas sans sacrifier à la localisation de la fabrication. C’est un choix tout à fait respectable bien entendu mais ça peut introduire un biais dans la perception des prix.

Enfin, je compte sur un effet « masse ». Dis autrement, un prix accessible tend à générer plus de vente en termes de volumes et donc des économies d’échelle.

Pour finir vraiment, il faut savoir que la contrainte de la faisabilité économique a fait partie presque dès le départ du développement du jeu. J’ai du jongler entre le cahier des charges (boite « prêt à jouer » usage de matériel pour fluidifier au maximum la partie… ) et le coût de production et ça a influencé directement ce que je pouvais faire ou non en termes ludiques.

Le Fix : C’est ton deuxième projet. Pour Emysfer ton précédent projet, tu avais travaillé avec Posidonia ; là tu te lances tout seul sans éditeur. Ca a un rapport avec les retards de livraison du foulancement d’Emysfer ?

Pas du tout. le retard de livraison est en bonne partie dû à mon inexpérience lors du financement d’Emysfer. Il se trouve en fait que j’aime faire l’édition de mon jeu. Ça fait partie du plaisir 🙂 . Emysfer m’a permis de beaucoup gagner en compétences sur différents aspects éditoriaux. Une différence majeure avec Space Horror Stories est que ce dernier est pour ainsi dire quasi terminé. Impossible d’avoir de gros retard donc sauf catastrophe absolument imprévisible.

Le Fix : Petite question, à l’intention de ceux qui souhaitent se lancer, d’abord pourquoi ne pas avoir utilisé des canaux comme lulu, drivethru ou itch.io et, ensuite, pourquoi avoir choisi Game On et pas Ulule ou Kickstarter ?

L’impression à la demande, c’est pas mal pour les jeux qui ne sont que sous la forme de livres. Étant donné la présence de cartes et du format boite, impossible de passer en impression à la demande. Il y avait aussi l’option de le faire seulement en dématérialisé mais soyons honnête, dans une optique professionnelle, ce n’est pas viable, surtout en francophonie.

Le Fix : Avec Emysfer et Space Horor Stories, tu proposes deux jeux aux propositions originales et assez précises. Est-ce que tu as d’autres projets dans tes cartons ?

J’ai envie de dire, j’ai un cerveau bouillonnant donc des projets, j’en ai toujours plein. Néanmoins, je vais voir à me poser un peu et plutôt, dans un premier temps essayer de faire vivre ces deux-là. Cela dit, je n’exclue pas une itération différente du système de SHS pour un genre voisin.

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