Alien – Le livre de base VF [chronique]

Alien est un jeu de rôle de Free League Publising (ou Fria Ligan en VO) proposant l’adaptation d’une franchise de SF qui a popularisé un des monstres les plus emblématiques du cinéma et qui passionne les fans depuis plus de 40 ans. La traduction de ce jeu publiée par Arkhane Asylum, est arrivée dans nos contrées juste avant Noël, le tout sans passer par la case foulancement participatif, s’il vous plaît…. Le timing était parfait et le livre est tout simplement magnifique. Tout était réuni pour qu’il se retrouve au pied de nombreux sapins.

Une question se pose tout de même quand on met Alien et jeu de rôle dans la même phrase : est-il possible d’envisager de jouer à long terme dans un espace hostile et peuplé de créatures aussi terrifiantes que mortelles ?… Il faut bien avouer que dans les films, quand les protagonistes rencontrent un Xénomorphe, leur espérance de vie a tendance à se réduire à peau de chagrin assez rapidement (sauf pour l’inoxydable Ellen Ripley bien entendu)… Faut-il s’attendre à ce que les possesseurs de ce jeu en fassent le tour rapidement et le revendent en même temps que leurs pulls moches reçus à Noël ? Voyons ensemble quelles sont les possibilités offertes par Alien RPG…

De quel(s) film(s) ce jeu est-il l’adaptation ?

Au total, la saga compte 8 films dans des temporalités différentes (voir (*1)). De plus, même si on se concentre uniquement sur les quatre films numérotés (ceux présentant le destin d’Ellen Ripley), on se rend compte qu’ils sont très différents les uns des autres. Chacun d’entre eux porte l’empreinte de son réalisateur, artistiquement bien entendu mais également pour tout ce qui concerne la représentation de l’Alien.

L’adaptation en JdR fait donc le choix de laisser de côté un certain nombre de films. Les deux Alien Vs Predator en sont les premières victimes, ce qui ne gênera pas grand monde a priori. De plus, le choix a été fait de placer l’action en 2180, juste après les évènements d’Alien 3. Exit donc Alien 4 qui a lieu 200 ans plus tard (en 2379). Le graphisme, les matériels disponibles ainsi que les thématiques du jeu sont ceux des trois premiers Alien numérotés.

Les évènements de Prometheus et d’Alien Covenant sont canon et sont bien présents dans la timeline, mais leur thématique n’est pas au centre des enjeux retenus pour Alien RPG. Ici, on ne cherche pas uniquement à savoir si une race d’extra-terrestres a créé la vie sur Terre, ni si les synthétiques ont des « daddy issues ».

Au final, Alien RPG est une adaptation des trois films qui ont lancé le succès de la SAGA : Alien, Aliens et Alien 3. Cette proposition de retour aux sources devrait ravir les fans.

A part les monstres, il y a quoi dans l’univers d’Alien ?

La proposition de jeu est la suivante : les personnages vivent sur la Frontière, vaste espace que de puissantes corporations se disputent pour accéder à des ressources indispensables pour la survie du système intérieur. En n’oubliant pas d’engranger d’immenses bénéfices au passage. En effet, 2180 est une période de capitalisme effréné. Les corporations se battent donc afin d’engranger un maximum de profit. Pour cela, elles n’hésitent pas à exploiter de la main d’œuvre pas chère et à rogner sur la qualité des équipements assurant le confort et même la survie des travailleurs. La Frontière est donc un endroit où la technologie est utilisée le plus longtemps possible. On répare, on ne jette pas. Les conditions de vie sont rudes et tout élément de confort est un luxe.

D’un point de vue politique, trois factions principales sont présentes dans les Étoiles. La première d’entre elles est l’Empire des Trois Mondes (E3M), formé en 2080 par le regroupement du Japon, de l’Inde et du Royaume Uni. Bien que la Famille Royale Britannique et la famille Impériale Japonaise se soient unies grâce à des mariages, elles n’ont pas de réel pouvoir. En effet, l’E3M est une démocratie parlementaire qui est fortement influencée par la Méga Corporation Weyland-Yutani. Peter Weyland était un visionnaire, un pionnier qui a lancé sa compagnie dans l’exploration spatiale. Après sa disparition lors de l’expédition Prometheus, la britannique Weyland et la japonaise Yutani ont fusionné dans des circonstances obscures. Depuis, cette société est un leader dans de nombreux domaines : robotique, armement et même la terraformation, une technologie utilisée pour rendre vivables des planètes qui sans cela seraient hostiles à toute vie humaine.

Ensuite, l’autre puissance sur laquelle il faut compter, ce sont les Amérique-Unies, regroupant depuis 2104, l’ensemble des Nations du continent américain. Cette alliance leur a permit de contrer la puissance économique et commerciale de l’E3M et de créer de nombreuses colonies, qui sont défendues par le Corps des Marines Coloniaux.

Enfin, la dernière grande puissance, l’Union des Peuples Progressistes (ou UPP) a été formée par la Chine et la Russie au début du XXIIe siècle. Ces deux pays furent rejoints par le Vietnam, l’Allemagne, l’Espagne et quelques autres pays d’Europe Occidentale. Cette puissance et un régime socialiste qui contrôle de nombreux mondes. Ceux-ci n’ont pas été terraformés par manque de technologie et de moyens. Plus pauvre que les deux autres puissances, l’UPP est en guerre froide contre les Amériques-Unies. Les frictions entre le corps des marines et les forces spéciales progressistes sont de plus en plus nombreuses.

A la marge des trois grandes puissances, il existe des colonies indépendantes qui se sont regroupées pour former les Colonies Indépendantes du Noyaux (ou CIN). Cette alliance assure leur survie, mais ne les empêche pas de lier des accords commerciaux avec certaines compagnies privées selon leur besoin.

En plus des luttes politiques, on assiste donc à d’intenses luttes commerciales entraînant des conflits plus ou moins ouverts. De grandes corporations privées y participent, à commencer par l’incontournable Weyland Yutani. Chacune des puissances a ses intérêts propres et peut passer des alliances différentes selon les circonstances. Tous les coups sont permis et certaines corpos essaient même de tricher en infiltrant les instances de régulation. Le monde d’Alien RPG est impitoyable, même quand il n’y a pas de Xénormorphe à l’horizon.

Tout ceci fleure bon la géopolitique de la science fiction des années 1970-80 et offre de nombreuses possibilités de jeu : espionnage, contrebande, actions armées, etc.

Y a rien qui marche sur ce satané vaisseau

La vie sur la Frontière est rude et très bien décrite. Toutes les informations nécessaires sont fournies à Maman (le nom du Maître de Jeu) afin de lui permettre de faire ressentir à ses joueurs les difficultés de la vie dans les Étoiles. C’est un endroit froid et hostile dans lequel il ne fait pas bon vivre. En plus du matériel de la vie quotidienne, les armes, les armures, le matériel de détection, mais aussi les véhicules et vaisseaux sont décrits en détail. Des illustrations sont fournies pour rendre l’immersion encore meilleure. Les caractéristiques et autres éléments techniques ne manquent pas à l’appel, ce qui permet d’offrir une bonne expérience de jeu. Un sans faute de ce point de vue là.

Le voyage dans les étoiles est également expliqué. Les vaisseaux de 2180 sont propulsés par des moteurs à déplacement qui leur permettent d’atteindre de 50 à 700 fois la vitesse de la lumière. Dis comme ça, ça peut paraître énorme, mais en fait, à l’échelle de l’Univers, la lumière se traîne vraiment. Sans vaisseau plus rapide que la lumière, impossible de peupler les autres systèmes solaires. Prenons l’exemple d’étoiles qui sont à 15 parsecs, soit 49 Année-Lumière (AL) du système intérieur. Avec les vaisseaux « modernes » (des années 2180 s’entend), il faut de 120 à 300 jours pour faire le voyage, soit de 4 à 10 mois. A la vitesse de la lumière, il faudrait 49 ans.

Il n’en reste pas moins que même à une vitesse supérieure à celle de la lumière, un voyage entre les système intérieurs et la frontière, c’est long, très long…. Surtout, si vous êtes dans un vaisseau de colonisation avec des enfants à l’arrière qui demandent quand est-ce qu’on arrive… Heureusement, les compagnies ont pensé à tout : elle ont mis en place un système d’Hyper-Sommeil afin de ralentir le métabolisme de l’équipage des vaisseaux. Premier avantage : l’équipage ne vieillit pas. Deuxième avantage : pas besoin de concevoir de vaisseaux disposant de vastes quartiers d’habitation. Un module d’Hyper Sommeil prend beaucoup moins de place. Petit bonus : pas besoin de prévoir d’importantes réserves de nourriture pour un équipage pendant plusieurs mois. De là, à penser que tout ceci a été pensé pour des raisons de rentabilité… Il reste toutefois un prix à payer pour l’équipage : ce sont des réveils difficiles accompagnés par une fatigue et une déshydratation importantes. Dans les films, de nombreuses scènes de réveil attestent des effets négatifs de l’hyper sommeil sur l’organisme.

Malgré tous les détails qui sont donnés, on ne peut pas vraiment classer Alien RPG du côté de la hard science. En effet, il y a de la gravité dans les vaisseaux et les effets physiologiques de la 0G ou des rayonnements cosmiques ne sont pas abordés. Ce jeu a pris le parti de rester fidèle aux films et de proposer un univers cohérent assurant une expérience de jeu immersive.

Mode Cinéma vs. Campagne

Deux modes de jeu sont proposés : le mode Cinéma et le mode Campagne.

Le premier a pour but de reproduire les films. Les joueurs ont le choix entre plusieurs personnages pré-tirés. Chacun d’entre eux dispose de caractéristiques détaillées, ainsi que d’une description et de motivations pour guider son interprétation. D’ailleurs, il est tout à fait possible que cela amène des conflits entre divers personnages. Heureusement de courtes règles existent pour gérer ce cas de figure. Ainsi si une confrontation physique se produit, un des personnages est transformé en PNJ et son joueur doit choisir un autre personnage. Cela permet d’éviter la séparation de joueurs en sous-groupes opposé et cela évite des conflits qui durent trop longtemps et qui gâchent le plaisir de jeu. Le taux de mortalité du mode cinéma étant de toute façon très élevé, il n’est pas très grave de perdre son personnage et d’avoir à en changer en milieu de partie.

Le mode Campagne lui a droit à un chapitre dédié. Malheureusement, aucun scénario ou campagne n’est actuellement disponible pour servir d’exemple. Par contre, un certain nombre d’idées et de nombreuses tables sont là pour guider Maman. Au menu de ces tables : des rencontres, des missions, des retournements de situation, des PNJ, des colonies, des planètes, etc. Bref, ce chapitre présente tout ce qu’il faut pour jouer sans préparation. Les propositions de jeu se concentrent sur trois options permettant de jouer soit des colons, soit un groupe de Marines soit des camionneurs de l’Espace à bord de leur vaisseau. Dans ce dernier cas de figure, ils peuvent travailler pour une corporation ou être indépendants

Tout cela est très inspirant et donne des idées pour créer ses propres scénarios. On peut même aller plus loin et imaginer de jouer autre chose : par exemple, des explorateurs visitant de nouveaux mondes ou encore des espions qui enquêtent sur les affaires plus ou moins légales des corpos. Des rumeurs courent sur la découverte des Xénomorphes, donc elles essaient toutes de récupérer des échantillons d’Aliens afin de les utiliser comme des armes biologiques et elles se surveillent mutuellement afin d’éviter que leurs concurrents arrivent à leurs fins.

Alien IV n’a pas été intégré dans Alien JdR et pourtant, c’est ce film qui peut servir d’exemple pour créer une campagne. En effet, l’équipage du Betty est un groupe de contrebandiers qui trafiquent pour plusieurs clients louches. Cela finit par les amener sur un vaisseau bizarre avec des laboratoires douteux pour livrer une cargaison d’êtres humains dont la seule utilité est de servir d’incubateur à des Aliens. L’équipage du Betty a du faire plusieurs missions et livraisons avant d’en arriver là. Le mode campagne, c’est ça : travailler dans un environnement qui gravite autour des Aliens, mais sans les rencontrer de manière régulière (ce qui vaut mieux si vous voulez que vos personnages survivent à quelques scénarios).

Au final, le mode de Jeu est réellement enthousiasmant et a beaucoup de potentiel. Même si le matériel fourni dans le livre de base permet de jouer de nombreuses aventures, il faut espérer que des suppléments lui seront consacrés. En tout cas, la question est vite répondue : oui, on peut jouer à Alien RPG en campagne. Tout a été fait pour que ça soit le cas.

Je veux jouer Ripley, c’est possible ?

En mode Cinéma, des pré-tirés sont fournis. En mode Campagne par contre, il faut créer son personnage. Pour cela, le processus est relativement simple. Il faut choisir parmi neuf carrières: Officier, Pilote, Agent de la Compagnie, Scientifique, Marine ou Marshall Colonial, Prolo, Médecin ou même Gamin.

Il y a quatre attributs: Force, Agilité, Empathie et Esprit. Chaque personnage humain peut répartir 14 points, avec un minimum de 2 et un maximum de 4. La carrière permet de monter à 5 dans un attribut unique. Par exemple, les Prolos peuvent avoir 5 en Force alors que les Officiers peuvent monter à 5 en Empathie (qui est utilisée pour le Commandement). Douze compétences viennent compléter tout ceci : trois par Attribut. Les personnages ont dix points à répartir. Ils peuvent attribuer un maximum de 3 points aux compétences de Carrière et de 1 point aux autres.

Une action se résout en lançant un nombre de D6 égal au score de la compétence au quel s’ajoute le score de l’attribut lié. Chaque 6 est un succès et il en suffit d’un pour réussir une action. A la création, les PJ pourront donc jeter entre 2 et 8 dés pour une action donnée. Cela permet d’avoir des personnages bien différenciés du point de vue des capacités.

Note : il est possible d’utiliser des dés spéciaux Noirs ou Jaunes qui sont vraiment très jolis. Les dés normaux sont Noirs, avec une petite cible qui correspond à la face 6. Chaque « cible » est donc un succès. Les dés de stress (on y reviendra) sont jaunes, avec une cible pour le 6 et un symbole de face-hugger qui correspond au 1. Comme vous l’imaginez, il vaut mieux éviter de voir ce petit symbole s’afficher….

Ensuite, chaque personnage dispose d’un talent à choisir selon sa Carrière. Cela va lui donner des bonus dans des conditions bien spécifiques et lui permettre de vraiment briller dans un domaine bien particulier. Il est donc particulièrement utile se bien choisir sa Carrière en fonction de l’orientation que vous voulez donner à votre personnage.

A mon sens, la carrière Gamin n’est pas inintéressante et a des spécificités marquées, mais elle est vraiment trop spécialisée. Elle permet de jouer un seul personnage issu des films : Newt dans Aliens. C’est trop peu pour justifier son existence. La preuve : dans les pré-tirés disponibles, il y a très peu de gamins proposés. Personnellement, je l’ai renommée «Civil» et je l’ai ouverte à des personnages adultes. Pour cela, il suffit de légèrement adapter les motivations et les objets fétiches à l’âge du personnage. Cela n’a rien de bien compliqué et cela permet de rendre cette Carrière plus accessible.

Enfin, pour donner vie à son personnage, il faut choisir ses objectifs personnels, ainsi qu’un Camarade (qu’il faudra aider) et un Rival (auquel on risque de s’opposer) dans le groupe de PJ. Cela va permettre de savoir comment jouer votre personnage et créer une dynamique de Groupe. La dernière touche à apporter, c’est le choix de l’équipement. Point original : chaque personnage dispose d’un objet fétiche qui lui donne un peu de réconfort dans ce monde de brutes et lui permettra de réduire son stress. Ce qui vous le verrez, peut être vital.

Il est possible de jouer des androïdes (ou synthétiques). A la création, ils disposent d’un bonus de +3 dans 2 attributs. Cela leur permet d’être particulièrement efficaces dans certains domaines. Mais en échange, ils ont quelques limitations. Ils ne sont pas soumis au stress et supportent les blessures différemment des humains. De plus, ils sont rares : en mode campagne, il ne faut pas en avoir plus d’un dans un groupe. En Mode Cinéma, les personnages étant déjà créés, il est possible de jouer un synthétique et parfois même sans le savoir lors du choix des personnages, ce qui est un élément de surprise supplémentaire.

Le système d’expérience est également décrit. Rien de révolutionnaire, mais cela montre que le mode Campagne est prévu pour permettre aux personnages d’évoluer sur le long terme. De plus, une liste de Talents généraux, disponibles pour tous les personnages quelle que soit leur carrière, permet de donner un peu de diversité et de ne pas rester enfermé dans les stéréotypes de sa profession.

Au final, la création de personnage est rapide et facile, tout en permettant de les différencier les uns des autres et en leur donnant des motivations affirmées. On flirte parfois avec des personnages archétypaux, mais sans sans que cela soit gênant, tant certains sont plaisants à jouer. Qui peut refuser de jouer Burke, un agent de la Compagnie cynique et pourri jusqu’à la moelle ? De plus avec le temps et les XP, il sera possible de faire évoluer votre personnage et de vraiment l’éloigner des archétypes.

Il ne faut jamais oublier les préliminaires

Selon le père des Brigades du Tigre : le meilleur moment de l’amour, c’est celui où on monte l’escalier. Dans les films Alien, c’est la phase d’exploration qui permet de faire monter la tension, de proposer de fausses pistes, des alertes, puis des accalmies, avant d’aboutir au climax : l’apparition du monstre.

Un mécanisme bien pensé est proposé pour simuler ceci : c’est le Mode Discret (ou Stealth Mode en VO – ça claque mieux en VO, non ?). Le temps est distendu (*) et chaque tour dure cinq à dix minutes pendant lesquelles les personnages vont pourvoir explorer et découvrir leur environnement. Ils pourront utiliser des détecteurs s’ils en ont, au son des « blip », « blip » stressants que produisent ces appareils. Selon les situations, un jeu du chat et de la souris pourra se mettre en place : certains protagonistes essaieront de se cacher et d’éviter les menaces ainsi que leurs ennemis.

Comme si cela ne suffisait pas, Maman va pouvoir suivre l’utilisation de consommables nécessaires à la survie. Pendant le mode discret, on pourra par exemple suivre les niveaux d’air dont on dispose dans une combinaison spatiale, ou encore l’énergie qui permet à certains systèmes de fonctionner. A intervalle régulier (chaque Tour de 10 minutes pour l’air, par exemple), les personnage doivent lancer un nombre de dés égal à leur score dans le consommable en question. Chaque symbole Facehugger sur le dé spécial (ou « 1 » sur un dé classique) fait diminuer le stock de un point. Quand on arrive au bout de ses réserves, les problèmes commencent vraiment. Par exemple, après avoir consommé tout l’air de leur combinaison, certains peuvent être amener à l’enlever alors qu’ils voulaient absolument la garder pour éviter de s’exposer à des agents pathogènes.

(*) Le temps est géré selon trois échelles. Le Quart dure 5 à 10 heures et permet de faire des actions longues, comme préparer une navette, réparer un véhicule, etc. Le Tour dure 5 à 10 minutes : c’est l’unité du Mode Discret. Le Round dure 5 à 10 secondes et est utilisé lors des combats.

La peur donne des ailes

La mécanique de jeu est basée sur le système Year Zero (tiré de Mutant Year Zero – très bon jeu également). On y retrouve donc les concepts habituels : ne lancer les jets de dés que dans des situations où il faut aller vite et où il y a un réel risque d’échec ; un seul essai pour un test donné ; possibilité de « pousser le jet » pour relancer les échecs ; importance de l’entraide et acceptation de l’échec tout en ne bloquant pas l’histoire. En plus de tout cela, toutes les spécificités de l’espace sont prises en compte. Les explications sont simples et claires. Bref, les nouveaux-venus n’auront pas de mal à s’habituer à ce système.

Le système des actions d’éclat n’a pas été oublié. Chaque succès en plus du premier permet d’obtenir un effet supplémentaire, appelé action d’éclat. Par exemple, il est possible de réaliser une tâche plus rapidement ou d’obtenir un bonus sur la prochaine action. Il est parfois possible de réussir automatiquement une action similaire dans le futur, sans avoir besoin de relancer les dés. Il est également possible d’infliger plus de dégâts, voir de désarmer son adversaire. Faire un grand nombre de succès a donc un intérêt important.

En combat, l’initiative est gérée en tirant au hasard une carte numérotée de 1 à 10, la 1 permettant d’agir en premier et la 10 forçant à agir en dernier. Les rangs d’actions sont gardés pendant tout le combat, mais les PJ peuvent les échanger entre eux au début de chaque round. Cela donne des options tactiques intéressantes. Le combat au corps à corps ou à distance sont décrits en détail, ainsi que les blessures et leurs effets. Chaque personnage ayant un nombre de Points de Vie (PV) égal à son score en Force, les combats sont mortels très rapidement (particulièrement si vous croisez un Xénomorphe). Malgré les armures, tomber à Zéro Point de Vie est un évènement qui peut arriver assez vite. Heureusement, ça ne correspond pas (toujours) à la mort du personnage. Il faut faire un jet sur la table des Blessures Critiques, dont environ 40 % sont mortelles et 15 % le sont à très court terme. Il est donc possible de secourir et de soigner les blessés. Par contre, certains effets sont permanents (oreille, bras ou jambe coupé, œil crevé, etc). Un bon Médecin sera précieux en mode Campagne, mais cela ne suffira pas : Maman devra être conciliante sur les soins. Dans le cas contraire, le groupe pourra vite être réduit à une bande d’éclopés.

Le Système Year Zero est un système robuste, élégant et rapide. Par contre, dans Alien RPG, un concept a été rajouté : le Stress. C’est LA trouvaille de ce jeu et cela fonctionne diablement bien. Certaines situations sont particulièrement éprouvantes pour les nerfs et donnent donc des points de stress aux personnages. Par exemple, subir une blessure, être confronté à une vision horrible (cadavre, monstre, etc), pousser un jet de dé, etc.

Lors d’un test, chaque point de stress permet de lancer un dé de stress (un dé jaune) supplémentaire, ce qui peut donc permettre d’obtenir plus de succès. Le stress peut donc rendre les PJ plus rapides et plus efficaces. Par contre, quand un dé de stress donne un symbole Facehugger (ou un « 1 »), le personnage voit son score de stress augmenter de 1 et doit faire un jet de panique sur la table du même nom. Dans ce cas de figure, il faut lancer 1D6 et ajouter son score actuel de panique. De 1 à 6, il ne se passe rien. Le système de Stress n’est donc pas punitif immédiatement. Par contre, pour tout résultat supérieur ou égal à 7, le personnage perd ses nerfs et commence à faire des erreurs, comme hurler, fuir, lâcher un objet, vider son chargeur, etc. Certains effets de la panique peuvent être contrés par un chef efficace qui réussit ses jets de commandement. De la même manière, il est possible de faire baisser son niveau de stress en interagissant avec son objet fétiche, ou en se reposant dans un milieu sûr.

Il est important de garder en tête que le niveau de stress du personnage ou celui de ses camarades peut augmenter suite à un jet sur la table de panique : c’est un phénomène communicatif. Pour éviter un emballement trop rapide, il faut que Maman prenne soin de limiter le nombre de jets de dés, afin de les réserver pour des situations qui le méritent vraiment. Tout est une question de dosage. Si le stress est bien géré, cela va mettre de l’animation dans vos parties : quand les joueurs vont faire des jets sur la table de panique, ils éprouveront eux-même une certaine appréhension en se demandant ce qu’il va se passer.

Joue la comme Star Wars… ou pas.

En plus du combat de véhicule décrit dans le chapitre consacré au système de jeu, le livre de base consacre un chapitre entier au combat spatial. C’est étonnant car ces éléments sont absents des films. Toutefois, c’est traité de manière intelligente et réaliste. Cela correspond parfaitement à l’ambiance de l’univers d’Alien. On est loin de Star Wars… Bien heureusement.

Le combat spatial permet d’impliquer tout l’équipage et pas seulement le pilote. Certes, il y a des phases de pilotage, mais aussi des phases dédiées aux Opérateurs de Senseurs, aux Artilleurs et aux Ingénieurs. Tout ceci est très important et pour réussir à s’en sortir, il va falloir un équipage soudé et compétent.

Le Stress peut également faire des siennes et une table de panique adaptée à l’environnement spatial est disponible. Les dégâts des vaisseaux sont décrits par deux tables similaires à celle des Blessures Critiques : il y a les dommages bénins (comme la machine à café cassée) et les majeurs qui vont jusqu’à l’explosion du réacteur. Une fois abîmés, il faudra bien les réparer, ce qui va donner du travail aux mécaniciens et aux prolos. De quoi impliquer tout le monde, je vous dis… Surtout que tout est fait pour que ces combats ne s’éternisent pas en longueur.

Ce chapitre est une vraie surprise et permet de donner de nouvelles possibilités de jeu en mode campagne. Si on joue des camionneurs de l’espace, il faudra se défendre des attaques. Mais rien n’empêche de choisir la formule offensive et de jouer des pirates qui attaquent des vaisseaux commerciaux.

Ah vous dirai-je Maman, ce qui cause mon tourment

Vues les particularités du jeu, le chapitre des conseils au MJ… pardon à Maman est particulièrement utile, sans être trop long. Tout d’abord, huit principes de jeu sont fournis pour proposer des parties dynamiques, horrifiques et stressantes aux joueurs. Ensuite, les thèmes du jeu sont expliqués à nouveau et en détail. L’Horreur Spatiale se concentre non seulement sur les interactions avec les Alien, mais aussi sur la difficulté de la vie dans l’espace et sur les ravages de l’avidité humaine. La SF d’action permet d’aborder la guerre que se livrent les grandes puissances (Corpos ou Nations) et leurs impacts sur ceux qui la livrent. Enfin, l’Émerveillement permet d’aborder les origine de la vie et l’importance de la religion. Ce sont les thèmes de Prometheus mais aussi l’exploration spatiale d’Alien, le 8e passager, avec la découverte des ruines extra-terrestres et du space Jockey. Pour chacun de ces thèmes, des exemples sont donnés, ce qui permet de se faire une idée très précise des intentions des créateurs du jeu. Enfin des conseils sont donnés pour gérer les PNJ, ainsi que les modes cinéma et campagne. Ce chapitre n’est pas révolutionnaire, mais il est efficace et va à l’essentiel.

Le Clou du spectacle

Comme vous l’aurez peut-être remarqué, jusque là, on a très peu parlé des Aliens dans cette critique. Pourtant, les films et ce jeu portent leur nom. Que les fans se rassurent, un long chapitre leur est consacré afin de les décrire en détail. Les divers stades de leur évolution sont présentés, tant pour les Néomorphes (des films Prometheus et Convenant) que pour les Xénormorphes. Ils sont mortels et représentent un danger incroyable pour tout ce qui les croise. De plus, les Ingénieurs ainsi que d’autres espèces extra-terrestres sont présentées pour varier les plaisirs et les menaces. En lisant ce chapitre, Maman a tout ce qu’il faut pour mettre en place des scènes vraiment marquantes avec des morts spectaculaires. Mais n’allons pas plus loin et laissons ceci dans l’ombre, car après tout, c’est l’inconnu qui provoque le plus de frissons.

April 26th – Alien Day

Un court scénario est fourni : « le dernier jour de Hope ». Enfin, il s’agit plutôt d’une ébauche… Le but est de raconter les derniers jours de la colonie sur LV4-26 avant son envahissement par des Xénomorphes, prélude au film Aliens. Tel quel, il n’y a vraiment pas de quoi jouer très longtemps, tout au plus une soirée de course poursuite avec les Aliens qui sont en train d’envahir la colonie. Mais le matériel fourni (plans et personnages pré-tirés) peut permettre à un MJ qui a envie de broder d’en tirer un scénario consistant et intéressant. Cela représentera tout de même pas mal de travail et on peut regretter que ce scénario soit aussi court.

Peut-on jouer sans Alien ?

Les scénarios actuels proposent tous de rencontrer des Xénomorphes, des Néomorphes ou d’autres créatures qui ne demandent qu’à massacrer les joueurs. Soyons honnêtes, quand on joue à Alien JdR et qu’on trouve un vaisseau abandonné, le premier réflexe, c’est de se dire que ça va mal finir. Si les personnages sont ignorants du danger qui les guette, ce n’est pas le cas des joueurs. Ils savent bien ce qui va se passer : à un moment ou un autre, il va y avoir un Xénormorphe et ça va se transformer en carnage. La recette est connue et diablement efficace. Elle fonctionne dans les films et elle fonctionne aussi autour d’une table. Même si on sait ce qui va se passer : le stress est bien présent.

Pourtant, il est possible de jouer des scénarios dynamiques et stressants, sans rencontrer d’Alien, même en mode Cinéma. Croyez-moi : la recette a été testée et approuvée.
De multiples antagonistes existent et il serait dommage de ne pas les exploiter. Synthétiques ou IA rebelles qui se mettent à massacrer des humains pour des raisons qui leur sont propres. Agents Corpos sans cœur. Espions infiltrés. Autres créatures extra-terrestres. Bref, pour éviter de tomber dans la routine, il est possible et même souhaitable de varier les plaisirs sans que l’absence de l’Alien ne soit un vrai manque. Vos joueurs n’en seront que plus surpris.

La Version Française

La Version originale était déjà une réussite qualitative : le livre était beau, la maquette très agréable et le contenu très clair. La version française est au moins aussi réussie. La mise en page est exactement la même. Le fond est noir, ce qui est très classe et parfaitement adapté au jeu. A moins de passer son temps à manger des tartines de beurre sans se laver les mains après, les traces de doigts ne sont pas aussi visibles qu’on pourrait le craindre au premier abord. Les dessins originaux ont tous été repris, sauf un qui a été modifié pour une version légèrement améliorée. Ils sont inspirés des films, mais ont entièrement été refaits. Ils ont une identité visuelle et contribuent à l’immersion. De plus, le papier est légèrement plus épais et soyeux dans la version française que dans la version originale. Bref, esthétiquement, c’est un sans faute.

La traduction, elle, est un peu trop littérale par moment. Peut-être que des adaptations ou des explications auraient été nécessaires pour certains paragraphes. Par exemple, un texte présente le rôle de Maître de Jeu qui est appelée « Maman ». En anglais, c’est implicite et compréhensible immédiatement : le Game Master (GM) est appelé Game Mother (GM). On comprend facilement quel est le rôle de Mother. En français, c’est moins évident et ça aurait peut-être mérité des précisions.

Par contre, au rang des satisfactions, la classe de personnage « Roughneck » est traduite en « Prolo », ce qui fait sens et est en adéquation avec l’esprit du jeu. En effet, dans Alien, il y a une lutte des classes entre les gens moyens et les corpos qui les exploitent. Cette appellation de Prolo exprime bien cette thématique et c’est particulièrement bien vu. Une traduction comme « dur à cuire » aurait été bien plus neutre.

On peut dire qu’Arkhane a fait un bon boulot pour se mettre au niveau de l’original. Ce n’était pas facile et pourtant, ils ont fait (légèrement) mieux. Bravo donc.

En plus de mon ALIEN RPG…. Je voudrais un masque face huger(*2)…

Ce jeu est une grande réussite et mérite votre attention. L’adaptation est intelligente : elle respecte les œuvres originales tout en proposant de nouvelles choses pour étendre les possibilités de jeu. Ces propositions ne sont pas anecdotiques, elles sont bien réfléchies et promettent d’être en accord avec l’évolution de la franchise cinématographique (*3).

Espérons qu’une gamme importante suive. Actuellement, il y a déjà deux scénarios en VO pour le Mode Cinéma. Le premier a été traduit dans la boite d’initiation (dont vous trouverez la critique ici). Le deuxième le sera sûrement bientôt. Si ces scénarios sont de bonne facture, des règles pour le Mode Campagne voire une campagne officielle seraient un ajout important pour la gamme. Des suppléments de contexte ou de background seraient également appréciables. Vue la qualité des autres production de Free League, on ne peut qu’être optimiste pour la suite de la gamme.

Vous l’aurez compris Alien RPG est un véritable coup de cœur. Pour moi, il fait partie des meilleurs jeux de l’année 2020 et je vous le recommande donc chaudement.

A qui s’adresse ce jeu ?

Si vous êtes fan d’Alien, ne vous posez pas de question : ce jeu est fait pour vous. L’ambiance est respectée. On sent l’intérêt des auteurs pour cet univers. Si jamais, vous ne connaissez pas le jeu de rôle, pas de problème. Alien RPG est suffisamment simple pour ne pas rebuter les débutants. C’est un excellent jeu d’initiation.

Si vous êtes un fan du système Year Zero (si, si, ça existe), vous trouverez l’implémentation la plus aboutie de ce système avec l’ajout des règles très réussies concernant le stress et la panique.

Si vous aimez les jeux de space opera ou cyberpunk, vous trouverez de quoi développer mettre en place des thématiques sombres, mais riches et intéressantes.

Enfin, si vous êtes un fan d’ambiance horrifique, vous pourrez mettre en place facilement et efficacement un slasher movie spatial qui tiendra vos joueurs en haleine.

Et rien de cela ne vous motive particulièrement, les qualités intrinsèque d’Alien RPG valent le détour. Ne passez pas à côté de ce jeu : c’est beaucoup plus qu’un simple jeu de monstre slasher de l’espace.

NdlA :
(*1) LA SAGA ALIEN
Depuis 1979, la SAGA ALIEN a proposé 4 films numéroté : Alien, le 8e passager (1979) de Ridley Scott, Aliens, le retour (AKA Alien 2 en 1986) de James Cameron, Alien 3 (ou Alien ³ en 1992), de David Fincher et Alien, la résurrection (AKA Alien 4 en 1997) de Jean-Pierre Jeunet. Les Années 2000 verront la sortie de deux cross-over Alien vs. Predator de Paul W.S. Anderson (ou AVP en 2004) et Alien vs. Predator : Requiem de Greg et Colin Strause (en 2007). Les Années 2010 sont marquées par un retour à la barre de Ridlet Scott avec les sorties de Prometheus (en 2012) et de Alien Covenant (en 2017). Ces deux films sont en fait des prequels de la SAGA et prévoyaient d’expliquer les origines des Alien et de répondre aux questions laissées en suspens dans la quadrologie.

(*2) Excellente idée pour favoriser la distanciation sociale.

(*3) : Récemment, Disney a fait de nombreuses annonces à ses investisseurs. L’une des plus intéressante est la promesse d’une série en 10 épisodes dans le monde d’Alien. Cette série est censée se passer sur Terre dans un futur proche. Noah Hawley (Legion, Fargo) sera le showrunner et Ridley Scott est pressenti pour être producteur exécutif. L’approche semble axée sur le drame humain et les personnages. Bien sûr, un ou des Alien seront présent(s) pour rajouter du drama. Cette manière de présenter les choses fait furieusement penser au Mode Campagne d’Alien RPG, non ?

4 pensées sur “Alien – Le livre de base VF [chronique]

Commentaires fermés.