L’interview impériale !

C’est peu de dire qu’Imperium 5, jeu encore en foulancement sur gameon nous a intéressés depuis que Vincent a mis la main sur les kits en octobre dernier. Et intrigués, aussi. Beaucoup. Et comme on avait plein de questions, on est sorti de notre timidité pour aborder les porteurs du projet. Au final, l’auteur-compositeur-éditeur Patrick Massaad et son aide maléfique Trickytophe recruté dans le cadre de cette souscription ont accepté de nos répondre.

Le Fix : Salut, nous c’est le Fix. On veut tous être Narbeuh à la place de Narbeuh. Et vous, vous êtes qui ?

Patrick Massaad: Hello, ravi de vous rencontrer, Mr le Fix. Pour ma part je me nomme Patrick, dans le cadre du JdR, je suis créateur et auteur d’IMPERIUM5 et gérant d’Obhéa Éditions.

Trickytophe: Moi, c’est Trickytophe, Tricky pour les intimes. On se connaît déjà un peu, non ? Je suis un rôliste passionné depuis plus de 30 ans et un modeste auteur/créateur depuis huit ans environ. J’ai participé à pas mal de projets (principalement chez les Deadcrows). En vrac : Héroïques, Colonial Gothic, Nautilus, Aquablue, Awaken, Calliopé, etc.  Le dernier en date étant Donjons et Chatons.

J’ai rencontré Patrick au FIJ de Cannes en 2020, au tout début de l’aventure Imperium 5. J’ai immédiatement été séduit par cet univers et par la personnalité sympathique de ce sacré barbu. A partir de là, j’ai suivi le développement du jeu. L’année dernière, Patrick m’a proposé de rejoindre l’équipe. J’ai bien sûr dit oui. Je suis vraiment heureux d’avoir la chance de bosser sur cet ambitieux projet.

Je suis plus particulièrement chargé de construire avec Patrick le livre 2 du jeu consacré aux secrets de cet univers.

Le Fix : Comment présenter Imperium5 ? Un jeu de SF ? Le renouveau du cyberpunk ?

P: J’aime la notion de renouveau du cyberpunk, je préfère définir Imperium5 comme un jeu de science-fiction, une sorte de planète opéra puisque toutes les thématiques abordées en space opera sont reprises au sein d’un huis clos planétaire. Au-delà de la technologie qui a un rôle important, c’est la relation aux souvenirs et à l’oubli qui est centrale. La thématique « néo-cyberpunk » est introduite par l’événement fondateur de l’univers, le crash quantique, un cataclysme qui a effacé la mémoire des individus et des entités artificielles (IA, Android, unités de stockage …). Cela pose les fondements sociaux, économiques et technologiques de l’environnement des joueuses et des joueurs. La civilisation bascule de démiurge au pouvoir quasi divin, à l’individualité qui se cherche et qui cherche à comprendre. Cela crée une multitude de dualités, technologiques, existentielles, de consciences.

T: Imperium est un jeu de rôle de SF sombre et tourné vers le transhumanisme. Par bien des aspects, il est également proche du genre cyberpunk. Il se déroule dans un huis clos planétaire, au sein d’une société globale refondée suite à une catastrophe quantique qui a effacé toutes les mémoires (vivantes et artificielles). On y incarne des personnages à la recherche de leurs souvenirs et de ce qu’était leur monde auparavant, leurs origines, car ils ressentent une dissonance, des étrangetés, dans la vie et le modèle qui leur sont proposés. Au quotidien, ils peuvent être hacker, journaliste, soldat, etc. Ils ont un rôle dévolu. Il est important de souligner que leur corps est plasmatique et que quelques particules suffisent à les reconstituer.

Le Fix : Quelles sont les sources d’inspirations pour Imperium5 ? Que ce soit pour l’univers ou pour le coté jeu de rôle.

P: Elles sont multiples, j’ai principalement été inspiré par un triptyque créatif : Blade runner (Film), Ilium/Olympos (Dan Simmons), Watchmen (BD). Il y a d’autres sources qui m’ont éveillé à la SF ou à la notion de réalité/fantasme (Ubik de Philip K. Dick). Je ne me reconnaissais pas dans les notions datées du cyberpunk des années 80, qui perdurent jusqu’à maintenant et qui ne me paraissent pas cohérentes par rapport à ce que l’on vit depuis 2010. Je voulais aborder et raconter, à mon niveau, une histoire différente très éloignée de l’anticipation, sans relation avec notre terre, proche du space opera, mais à dimension humaine. Et c’est la ou j’aime la notion que tu as abordé « le renouveau du cyberpunk ».

Des JdR ont été inspirants et ont apporté une réflexion sur ce que devait être l’échange autour de la table : l’équilibre de parole, une narration un peu plus libre et des mécaniques de rôles et d’actions (de moves). Les inspirations JdR ne concernaient pas l’univers, mais plutôt les mécaniques récentes véhiculées depuis le début des années 2000 et étendues dans les années 2010 (The forge, Apocalypse World, Fate …).

T : Niveau univers, Impérium5 est inspiré en autre par Blade Runner (le film) et les romans de Dan Simmons (comme Olympos) . En fait, plusieurs courants imaginaires, littéraires ou graphiques, marquent Imperium5. Pour autant, ce jeu les rassemble et les aménage d’une manière  qui lui est propre.

Niveau JdR, on peut citer Mindjammer ou Eclipse Phase. Au niveau plus technique, Imperium5, par son approche narrative et cinématographique à la fois, lorgne vers des systèmes de jeu comme FATE ou les PBTA. Mais, là encore, Imperium5 propose son propre système original tout en étant influencé par diverses autres mécaniques.

Une mégalopole du monde d'Imperium 5. Image illustrant le cadre urbain d'Imperium 5, jdr de Obhéa Editions

La question à se poser est : qui y a-t-il dessous ou au-dessus ?

Le Fix : Le décor de jeu semble être très urbain. Y’a-t-il quelque chose derrière la ville ?

P: Derrière les villes, il y a soit des villes soit des débris à perte de vue. Les humains ont colonisé une planète dont le peuple autochtone, les Morlocks l’avaient déjà hyper urbanisée. Les villes sont des protagonistes de l’histoire. Les villes quasi divines des colons (votre civilisation), les débris des villes Morlocks qui s’entassent tels des ruines archéologiques, Les palais des Nobles, les fameuses pyramides. L’histoire de ce protagoniste urbain, son caractère, sa nature changeront la couleur des aventures des joueuses et des joueurs. Chaque capital, de chaque empire aura une teinte, une couleur, un gout unique.

La question à se poser est : qui y a-t-il dessous ou au-dessus ?

L’aspect urbain est le décor du réel et ce n’est qu’une facette du jeu. D’autres décors existent. L’Onde en fait partie, elle plongera les joueuses et les joueurs dans des environnements plus volatiles, moins stables et plus oniriques. L’espace proche est un troisième décor.

T : La planète où se déroule Imperium5 est entièrement urbanisée, et ce sur une épaisseur impressionnante, des strates et des strates. De plus, les unités de vie et les pyramides hyper technologiques ancrées sur cette surface artificielle, et où évoluent les personnages, sont elles aussi des structures urbaines faramineuses. De plus, sur cette planète, la végétation est quasi inexistante. Ainsi, oui, I5 est avant tout un JdR urbain. Après, il y a également l’océan et ses profondeurs… Un sujet qui sera traité dans le livre des secrets par exemple.

Cet univers volontairement ultra urbain a un sens dans le jeu. Il recèle de réponses, de mystères, d’Histoire, etc. Alors, pour répondre à ta question, oui, il y a quelque chose de fondamental derrière cette Ville globale.

Le Fix : Imperium5 est un jeu à secret. Est-ce qu’ils seront tous révélé avec les ouvrages proposés dans la souscription, ou est-ce que vous en gardez encore sous le coude ?

P: Tous les secrets d’IMPERIUM5 sont dans le livre 2, “Les secrets”. Pour donner de l’espace au MJ, on ne souhaite pas tout couvrir, le maillage sera suffisant en informations, mais permettra a chacun d’y ajouter sa touche. D’ailleurs tous les dimanches durant le FP, il y a des Live Collaboratif qui permettent à la communauté de participer et de contribuer en partenariat avec une ou un maitre de cérémonie (disponible sur youtube @obheaeditions). Trickytophe participe aux développements de certains secrets, il apporte son expérience à l’univers.

Par la suite, du contenu sera apporté au travers des différents sites web.

T : I5 est un univers qui par essence est lié à la notion de secret. C’est le cœur du jeu puisque les personnages sont à la recherche de réponses, de souvenirs, d’origines, d’une compréhension (ce qui ne veut pas dire une acceptation)… C’est pourquoi tous les piliers du jeu se doivent d’être révélés dans la gamme de base. C’est essentiel afin que la meneuse de jeu aborde sereinement cet univers foisonnant. Des points d’univers seront sans doute développés par la suite (comme l’Onde qui relie tout et tous), mais les secrets seront dévoilés entièrement dans le livre 2 car ils forment la dynamique et la toile de fond d’I5.

Le Fix : L’univers du jeu permet la « réincarnation » via le système de ReBuild. Y’a-t-il de l’enjeu pour les joueurs si leur personnage ne peut pas mourir ?  

P: Je me suis posé la question en introduisant cet élément. Je pense qu’il y a un intérêt d’être immortel dans un JdR, cela permet de centrer la narration sur d’autres points d’attention. Cela donne une autre dynamique et apporte des enjeux différents. Est-ce que souffrir éternellement, ne pas savoir qui on est, se faire manipuler, ou avoir la mémoire totalement effacée n’est pas aussi un enjeu pour les joueuses et les joueurs veillent à garder l’intégralité de leurs personnages ? Il y a tellement d’autres choses a craindre pour son personnage … et d’ailleurs si on fait du métajeu, le personnage ne perdure pas un peu dans chacun des joueuses et des joueurs qui lui auraient donné vie ?

T : A la fameuse question de la perte de son personnage ! L’ultime enjeu pour un rôliste ? L’ultime épreuve ? Dans I5, les personnages peuvent-ils être sûrs d’être reconstruits à l’identique de ce qu’ils étaient avant leur destruction temporaire ? Il y a-t-il une intervention extérieure sur les pods de ReBuild afin de changer certains détails tant de conscience que de physique ? Les pods prennent-ils des « libertés » par eux-mêmes ? Comment être sûr au réveil que ce dont on se souvient est bien la vérité ? Cette « réincarnation », pour reprendre ton terme, est un enjeu en soi, donc être détruit et reconstruit l’est tout autant. Au-delà, lorsque tu es immortel pour ainsi dire, ne crains-tu pas d’autant plus l’annihilation ? Car, soyons clairs, même si elle reste exceptionnelle, la fin est possible dans le jeu. Un joueur peut décider que son personnage est un casse-cou puisqu’il sera reconstruit, mais à ses risques et périls…

Le Fix : La souscription propose une campagne et permet d’en débloquer trois autres, aux thèmes très variés. Est-ce que ces intrigues doivent se jouer séparément (même s’il y a des imbrications entrent-elles, comme les films marvel) ou forment-elles une seule et même campagne ?  

T : Je laisse Patrick répondre à cette question car je serais tenté d’en dire trop.

P: Les campagnes sont des éléments d’introductions du monde, elles permettent de découvrir les 4 grandes facettes du jeu et de l’univers, pour ensuite plonger dans les secrets et explorer au rythme de sa table le monde d’IMPERIUM5. Elles sont faites pour être jouées par un même groupe, elles sont imbriquées ce qui permet de les parcourir. Il est possible de les parcourir dans un ordre particulier. Mais il y a des moments de “pause”, des sauts scénaristiques et narratifs qui laissent la liberté à chaque table et au MJ de faire des scénarios. 

L’arc narratif ReBuild 0, celui introduit par le kit de démarrage du même nom,  aura aussi 6 aventures qui construiront une mini campagne d’une petite centaine d’heure et qui viendra se rajouter à cette plongée dans l’univers.

Le Fix : Imperium5 est le premier jeu d’Obhéa Éditions. Et on avoue être très surpris par la qualité générale du contenu. Le kit de découverte a une édition remarquable, les illustrations, la mise en page. Même la page de la souscription est extrêmement claire. Quel est votre secret ?

T : On vient du futur ! Plus sérieusement, Patrick s’est entouré de différents talents et il sait écouter. Il a aussi une vision très claire d’I5, de sa ligne artistique ainsi que de sa ligne éditoriale. C’est un vrai plus, un gage de qualité et de cohérence. Surtout, au sein de l’équipe, nous souhaitons vraiment développer ce projet de manière collaborative. Notre premier souci est de livrer des produits de qualité et à la hauteur des attentes de la communauté. Bref, on travaille dur !

P: Pas de secret, beaucoup d’éditeurs, récents ou moins récents, ont et font des produits de qualité. Même si le métier reste en majorité poussé par des passionnés, on se doit de produire et d’apporter de l’innovation, de la qualité graphique, des propositions nouvelles au niveau des maquettes, ou d’innover dans les propositions ludiques. Il y a de plus en plus de jeux narratifs, de jeux de rôle, il faut se démarquer.

L’intérêt d’avoir fait des versions alpha puis bêta du jeu avant de faire le kit était d’avoir des retours, de confirmer nos choix et de nous entrainer. On a encore beaucoup à apprendre, et on doit accepter de faire des erreurs, de les reconnaitre, c’est le seul moyen de nous améliorer.

Le Fix : le foulancement est déjà réussi, du coup, vous nous diriez quoi pour nous convaincre de financer le projet ?

T : I5 est un projet ambitieux. Obhéa est une jeune maison d’édition. Le développement de ce JdR se veut novateur par bien des aspects. C’est beaucoup d’investissement ! On a donc besoin d’un maximum de soutien !

P: On peut apporter plus, on a encore une campagne à débloquer, on souhaite commander plus d’illustrations afin de vous plonger dans l’univers que ce soient les moments de vie, plus de PNJ, plus d’équipements et de scènes qui vous apporteront de la profondeur. On aimerait que vous nous aidiez à imprimer les campagnes et les aides de jeu issus des lives collaboratifs, nous voudrions les diffuser aussi en boutique.

On souhaite aussi construire une communauté qui va utiliser tous les outils transmédias, afin que les aventures d’un groupe à paris puissent être utilisées en Belgique ou à Strasbourg. C’est le FP qui nous permettra de mettre ces outils en place de façon pérenne. 

Le Fix : En parallèle de cette actualité chaude, vient de sortir en boutique le kit de découverte de votre prochain jeu : Wallow Wide. Vous pouvez nous en dire plus ?

T : Je laisse la main à Patrick. Je n’ai pas travaillé sur cet autre beau projet, mais, pour suivre son avancée, je n’en pense que du bien. Encore une fois, Obhéa éditions a la volonté de proposer des univers et des jeux variés. Des imperiums au Wyoming, on ne fait pas mieux.

P: Oui, nous avons quelques jeux que nous préparons avec amour pour la saison 2023/2024. Wallow Wide fait partie des nouveautés et nous essayons d’appliquer la même politique que pour IMPERIUM5, on propose de jouer et d’avoir le retour des joueuses et des joueurs.

Wallow Wide est un jeu qui plonge la table dans une ambiance familière et exotique à la fois. Vous serez dans le Wyoming, dans une série policière américaine, dans la complexité des juridictions américaines, le shérif, le marshal, la police routière, la juridiction indienne … à cette trame, la vie normale et traditionnelle de l’Amérique profonde vient se superposer et pour finir il y a la vie, les difficultés, les peurs et les espoirs des personnages. Le tout s’amalgame à la trame de l’enquête policière qui mènera les PJ sur une enquête autour de la ville de Wallow.

Illustration de Wallow Wide: un homme, une cigarette à la bouche, un fusil à pompe sur l'autre surveille un hameau aux pieds de montagne. L'image illustre le jdr Wallow Wide d'Obhéa Editions