La fin du monde est là ! Et elle se nomme Mork Borg [chronique VO]

C’est fou comme parfois une simple rencontre peut vous faire radicalement changer d’avis.

Tenez, prenez le Fix par exemple. Avant, nous avions une ligne éditoriale stricte : nous ne traitions que des jeux sortis en français. Jusque là, nous arrivions sans mal à publier une news par jour.

C’est alors que parmi nos quatre jeunes recrues, se trouve Romuald. Oh, au début, on ne se doutait de rien. Il nous propose une excellente critique du non moins excellent supplément « Berlin, la dépravée« . Puis rapidement, tout s’enchaine : interview d’éditeur anglais, news sur des sorties allemandes et mise en avant de kickstarter, là aussi, en anglais.

Pas de le temps de réagir, que je me retrouve avec un jeu anglais, publié par un éditeur suédois, dans les mains : Mork Borg. Notre ligne éditoriale vient de voler en éclat. Mais le jeu en vaut il la peine ?

(Spoiler : vue des récompenses que le jeu à eu aux Ennies, je pense qu’on peut y aller en toute confiance)

Les récompenses obtenues aux Ennies

Morbide Angel

Avant de parler du fond, parlons de la forme. Car c’est surtout pour cela que le jeu fait parler de lui. Ne mâchons pas nos mots : Mork Borg est une œuvre d’art.

Les visuels, la typographie, la mise en page. Tout dans le livre émerveille et offre un plaisir visuel unique (même le signet est beau). Alors, bien évidement, il faut être sensible à l’art morbide et de la mouvance métal dans ses retranchements les plus extrêmes (surtout dans le choix de certaines typos). Mais ça marche ! Visuellement le jeu est magnifique et retranscrit une ambiance des plus macabres en accord avec l’univers du jeu.

Mais cette énorme qualité joue aussi en défaveur du jeu. Car malheureusement, cela le rend difficilement traduisible (« mais impossible n’est pas français !« , non ?).

Il aurait fallu prendre chaque page en photo pour vous retranscrire au mieux l’ambiance visuel unique qu’il s’en dégage.

Dark Soul, le jeu de rôle

Il y a plus de 300 ans, Verhu – l’une des têtes d’un basilique à 2 têtes – prophétisa la fin du monde à un moine nommé Anuk Schleger. Ce dernier retranscrit cette sinistre prophétie par écrit. Aujourd’hui, en l’an de non-grâce 865, pendant la construction d’une nouvelle cathédrale en l’honneur de ce basilik à deux têtes (appelé « Lui ») ces textes furent découvert et il s’avérèrent que ces écrits sont absolument et factuellement vrais. 7 évènements (« The Seventh misery ») doivent encore se produire avant la fin du monde. Autant dire que c’est demain.

Pour retranscrire cette fin de tout en mécanique de jeu, la meneuse choisit la durée de sa campagne. Un dé correspondra à la longueur de jeu souhaitée. D2 pour « une nuit » au D100 pour « une année de souffrance ». A chaque aube, le meneur jette le dé correspondant et sur un « 1 », une prophétie se réalise (dans l’ordre des écrits).

Une fois les 7 prophéties réalisées, le monde sera fini. L’auteur termine même en indiquant « The game and your live end here. Burn the book »

C’est dans cette ambiance de fin du monde et dans un univers des plus macabres que vos PJ devront survivre.

Des exemples ?

Au Nord-Ouet, se trouve Kergüs. Royaume de glace dirigé par la comtesse Anthelia’s. « Pourquoi tout est si pale ? Si froid ? » se demande-t-elle ? Ce qu’elle ne sait pas, c’est que c’est elle qui aspire toute forme de vie et de « couleur » autour d’elle. Tel est son fardeau.

Sarkash, une forêt sombre qui ne cesse de s’étendre. Vite. Bien trop vite. Que peut-elle bien apporter avec elle ?

La rumeur raconte qu’à l’Ouest, derrière la vallée des malheureux non-morts, vit « Elle » (She), le premier basilique à 2 têtes, détenteur de la « vraie-vérité » (ce qui parlera assurément aux joueurs de Dark Soul 1).

Une petite dizaine de lieux, à l’ambiance très marqués, sont ainsi esquissés dans le livre de base. Malgré leur coté succinct, les textes vont à l’essentiel et sont très inspirant.
Le bestiaire, présent à la fin de l’ouvrage, viendra donner un peu plus de profondeur et de noirceur à l’univers.

Si vous avez aimé des jeux tel que Chevalerie et Sodomie ou Macadabre, vous ne serez pas insensible à l’univers décadent de Mork Borg. Mais les deux jeux sus-cités ont, pour moi, un petit plus que Mork Borg n’a pas : un objectif pour les PJ. Dans Chevalerie et Sodomie et Macadabre, les PJ doivent éliminer respectivement le Marquis ou la Comtesse. Un but commun qui leur permet de subir et de combattre le monde atroce dans lequel ils vivent. Dans Mork Borg, il n’y a pas vraiment d’échappatoire à la fin du monde. Mais vivre la fin du monde peut aussi être une expérience en soit.

Ceci étant, l’ouvrage se termine par un scénario d’introduction, un dungeon crawl très bien écrit de 15 salles, dans lequel les PJ – alors prisonnier et condamné à mort – seront missionné par le « Shadow King » pour retrouver son fils disparu. L’occasion pour eux de s’offrir une « seconde vie ».

Comment qu’on meurt ?

Comme la description du monde, le système de jeu se veut minimaliste et efficace.

Les caractéristiques de votre personnage, ainsi que son inventaire, se choisissent aléatoirement. La seule chose que vous pouvez choisir, c’est le nom de votre PJ. Mais comme le précise le jeu « Nommer votre personnage si vous le souhaitez, mais ça ne le sauvera pas » (ambiance !)

Le jeu propose une option « avancée » dans laquelle vous pouvez choisir une classe de perso. Chacune d’entre elles propose ses propres spécificités et ses propres tables de créations. Ne prenant pas forcément plus de temps à la création, il serait dommage de s’en priver. Surtout qu’elles changent des classiques du genre. Vous aurez ainsi le choix entre :

  • Un déserteur carnassier
  • Un enfant maudit devenu roublard
  • Un ermite ésotérique
  • Un prêtre hérétique
  • Un druide occulte
  • Un prince déchu

Le personnage est défini par 4 caractéristiques (agilité, présence, force et endurance). Chaque valeur octroie un « bonus » (allant de -3 à +3) qui viendra s’ajouter au résultat d’un D20. Il faut faire plus que le seuil de difficulté fixé pour réussir son action. ça va de 6 (« tellement simple que si vous échouez, les gens riront de vous ») à 18. La difficulté moyenne étant de 12.

Concernant la magie, tous les sorts sont sous forme de parchemin. Si vous savez lire, vous savez lancer un sort. Par contre, si vous ne savez pas lire et que vous héritez d’un parchemin à la création de personnage, le jeu vous stipule que « vous pouvez relancer les dés, bouffer le parchemin ou vous torcher avec ».

Vient s’ajouter à tout cela les points de « présages » (Omens), qui sont ni plus ni moins l’équivalent de point de destin permettant d’activer des « super bonus ».

Mais l’intérêt de la création de personnage ne se fait pas d’un point de vue « mécanique », mais plutôt pour le lore qu’apportent les objets magiques,  les vécus et les classes.

Une feuille de perso existe en Français sur le site de l’éditeur

Mise en page somme toute originale pour le choix des armes

Un petit jeu qui ne demande qu’à grandir

De part son univers, sa mise en page et ses descriptions, Mork Borg est inspirant. Et pour preuve : il bénéficie d’une énorme communauté de fans qui propose du contenu de qualité. Ce contenu a été regroupé dans un premier supplément intitulé : Mork Borg Kult : Feretory. Un livret de 62 pages, au même format que le livre de base (mais en couverture souple), qui regroupe 14 aides de jeu et scénario produits par les fans. Et il y a du très bon là dedans :

– un générateur de monstre
– un guide sur les voyages (calcul des distances, table aléatoire d’évènements)
– un bestiaire par région
– une région détaillée sous forme d‘hexa-crawl
– une liste de 100 objets et bibelots
– un scénario
– La vie d’une taverne : avec menu, rumeurs et règles d’un jeux de dés (the three dead Skull)
– Trois nouvelles classes de personnage

Aide de jeu sur les distance
Un extrait du nouveau bestiaire (par région)
De quoi donner vie à vos tavernes

Un contenu étonnant et détonnant qui enrichit encore plus le contenu du livre de base. Plutôt que de détailler ce dernier, il ouvre le champs des possibles en fournissant encore plus de matière utile pour la meneuse.

Et cela ne semble pas s’arrêter puisqu’un second tome, intitulé Mork Borg Kult : HERETIC, est annoncé pour juillet 2021 et accompagné d’un magnifique écran :

The MÖRK BORG Screen of Doom (pas encore sorti)

En conclusion

Si des jeux comme Into The Odd, Lamentation of the Flame Princess, Macadabre ou Chevalerie et Sodomie sont dans votre ludothèque, alors Mork Borg est un indispensable pour vous. Sur le fond, comme sur la forme, le jeu est une pépite d’efficacité et de beauté macabre.

Le système de jeu, inscrit dans la mouvance OSR, ne révolutionne en rien le genre. Mais il fait le job, tout en proposant quelques bonnes idées par-ci par-là (comme la fin du jeu du monde qui arrive au terme de la 7ème prophétie).

Si je devais faire un reproche au jeu, si vraiment, vraiment, il fallait en faire un, ce serait concernant les descriptions. Je l’ai déjà dit, elles vont à l’essentiel et sont très inspirantes, mais elles peuvent par conséquent laisser un goût de trop peu. Il faudra que le meneur fasse preuve d’imagination et de travail pour donner un peu de chair à tout ça. Mais heureusement, un scénario est présent à la fin du livre de base pour mettre sur la voie.

J’espère vraiment qu’un éditeur (et un maquettiste !)  se penchera sur le jeu pour nous gratifier d’une édition française. D’ici là, je vais encore laisser notre ligne éditoriale de côté en attendant avec impatience la sortie du prochain supplément.

Liens :

Du contenu gratuit sur le site officiel
– Le kickstarter pour le supplément MÖRK BORG CULT: FERETORY (finit)
– Le kickstarter pour le supplément Mork Borg Kult : HERETIC (finit)

Règles pour jouer à Mork Borg en solo