IA cas, faux cons

Hein ? Quoi ? Où ça ?

Une polémique sur l’emploi de l’IA dans le JdR francophone ?

Hop, le Fix réagit promptement.

Pour ceux qui n’ont pas suivi, la première occurrence du drama a été notre dernier lundi/gratuit juste avant mes congés, c’était là : https://lefix.di6dent.fr/archives/23237

Si je reviens dessus après la guerre, c’est que, d’une, j’étais pas là et je n’ai pas pu me brasser ^^ mais, surtout, pour dire que (presque) tout est de ma faute. Croyant bien faire en vous concoctant un petit gratuit du Lundi supplémentaire (je devais m’arrêter au précédent) tout en bouclant ma valise, j’ai été clairement à court de temps (chose que cette rubrique hebdomadaire consomme allègrement…) et j’ai fait avec ce que j’avais sous la main sans chercher à vérifier mes infos ou même prendre le temps de demander à un de mes collègues concernés, l’excellent Orlov, ce qu’il en pensait.

Comme dit ma grand-mère de 97 ans, vite fait, bien fait, ça n’existe pas et du coup, ça se vérifie : j’ai fait bien de la merde en assimilant une prompteuse à une illustratrice de talent ou encore en vous incitant à, éventuellement, apporter votre obole à un PDF peinturluré à grands coups d’IA.

Les copaings de garde ont tout très bien dit dans l’avertissement qui, désormais, orne cet article fautif. Pour dire que je m’associe bien évidemment, je le recopie ci-dessous pour ceux qui ont raté le truc :

mise au point sur l’usage des IA génératrices

De nombreux lecteurs ont attiré notre attention sur le fait que les illustrations de Créatures de Lysérion et plus généralement celles d’Aetheria étaient le pur produit de la génération d’images par Midjourney. Nous les en remercions et nous en excusons tant auprès d’eux qu’auprès des illustrateurs qui déploient, chaque jour, un réel talent pour déployer une sensibilité personnelle et survivre. D’autres lecteurs ont également signalé que Le Monde implicite d’OD&D comportait également des images générées artificiellement.

Plutôt que de modifier l’article, nous reconnaissons nos erreurs et les laissons visibles, à titre d’avertissement, tant pour nous-mêmes que pour le public. Nous sommes arrivés à un point où les images générées peuvent faire illusion, surtout quand elles plagient un style qui a abondamment alimenté leurs bases de données comme le digital painting. Il n’est donc plus question de les regarder superficiellement et il convient de les tester, ce que nous n’avions pas fait pour Créatures de Lysérion et Le Monde implicite d’OD&D doit devenir un réflexe (par l’usage de The Hive ou de tout autre outil adapté).

Cette erreur nous place d’autant plus dans l’embarras que, collectivement, nous sommes unanimement d’accord pour proscrire l’usage des images générées dans toute forme de création rôliste. La position du Fix a été exprimée dans la conclusion de l’article The Ned Ludd Ballad et n’a, depuis, pas changé : nous ne saurions cautionner l’usage d’une technologie à des fins de plagiat et d’appauvrissement de la profession. Elle nous engage à ne pas faire de publicité pour de tels produits, et nous renouvelons nos excuses et notre engagement.

J’en profite aussi pour signaler que cette dérive actuelle fait planer le doute sur l’existence même de la rubrique du gratuit du Lundi. Nous allons être obligés, faute de pouvoir tout vérifier nous-mêmes, d’en exclure les produits « pas totalement gratuits » comme les « paye-ce-que-tu-veux », appels à dons voire kits de démonstration de futurs produits payants. Seuls ceux pour lesquels nous sommes absolument sûrs que l’IA n’a pas été utilisée (je pense au Patreon Chibi par exemple) pourront être tolérés dans ce cadre.

En ce qui concerne les gratuits vrais de vrais, ceux qu’on appelait jadis du beau mot de amateur, il n’y a pas de consensus au sein de la Redac6on mais, en tant que rédacteur quasi-exclusif de la rubrique du lundi/gratuit, j’assume cette position personnelle : l’usage, clairement indiqué, de l’IA à des fins d’illustration pour des productions 100 % gratuites restera toléré.

Après, si c’est vraiment trop moche, on fera comme d’habitude : on fera mine de ne pas vous avoir vu et on ne parlera pas de vous le lundi, hein ?

Je profite de cet article pour évoquer les autres polémiques sur l’IA que ces diables d’éditeurs ont fomenté dans mon dos pendant mes légitimes et tant mérités (si, si) congés. Là aussi, fidèle à notre ligne éditoriale, notre rôle n’est de taire aucun projet mais de vous informer le plus précisément possible de ce qui est dû au talent des artistes et ce qui a été généré à la va-vite en 2/3 prompts.

Évoquons d’abord le nouveau projet de Posidonia. Rien ne nous étonne plus chez cet éditeur, notamment sa capacité a lancé encore et encore de nouveaux foulancements malgré les retards de livraison parfois considérables sur d’autres projets.

Ce nouveau projet n’est pas follement original : il s’agit d’un CF mené pour financer… une campagne Cthulhu ! Ah, ouf, ça tombe bien : je n’en avais plus sous la main… Intitulé Sous le règne de Cthulhu, le projet est actuellement en foulancement sur Game On Tabletop. D’abord présenté à grands renforts d’images générées par IA (il paraît même qu’il y avait un tentacule à six doigts, c’est dire…), la page a depuis été modifiée. L’éditeur a qui plus est publié un communiqué qui présente une défense façon Le Monde (pour ceux qui suivent ce genre d’affaires…) dans le registre « c’est pas nous, chef ! ». Nous le reproduisons ici :

Nous entendons les critiques des artistes envers l’IA, et nous avons décidé de modifier la campagne : quel que soit le palier, le livre ne comportera aucune image générée par une IA, et nous avons retiré les images générées par IA de l’illustration de la campagne.
Nous souhaitons attirer l’attention des critiques sur le fait que les images incriminées ici n’ont pas été générées « gratuitement » pour ce propos. Elles ont toutes été achetées dans Adobe Stock, au cours de la préparation du jeu et de la campagne (depuis réception des textes en 2020). La mention « Généré à l’aide de l’IA » n’a été ajoutée à ces images que depuis quelques mois, suite au changement de politique d’Adobe sur ce sujet. Avant cela, rien n’indiquait que ces images étaient la construction d’une IA générative (évidemment, nous ne parlons pas ici de mains à 6 doigts ou de chats à 3 queues, mais d’images qui pourraient très bien passer pour la production d’un artiste). Nous avions à ce stade réalisé une longue et minutieuse sélection parmi les images d’Adobe Stock, pour acheter celles qui correspondaient au mieux au texte. Peu avant d’ouvrir la campagne, nous nous sommes donc aperçus de ce statut problématique de la plupart des images sélectionnées, et nous avons (sans doute maladroitement) voulu proposer le remplacement progressif des images issues d’une IA au fil de différents paliers, et nous comprenons que cela envoie un mauvais message, perçu par certains comme un « chantage ».
Nous espérons que cette mise à jour des conditions de la campagne permettra de clarifier la situation, et de recentrer les discussions sur le jeu lui-même.

L’erreur est humaine et changer d’avis est certainement un signe d’ouverture d’esprit. Bien. On continue quand même de s’interroger sur le rôle d’éditeurs comme Posidonia qui récupèrent des projets déjà achevés (c’est manifestement le cas de cette campagne qui tourne depuis un moment) et qui, n’avançant pas les fonds, les passent au stade du foulancement sans guère de travail préalable. Pour le dire autrement : si un éditeur ne peut même pas financer la réalisation préalable de quelques illustrations en guise de démonstration pour ses futurs souscripteurs, est-ce encore un éditeur ? Vous avez deux heures.

Un mot quand même sur le foulancement en cours qui s’achève dans une poignée de jours : il est déjà financé à plus de 220 %. IA ou pas IA, le poulpe, ça marche toujours bien visiblement.

L’ouvrage financé devrait peser au moins 350 pages (ça en fait des illus à faire ça…) pour abriter 13 scénarios se déroulant à diverses époques mais tous liés par le fil conducteur de la campagne. Curieusement, alors que les systèmes estampillés Cthulhu-compatibles sont désormais innombrables, la campagne sera motorisée par un système original appelé Dcartes et qui utilise donc des cartes à la place des dés. Attention, ce sont des cartes spéciales et il faut un deck par joueur. Ça finit par faire cher : le CF permet d’ailleurs d’acquérir un lot de… 260 cartes. Un palier récent vient aussi d’ajouter un écran du MJ au matériel financé. Une campagne, des règles, des cartes, un écran… on pourrait presque parler d’un jeu à part entière, en somme.

Si on parle de foulancements chelous, il y a un autre éditeur qui ne pouvait pas faire l’impasse. Je veux parler bien sûr de 500 Nuances de Geek. L’audacieux éditeur vient en effet de relancer totalement par surprise sa gamme FATE qui semblait grandement délaissée depuis un certain temps. Alors, comme d’habitude, il faut s’accrocher pour comprendre quoi que ce soit et le contenu JdR est bien dissimulé.

Au programme, on a donc :

  • deux volumes d’une encyclopédique sur des uchronies qui servent de base et de fil conducteur à ce CF ; à noter que ces deux ouvrages sont bilingues. Pourquoi pas un seul ouvrage en une seule langue chacun ? Mystère. En tout cas, ça risque de vous faire cher pour deux bouquins avec deux fois le même texte dans deux langues différentes. Soyons clairs : le contenu est ici 0 % JdR, seulement du contexte.
  • le JdR qui va avec est une création originale, Omega Alternative, qui ne doit être confondu ni avec Omega (dont il reprend quasiment la graphie du titre) ni avec MEGA tout court dont il reprend l’essentiel du concept soit une agence chargée de régler les problèmes d’uchronie, de voyages dans le temps et ce genre de choses. Le jeu est supposé faire entre 250 et 300 pages et être donc motorisé sous FATE. Il sera doté d’une curieuse couverture amovible faisant aussi office d’écran : celle-ci sera illustrée par Thierry Ségur (qui n’est pas une IA aux dernières nouvelles ^^).
  • FATE condensed est, comme le nom l’indique plus ou moins, la VF de la version condensée de FATE.
  • Le livre de Hanz est la VF d’une compilation d’articles de conseils pour tirer le meilleur du système FATE.

Vous pouvez encore ajouter quelques bricoles comme une grande carte des uchronies évoquées voire même un 3ème tome  à l’encyclopédie.

Le rapport à l’IA est ici très différent car entièrement assumé par le boss de chez 500NDG qui justifie son emploi non pas pour des raisons économiques mais esthétiques : selon lui, seule l’IA serait à même de rendre compte de l’étrangeté légèrement dérangeante voulue pour ces uchronies. (…) Ah bon ? J’en parlerai à Jérôme Bosch la prochaine fois que je le verrai.

De fait, on peut s’accorder sur le côté dérangeant puisque, en effet, c’est très, très moche et que cela dérange hautement la rétine. On ne sait par ailleurs pas grand chose de la répartition de l’utilisation de l’IA dans ces différents ouvrages puisque seules les couvertures des deux volumes de l’encyclopédie semblent pour le moment concernées. Y en aura-t-il à l’intérieur ? Dans le JdR aussi ? Payez, bonnes gens et vous aurez la surprise à réception du produit.

Tout ceci, d’ailleurs, ne semble pas avoir effrayé le rôliste de passage puisque le CF est financé, d’ores et déjà, à près de 300 %, un bon score selon les standards de 500NDG. Et de quoi, sans aucun doute, alimenter notre/votre réflexion sur le sujet.

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