Et le gagnant est … le Jeu de rôles !

Avec le Printemps, entre les Oscars et le Festival de Cannes, un prix d’une haute importance récompense d’heureux élus. Nous parlons bien sûr des prix rôlistes qui viennent d’être rendus le 24 avril. Cette cérémonie est organisée par nos collègues de Rôliste.tv et on peut la regarder sur leur chaîne Youtube. C’est glamour au possible, il y a des paillettes, des rayons cosmiques en fond et on s’est bien habillé.

Malgré cela, autant le dire franchement, la question des prix ça nous divise pas mal à la rédac. Rappelez-vous, Le Fix était partenaire du premier prix rôliste en 2019. Et on avait considéré qu’on avait merdé. Pourquoi ? Parce que l’un des critères du prix rôliste est la disponibilité en boutique. Nous considérions et considérons toujours que cela rend invisible une partie non négligeable de la production rôlistique française. Nous nous sommes depuis retirés de cette opération et continuerons à ne pas participer.

Donc, forcément, comme on ne participe pas aux agapes somptuaires qui caractérisent ce genre d’opération (on plaisante, on parle de JdR, je suis même pas sûr que l’on ai offert au jury la mayonnaise sur leur sandwich triangle), on a envie d’en dire du mal. En fait, les anciens sont grave jaloux tandis que les jeunes pensent qu’on va un jour faire notre propre prix Le Fix du meilleur supplément d’un jeu allemand ou du meilleur jeu publié par un membre de la rédac. Ensuite, on trouve que ça a un côté « Professionnels de la profession » qui nous déplaît dans un loisir où chacun est tout à la fois bricoleur, auteur, rédacteur, traducteur. Du coup, on se sent toujours apte à juger (si possible sévèrement) le travail d’autrui. Mais en même temps, la dernière fois que j’ai tenté de dessiner un personnage, je me suis aperçu que, non, le JdR ça implique bien une chaîne de compétence et qu’il ne suffit pas de se dire « ah ah j’écris quand je veux un JdR de 400 pages et je vais sur gameon ramasser du pognon ». Enfin, il faut être honnête, le loisir est presque par définition non-compétitif donc, l’idée (pourtant économiquement bien réelle) que des jeux soient en compétition peut avoir du mal à s’ancrer dans la manière dont nous nous représentons notre loisir.

Et on peut donc toujours continuer à tourner la plume dans la plaie. On peut même soupçonner. Un éditeur n’est pas nominé ? Complot du jury ! Les mêmes jeux concourent dans plusieurs catégories ? C’est mal, ça vole du spotlight, et ça invisibilise certaines productions qui n’ont pas une solide équipe derrière ! Et puis, il y a toujours des jeux nominés qu’on n’aime pas, parce qu’aucun jeu ne peut plaire à tout le monde et, qu’on a tendance à n’aimer que les jeux auxquels ont joue. Or, personnellement, la liste des jeux que je n’ai ni lus, ni joués est bien plus grande que celle des jeux que j’ai lus, laquelle est encore plus grande que celle des jeux auxquels j’ai joué.

Bref, on peut toujours se moquer, contester, pinailler. Ne nous mentons pas, cette passion triste est aussi une manière de se défouler quand on échange sur les discords de la Rédac. Parce que, comme le dirait l’autre « le JdR c’est aussi des Egos » avec ce que cela comporte d’inimitiés voire de mesquinerie.

Mais le JdR c’est aussi magique … Se dire qu’en 2023, entre guerre, crise des prix, retraites, il est finalement presque sain qu’il se trouve encore des des gens se soucient encore de faire appel à leur imagination pour créer, faire jouer, écrire des textes, traduire, ou dessiner à la main plutôt que par une série de prompts. Et on peut étendre car la chaîne de production du JdR inclut aussi des gens prêts à répondre à des souscripteurs en colères sur les réseaux sociaux, à chasser des beulots parce que le foulancement a cartonné et qu’on ne savait plus quoi offrir aux souscripteurs si ce n’est un sac en peau du dit animal ou à transformer leurs cuisines en entrepôts Amazon. Et pour d’autres faire vivre le JdR, c’est ficher des jeux sur le grog, faire des vidéos vues par 13 passionnés et recommencer chaque semaine, ça reste beau parce que désintéressé.

Du coup, c’est avec une gratitude sincère qu’on remercie le jury. Déjà, il leur a fallu lire et sûrement beaucoup discuter, et je ne connais pas un jury où les discussions sont faciles. Ensuite, en s’acquittant de leur mission et en récompensant les heureux lauréats, ils ont donné de la visibilité à une activité qui en a toujours besoin. Et surtout, ils ont donné aux auteurs nominés et aux lauréats la seule récompense qui vaille dans l’état actuel du marché du JdR.

Car rappelons-le, le JdR ne permet pas à ceux qui créent de manger. Pour beaucoup d’auteurs et de créateurs, la seule forme de reconnaissance viendra donc des joueurs croisés en convention et des collègues qui encouragent, font un retour positif sur le travail et vous permettent d’augmenter vos ventes de 50 exemplaires parce que votre couverture s’orne du logo « Prix Rôliste 2023 ». Il suffit de voir l’émotion sincère de Francesco Nepitello sur le facebook du Prix rôliste pour comprendre. Francesco est pourtant impliqué dans le milieu depuis 1992 (lire sa biographie sur le grog) et a connu de beaux succès en Italie, pourtant on a l’impression qu’il a de nouveau 12 ans quand on lui remet le prix. Est-ce que ce n’est pas la plus belle manière de lui dire « Francesco on t’aime pour tout le boulot que tu as fait sur l’Anneau unique ».

Et notre amour à nous il va aux Lauréats, aux Nominés, au jury, aux partenaires. A tous, merci, car il y avait du beau monde cette année dans l’immense production arrivée sur les étagères en 2022 (+40 % de jeux proposés au jury). On se doute que ça a dû fumer sous les crânes et qu’on a trépigné chez les nominés.

Du coup, on félicite les nominés dans chaque catégorie et on met le nom du vainqueur en gras parce qu’on sait qu’un rôliste c’est aussi modeste.

Petit disclaimer : la numérotation n’est pas un classement, il s’agit simplement d’aider le lecteur à distinguer les lauréats des nominés.

  • Dans la catégorie Boîte de découverte
  1. La boîte d’initiation de l’Anneau Unique de Edge (vo Free League)
  2. Pour la Reine de Bragelonne
  3. Critical Foundation de Gigamic.
  • Les plus beaux écrins, pardon écrans
  1. Hong Kong, chroniques de l’Etrange chez Antre Monde éditions
  2. Noc de Sethmes Editeur
  3. Cats! La Mascarade de Black Book Editions
  • Meilleurs systèmes
  1. Genesys de Edge studio et (vo FFG)
  2. Thoan de Ludika
  3. L’Anneau unique de Edge (vo Fria Liga)
  • Le meilleur univers de jeu
  1. NOC
  2. Strata de Barbu Inc (vo Rowan, Rook and Decard Ltd)
  3. Forbidden Lands de Arkhane Asylum (Free League)
  • Meilleure couverture
  1. Forbidden Lands 
  2. Cats! La Mascarade
  3. Alice is missing de Origames (Renegade Game Studio en vo)

  • Meilleur JdR francophone
  1. NOC
  2. Donjons et Cie de John Doe
  3. Omega de Odonata Editions
  • Meilleur graphisme
  1. L’Anneau Unique
  2. NOC
  3. The Dark Crystal de Black Book Editions (River Horse pour l’édition en vo)
  • Meilleur Supplément
  1. Le Châtiment du Corbeau (pour Forbidden Lands) de Arkhane Asylum Publishing (v.o. Free League)
  2. Auberges Remarquables (tout jeu dans lequel il y a des auberges) de Arkhane Asylum Publishing (v.o. Loresmyth)
  3. La Ville en jaune pour Cthulhu Hack des XII Singes

  • Le Prix de l’Année
  1. L’Anneau Unique
  2. NOC
  3. La Ville en jaune

On peut, comme on l’a dit, noter l’absence de certains éditeurs ou la fréquence d’autres (Edge et Arkhane Asylum) mais, l’essentiel n’est pas là. Cette année, l’Anneau Unique a lié les membres du jury. Ses trois prix (meilleur graphisme, meilleur jeu de l’année et meilleure boite d’initiation) rappellent que ce jeu a fait son bout de chemin et qu’il est désormais un pilier bien établi. On notera par ailleurs qu’entre Forbidden Lands et l’Anneau Unique, Free League se trouve bien représentée, ce qui témoigne du soin que l’éditeur suédois accorde à ses jeux et également à son internationalisation.

Mais, ce que nous attendions avec le plus d’impatience au Fix, c’était, bien sûr, le prix des jeux indés parce qu’on aime d’amour les jeux indés. Sans roulement de tambour et cérémonie, voici donc le podium :

  1. Noir est le sceau de l’Enfer, de Jean-Laurent Del Socorro (Didaskalie Editions)
  2. Chromatopsie de Linou Majorzero
  3. Pendant ce temps, dans le métro de Côme Martin.

Belle surprise, pour un jeu qui nous a complètement échappés et dont on va maintenant persécuter l’auteur pour qu’il nous parle de ce jeu qui bénéficiera sûrement du label de ces prix rôlistes 2022.

Au printemps prochain, pour voir si la livraison de cette année 2023 sera féconde !

2 pensées sur “Et le gagnant est … le Jeu de rôles !

  • 28 avril 2023 à 15:56
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    Pas convaincu par le Palmarès, du tout…. très déçu même.
    Sauf pour Noir est le Sceau de l’enfer….

  • 5 juin 2023 à 13:37
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    Content pour « L’Anneau unique », qui est une gamme d’une belle qualité. Je suis un peu déçu que « Cats » n’ait remporté aucun prix pour ses illustrations, pourtant très léchées. Mais la concurrence est très rude dans ce domaine : franchement, les illustrations des jeux de rôle actuels sont souvent superbes.

    Le thème de « NOC » est trop sombre pour moi, mais je suis content que le travail de Sethmes soit mis en valeur car c’est un petit éditeur et pas une « grosse machine » comme « L’Anneau unique ».

    Quant à « Noir est le sceau de l’enfer », ça se tient, car même si ce type d’hybride livre-jdr a déjà été tenté plusieurs fois, il reste assez rare (trop, sans doute).

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